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Matthew Arnold
(1822-1888)
A Wish
I ask not that my bed of death
From bands of greedy heirs be free;
For these besiege the latest breath
Of fortune’s favoured sons, not me.
I ask not each kind soul to keep
Tearless, when of my death he hears;
Let those who will, if any, weep!
There are worse plagues on earth than tears.
I ask but that my death may find
The freedom to my life denied;
Ask but the folly of mankind,
Then, at last, to quit my side.
Spare me the whispering, crowded room,
The friends who come, and gape, and go;
The ceremonious air of gloom –
All which makes death a hideous show!
Nor bring, to see me cease to live,
Some doctor full of phrase and fame,
To shake his sapient head and give
The ill he cannot cure a name.
Nor fetch, to take the accustomed toll
Of the poor sinner bound for death,
His brother doctor of the soul,
To canvass with official breath
The future and its viewless things –
That undiscovered mystery
Which one who feels death’s winnowing wings
Must need read clearer, sure, than he!
Bring none of these; but let me be,
While all around in silence lies,
Moved to the window near, and see
Once more before my dying eyes
Bathed in the sacred dew of morn
The wide aerial landscape spread –
The world which was ere I was born,
The world which lasts when I am dead.
Which never was the friend of one,
Nor promised love it could not give,
But lit for all its generous sun,
And lived itself, and made us live.
There let me gaze, till I become
In soul with what I gaze on wed!
To feel the universe my home;
To have before my mind -instead
Of the sick-room, the mortal strife,
The turmoil for a little breath –
The pure eternal course of life,
Not human combatings with death.
Thus feeling, gazing, let me grow
Composed, refreshed, ennobled, clear;
Then willing let my spirit go
To work or wait elsewhere or here!
Poem of the week
June 21, 2009
Matthew Arnold – poem: A Wish
kempis poetry magazine
More in: Archive A-B
Alfred Jarry
UBU ROI
Acte II
Scène première
Le palais du roi.
VENCESLAS, LA REINE ROSEMONDE, BOLESLAS, LADISLAS & BOUGRELAS.
Le Roi:
–Monsieur Bougrelas, vous avez été ce matin fort impertinent avec
Monsieur Ubu, chevalier de mes ordres et comte de Sandomir. C’est
pourquoi je vous défends de paraître à ma revue.
La Reine:
–Cependant, Venceslas, vous n’auriez pas trop de toute votre famille
pour vous défendre.
Le Roi:
–Madame, je ne reviens jamais sur ce que j’ai dit. Vous me fatiguez
avec vos sornettes.
Le jeune Bougrelas:
–Je me soumets, monsieur mon père.
La Reine:
–Enfin, sire, êtes-vous toujours décidé à aller à cette revue?
Le Roi:
–Pourquoi non, madame?
La Reine:
–Mais, encore une fois, ne l’ai-je pas vu en songe vous frappant de
sa masse d’armes et vous jetant dans la Vistule, et un aigle comme
celui qui figure dans les armes de Pologne lui plaçant la couronne sur
la tête?
Le Roi:
–A qui?
La Reine:
–Au Père Ubu.
Le Roi:
–Quelle folie. Monsieur de Ubu est un fort bon gentilhomme, qui se
ferait tirer à quatre chevaux pour mon service.
La Reine & Bougrelas:
–Quelle erreur.
Le Roi:
–Taisez-vous, jeune sagouin. Et vous, madame, pour vous prouver
combien je crains peu Monsieur Ubu, je vais aller à la revue comme
je suis, sans arme et sans épée.
La Reine:
–Fatale imprudence, je ne vous reverrai pas vivant.
Le Roi:
–Venez, Ladislas, venez, Boleslas.
(Ils sortent. La Reine & Bougrelas vont à la fenêtre.)
La Reine & Bougrelas:
–Que Dieu et le grand saint Nicolas vous gardent.
La Reine:
–Bougrelas, venez dans la chapelle avec moi prier pour votre père et
vos frères.
Scène II
Le champ des revues.
L’armée polonaise, LE ROI, BOLESLAS, LADISLAS, PÈRE UBU, CAPITAINE
BORDURE & ses hommes, GIRON, PILE, COTICE.
Le Roi:
–Noble Père Ubu, venez près de moi avec votre suite pour inspecter
les troupes.
Père Ubu (aux siens):
–Attention, vous autres. (Au Roi.) On y va, monsieur, on y va.
(_Les hommes d’Ubu entourent le Roi.)
Le Roi:
–Ah! voici le régiment des gardes à cheval de Dantzick. Ils sont fort
beaux, ma foi.
Père Ubu:
–Vous trouvez? Ils me paraissent misérables. Regardez celui-ci, (Au
soldat.) Depuis combien de temps ne t’es-tu débarbouillé, ignoble
drôle?
Le Roi:
–Mais ce soldat est fort propre. Qu’avez-vous donc, Père Ubu?
Père Ubu:
–Voilà! (Il lui écrase le pied.)
Le Roi:
–Misérable!
Père Ubu:
–MERDRE. A moi, mes hommes!
Bordure:
–Hurrah! en avant! (Tous frappent le Roi, un Palotin explose.)
Le Roi:
–Oh! au secours! Sainte Vierge, je suis mort.
Boleslas (à Ladislas):
–Qu’est cela! Dégainons.
Père Ubu:
–Ah! j’ai la couronne! Aux autres, maintenant.
Capitaine Bordure:
–Sus aux traîtres!! (Les fils du Roi s’enfuient, tous les
poursuivent.)
Scène III
LA REINE & BOUGRELAS
La Reine:
–Enfin, je commence à me rassurer.
Bougrelas:
–Vous n’avez aucun sujet de crainte.
(Une effroyable clameur se fait entendre au dehors.)
Bougrelas:
–Ah! que vois-je? Mes deux frères poursuivis par le Père Ubu et ses
hommes.
La Reine:
–O mon Dieu! Sainte Vierge, ils perdent, ils perdent du terrain!
Bougrelas:
–Toute l’armée suit le Père Ubu. Le Roi n’est plus là. Horreur! Au
secours!
La Reine:
Voilà Boleslas mort! Il a reçu une balle.
Bougrelas:
–Eh! (Ladislas se retourne.) Défends-toi! Hurrah, Ladislas.
La Reine:
–Oh! Il est entouré.
Bougrelas:
–C’en est fait de lui. Bordure vient de le couper en deux comme une
saucisse.
La Reine:
–Ah! Hélas! Ces furieux pénètrent dans le palais, ils montent
l’escalier.
(La clameur augmente.)
La Reine & Bougrelas (à genoux):
–Mon Dieu, défendez-nous.
Bougrelas:
–Oh! ce Père Ubu! le coquin, le misérable, si je le tenais…
Scène IV
LES MÊMES, la porte est défoncée, le PÈRE UBU & les forcenés
pénètrent.
Père Ubu:
–Eh! Bougrelas, que me veux-tu faire?
Bougrelas:
–Vive Dieu! je défendrai ma mère jusqu’à la mort! Le premier qui fait
un pas est mort.
Père Ubu:
–Oh! Bordure, j’ai peur! laissez-moi m’en aller.
Un Soldat avance:
–Rends-toi, Bougrelas!
Le jeune Bougrelas:
–Tiens, voyou! voilà ton compte! (Il lui fend le crâne.)
La Reine:
–Tiens bon, Bougrelas, tiens bon!
Plusieurs avancent:
–Bougrelas, nous te promettons la vie sauve.
Bougrelas:
–Chenapans, sacs à vins, sagouins payés!
(Il fait le moulinet avec son épée et en fait un massacre.)
Père Ubu:
–Oh! je vais bien en venir à bout tout de même!
Bougrelas:
–Mère, sauve-toi par l’escalier secret.
La Reine:
–Et toi, mon fils, et toi?
Bougrelas:
–Je te suis.
Père Ubu:
–Tâchez d’attraper la reine. Ah! la voilà partie. Quant à toi,
misérable!… (Il s’avance vers Bougrelas.)
Bougrelas:
–Ah! vive Dieu! voilà ma vengeance! (Il lui découd la boudouille
d’un terrible coup d’épée.) Mère, je te suis! (Il disparaît par
l’escalier secret.)
Scène V
Une caverne dans les montagnes.
Le jeune BOUGRELAS entre suivi de ROSEMONDE.
Bougrelas:
–Ici nous serons en sûreté.
La Reine:
–Oui, je le crois! Bougrelas, soutiens-moi! (Elle tombe sur la
neige.)
Bougrelas:
–Ha! qu’as-tu, ma mère?
La Reine:
–Je suis bien malade, crois-moi, Bougrelas. Je n’en ai plus que pour
deux heures à vivre.
Bougrelas:
–Quoi! le froid t’aurait-il saisie?
La Reine:
–Comment veux-tu que je résiste à tant de coups? Le roi massacré,
notre famille détruite, et toi, représentant de la plus noble race
qui ait jamais porté forcé de t’enfuir dans les montagnes comme un
contrebandier.
Bougrelas:
–Et par qui, grand Dieu! par qui? Un vulgaire Père Ubu, aventurier
sorti on ne sait d’où, vile crapule, vagabond honteux! Et quand je
pense que mon père l’a décoré et fait comte et que le lendemain ce
vilain n’a pas eu honte de porter la main sur lui.
La Reine:
–O Bougrelas! Quand je me rappelle combien nous étions heureux avant
l’arrivée de ce Père Ubu! Mais maintenant, hélas! tout est changé!
Bougrelas:
–Que veux-tu? Abondons avec espérance et ne renonçons jamais à nos
droits.
La Reine:
–Je te le souhaite, mon cher enfant, mais pour moi je ne verrai pas
cet heureux jour.
Bougrelas:
–Eh! qu’as-tu? Elle pâlit, elle tombe, au secours! Mais je suis dans
un désert! O mon Dieu! son coeur ne bat plus. Elle est morte! Est-ce
possible? Encore une victime du Père Ubu! (Il se cache la figure dans
les mains et pleure.) O mon Dieu! qu’il est triste de se voir seul à
quatorze ans avec une vengeance terrible à poursuivre! (Il tombe en
proie au plus violent désespoir.)
(Pendant ce temps les Ames de Venceslas, de Boleslas, de Ladislas,
de Rosemonde entrent dans la grotte, leurs Ancêtres les accompagnent
et remplissent la grotte. Le plus vieux s’approche de Bougrelas et le
réveille doucement.)
Bougrelas:
–Eh! que vois-je? toute ma famille, mes ancêtres… Par quel prodige?
L’Ombre:
–Apprends, Bougrelas, que j’ai été pendant ma vie le seigneur Mathias
de Königsberg, le premier roi et le fondateur de la maison. Je te
remets le soin de notre vengeance. (Il lui donne une grande épée.)
Et que cette épée que je te donne n’ait de repos que quand elle aura
frappé de mort l’usurpateur.
(Tous disparaissent, et Bougrelas reste seul dans l’attitude de
l’extase.)
Scène VI
Le palais du roi.
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
Père Ubu:
–Non, je ne veux pas, moi! Voulez-vous me ruiner pour ces bouffres?
Capitaine Bordure:
–Mais enfin, Père Ubu, ne voyez-vous pas que le peuple attend le don
de joyeux avènement?
Mère Ubu:
–Si tu ne fais pas distribuer des viandes et de l’or, tu seras
renversé d’ici deux heures.
Père Ubu:
–Des viandes, oui! de l’or, non! Abattez trois vieux chevaux, c’est
bien bon pour de tels sagouins.
Mère Ubu:
–Sagouin toi-même! Qui m’a bâti un animal de cette sorte?
Père Ubu:
–Encore une fois, je veux m’enrichir, je ne lâcherai pas un sou.
Mère Ubu:
–Quand on a entre les mains tous les trésors de la Pologne.
Capitaine Bordure:
–Oui, je sais qu’il y a dans la chapelle un immense trésor, nous le
distribuerons.
Père Ubu:
–Misérable, si tu fais ça!
Capitaine Bordure:
–Mais, Père Ubu, si tu ne fais pas de distributions le peuple ne
voudra pas payer les impôts.
Père Ubu:
–Est-ce bien vrai?
Mère Ubu:
–Oui, oui!
Père Ubu:
–Oh, alors je consens à tout. Réunissez trois millions, cuisez cent
cinquante boeufs et moutons, d’autant plus que j’en aurai aussi!
(Ils sortent.)
Scène VII
La cour du palais pleine de Peuple.
PÈRE UBU couronné, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE, LARBINS chargés de
viande.
Peuple:
–Voilà le Roi! Vive le Roi! hurrah!
Père Ubu (jetant de l’or):
–Tenez, voilà pour vous. Ça ne m’amusait guère de vous donner de
l’argent mais vous savez, c’est la mère Ubu qui a voulu. Au moins,
promettez-moi de bien payer les impôts.
Tous:
–Oui, oui!
Capitaine Bordure:
–Voyez, Mère Ubu, s’ils se disputent cet or. Quelle bataille.
Mère Ubu:
–Il est vrai que c’est horrible. Pouah! en voilà un qui a le crâne
fendu.
Père Ubu:
–Quel beau spectacle! Amenez d’autres caisses d’or.
Capitaine Bordure:
–Si nous faisions une course.
Père Ubu:
–Oui, c’est une idée. (Au Peuple.) Mes amis, vous voyez cette
caisse d’or, elle contient trois cent mille nobles à la rose en or,
en monnaie polonaise et de bon aloi. Que ceux qui veulent courir
se mettent au bout de la cour. Vous partirez quand j’agiterai mon
mouchoir et le premier arrivé aura la caisse. Quant à ceux qui ne
gagneront pas, ils auront comme consolation cette autre caisse qu’on
leur partagera.
Tous:
–Oui! Vive le Père Ubu! Quel bon roi! On n’en voyait pas tant du
temps de Venceslas.
Père Ubu (à la Mère Ubu, avec joie):
–Ecoute-les! (Tout le peuple va se ranger au bout de la cour.)
Père Ubu:
–Une, deux, trois! Y êtes-vous?
Tous:
–Oui! oui!
Père Ubu:
–Partez! (Ils partent en se culbutant. Cris et tumulte.)
Capitaine Bordure:
–Ils approchent! ils approchent!
Père Ubu:
–Eh! le premier perd du terrain.
Mère Ubu:
–Non, il regagne maintenant.
Capitaine Bordure:
–Oh! il perd, il perd! fini! c’est l’autre! (Celui qui était
deuxième arrive le premier.)
Tous:
–Vive Michel Fédérovitch! Vive Michel Fédérovitch!
Michel Fédérovitch:
–Sire, je ne sais vraiment comment remercier Votre Majesté…
Père Ubu:
–Oh! mon cher ami, ce n’est rien. Emporte ta caisse chez toi, Michel;
et vous, partagez-vous cette autre, prenez une pièce chacun jusqu’à ce
qu’il n’y en ait plus.
Tous:
–Vive Michel Fédérovitch! Vive le Père Ubu!
Père Ubu:
–Et vous, mes amis, venez dîner! Je vous ouvre aujourd’hui les portes
du palais, veuillez faire honneur à ma table!
Peuple:
–Entrons! Entrons! Vive le Père Ubu! c’est le plus noble des
souverains!
(Ils entrent dans le palais. On entend le bruit de l’orgie qui se
prolonge jusqu’au lendemain. La toile tombe.)
Fin du deuxième Acte.
Alfred Jarry
Ubu roi
Acte II
fleursdumal.nl magazine
More in: - Book Stories, Archive I-J, Félix Vallotton, Jarry, Alfred, OULIPO (PATAFYSICA)
Jef van Kempen gedicht
S u ï c i d e
Het was geheel in overeenstemming met
wat zijn hart voelde maar wat zijn hoofd
vergat.
Omdat elk bewijs ontbrak, kreeg zijn onrust
geen warm onthaal, had hij als bron van kennis
en als gangmaker van valse praktijken afgedaan.
Zijn opvatting dat met het oog op de vooruitgang
geen genade kon worden verleend
(tenminste niet uit misplaatst medelijden)
dat in het licht van de resultaten van de samenspraak
van lichaam en ziel
een samenhang werd verondersteld
van gevoel en waarneming,
maakte zijn mistroostigheid alles onthullend,
waarbij de goede verstaander niet dient
te vergeten de invloed van gebrek aan slaap,
totdat hij als een schim fluisterend
zegde te zijn misleid en zich over te geven
aan een lichaam zonder een spoor van lust en
bandeloosheid, als een alledaagse omstandigheid
onherroepelijk hangend
aan het plafond
van zijn dromen.
Jef van Kempen: Laatste bedrijf – gedichten 1963-2008
Uitgeverij Art Brut – Postbus 117 – 5120 AC Rijen
ISBN: 978-90-76326-04-7
KEMP=MAG poetry magazine
More in: Archive K-L, Archive K-L, Kempen, Jef van, Suicide
Alfred Jarry
(1873-1907)
UBU ROI
ou
les Polonais
par ALFRED JARRY
Drame en cinq Actes en prose
Restitué en son intégrité tel qu’il a été représenté par les
marionnettes du Théâtre des Phynances en 1888.
Ce drame est dédié
à
MARCEL SCHWOB
Adonc le Père Ub
hoscha la poir
dont fut depuis
nommé par les Anglois
Shakespeare,
et avez de lui sous
ce nom maintes
belles tragoedies par
escript.
PERSONNAGES
Père Ubu.
Mère Ubu.
Capitaine Bordure.
Le Roi Venceslas.
La Reine Rosemonde.
Boleslas…)
Ladislas…) leurs fils.
Bougrelas..)
Le général Lascy.
Stanislas Leczinski.
Jean Sobieski.
Nicolas Rensky.
L’Empereur Alexis.
Giron…)
Pile….) Palotins.
Cotice..)
Conjurés & Soldats.
Peuple.
Michel Fédérovitch.
Nobles.
Magistrats.
Conseillers.
Financiers.
Larbins de Phynances.
Paysans.
Toute l’Armée russe.
Toute l’Armée polonaise.
Les Gardes de la Mère Ubu.
Un Capitaine.
L’Ours.
Le Cheval à Phynances.
La Machine à décerveler.
L’Equipage.
Le Commandant.
Acte Premier
Scène Première
PÈRE UBU, MÈRE UBU
Père Ubu:
–Merdre.
Mère Ubu:
–Oh! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.
Père Ubu:
–Que ne vous assom’je, Mère Ubu!
Mère Ubu:
–Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait
assassiner.
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.
Mère Ubu:
–Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort?
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, madame, certes oui, je suis content. On
le serait à moins: capitaine de dragons, officier de confiance du roi
Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi
d’Aragon, que voulez-vous de mieux?
Mère Ubu:
–Comment! après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener
aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand
vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à
celle d’Aragon?
Père Ubu:
–Ah! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
Mère Ubu:
–Tu es sí bête!
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant:
et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants?
Mère Ubu:
–Oui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur
place?
Père Ubu:
–Ah! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à
l’heure par la casserole.
Mère Ubu:
–Eh! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te
raccommoderait tes fonds de culotte?
Père Ubu:
–Eh vraiment! et puis après? N’ai-je pas un cul comme les autres?
Mère Ubu:
–A ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu
pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent
de l’andouille et rouler carrosse par les rues.
Père Ubu:
–Si j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme
celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont
impudemment volée.
Mère Ubu:
–Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te
tomberait sur les talons.
Père Ubu:
–Ah! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si
jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart
d’heure.
Mère Ubu:
–Ah! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.
Père Ubu:
–Oh non! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne!
plutôt mourir!
Mère Ubu (à part):
–Oh! merdre! (Haut) Ainsi tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.
Père Ubu:
–Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme
un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.
Mère Ubu:
–Et la capeline? et le parapluie? et le grand caban?
Père Ubu:
–Eh bien, après, Mère Ubu? (Il s’en va en claquant la porte.)
Mère Ubu (seule):
–Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois
pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans
huit jours serai-je reine de Pologne.
Scène II
(La scène représente une chambre de la maison du Père Ubu où une table
splendide est dressée.)
PÈRE UBU, MÈRE UBU
Mère Ubu:
–Eh! nos invités sont bien en retard.
Père Ubu:
–Oui, de par ma chandelle verte. Je crève de faim, Mère Ubu, tu es bien
laide aujourd’hui. Est-ce parce que nous avons du monde?
Mère Ubu (haussant les épaules):
–Merdre.
Père Ubu (saisissant un poulet rôti):
–Tiens, j’ai faim. Je vais mordre dans cet oiseau. C’est un poulet, je
crois. Il n’est pas mauvais.
Mère Ubu:
–Que fais-tu, malheureux? Que mangeront nos invités?
Père Ubu:
–Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien. Mère
Ubu, va donc voir à la fenêtre si nos invités arrivent.
Mère Ubu (y allant):
–Je ne vois rien. (Pendant ce temps le Père Ubu dérobe une rouelle
de veau.)
Mère Ubu:
–Ah! voilà le capitaine Bordure et ses partisans qui arrivent. Que
manges-tu donc, Père Ubu?
Père Ubu:
–Rien, un peu de veau.
Mère Ubu:
–Ah! le veau! le veau! veau! Il a mangé le veau! Au secours!
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, je te vais arracher les yeux.
(La porte s’ouvre.)
Scène III
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE et ses partisans.
Mère Ubu:
–Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.
Capitaine Bordure:
–Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu?
Père Ubu:
–Me voilà! me voilà! Sapristi, de par ma chandelle verte, je suis
pourtant assez gros.
Capitaine Bordure:
–Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes. (Ils s’asseyent tous.)
Père Ubu:
–Ouf, un peu plus, j’enfonçais ma chaise.
Capitaine Bordure:
–Eh! Mère Ubu! que nous donnez-vous de bon aujourd’hui?
Mère Ubu:
–Voici le menu.
Père Ubu:
–Oh! ceci m’intéresse.
Mère Ubu:
–Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien,
croupions de dinde, charlotte russe…
Père Ubu:
–Eh! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore?
Mère Ubu (continuant):
–Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, chouxfleurs
à la merdre.
Père Ubu:
–Eh! me crois-tu empereur d’Orient pour faire de telles dépenses?
Mère Ubu:
–Ne l’écoutez pas, il est imbécile.
Père Ubu:
–Ah! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.
Mère Ubu:
–Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.
Père Ubu:
–Bougre, que c’est mauvais.
Capitaine Bordure:
–Ce n’est pas bon, en effet.
Mère Ubu:
–Tas d’Arabes, que vous faut-il?
Père Ubu (se frappant le front):
–Oh! j’ai une idée. Je vais revenir tout à l’heure. (Il s’enva.)
Mère Ubu:
–Messieurs, nous allons goûter du veau.
Capitaine Bordure:
–Il est très bon, j’ai fini.
Mère Ubu:
–Aux croupions, maintenant.
Capitaine Bordure:
–Exquis, exquis! Vive la mère Ubu.
Tous:
–Vive la Mère Ubu.
Père Ubu (rentrant):
–Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu. (Il tient un balai
innommable à la main et le lance sur le festin.)
Mère Ubu:
–Misérable, que fais-tu?
Père Ubu:
–Goûtez un peu. (Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.)
Père Ubu:
–Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.
Mère Ubu:
–Les voici.
Père Ubu:
–A la porte tout le monde! Capitaine Bordure, j’ai à vous parler.
Les Autres:
–Eh! nous n’avons pas dîné.
Père Ubu:
–Comment, vous n’avez pas dîné! A la porte tout le monde! Restez,
Bordure. (Personne ne bouge.)
Père Ubu:
–Vous n’êtes pas partis? De par ma chandelle verte, je vais vous
assommer de côtes de rastron. (_Il commence à en jeter_.)
Tous:
–Oh! Aïe! Au secours! Défendons-nous! malheur! je suis mort!
Père Ubu:
–Merdre, merdre, merdre. A la porte! je fais mon effet.
Tous:
–Sauve qui peut! Misérable Père Ubu! traître et gueux voyou!
Père Ubu:
–Ah! les voilà partis. Je respire, mais j’ai fort mal dîné. Venez,
Bordure. (Ils sortent avec la Mère Ubu.)
Scène IV
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
Père Ubu:
–Eh bien, capitaine, avez-vous bien dîné?
Capitaine Bordure:
–Fort bien, monsieur, sauf la merdre.
Père Ubu:
–Eh! la merdre n’était pas mauvaise.
Mère Ubu:
–Chacun son goût.
Père Ubu:
–Capitaine Bordure, je suis décidé à vous faire duc de Lithuanie.
Capitaine Bordure:
–Comment, je vous croyais fort gueux, Père Ubu.
Père Ubu:
–Dans quelques jours, si vous voulez, je règne en Pologne.
Capitaine Bordure:
–Vous allez tuer Venceslas?
Père Ubu:
–Il n’est pas bête, ce bougre, il a deviné.
Capitaine Bordure:
–S’il s’agit de tuer Venceslas, j’en suis. Je suis son mortel ennemi
et je réponds de mes hommes.
Père Ubu (se jetant sur lui pour l’embrasser):
–Oh! Oh! je vous aime beaucoup, Bordure.
Capitaine Bordure:
–Eh! vous empestez, Père Ubu. Vous ne vous lavez donc jamais?
Père Ubu:
–Rarement.
Mère Ubu:
–Jamais!
Père Ubu:
–Je vais te marcher sur les pieds.
Mère Ubu:
–Grosse merdre!
Père Ubu:
–Allez, Bordure, j’en ai fini avec vous. Mais par ma chandelle verte,
je jure sur la Mère Ubu de vous faire duc de Lithuanie.
Mère Ubu:
–Mais…
Père Ubu:
–Tais-toi, ma douce enfant.
(Ils sortent.)
Scène V
PÈRE UBU, MÈRE UBU, UN MESSAGER
Père Ubu:
–Monsieur, que voulez-vous? fichez le camp, vous me fatiguez.
Le Messager:
–Monsieur, vous êtes appelé de par le roi.
(Il sort.)
Père Ubu:
–Oh! merdre, jarnicotonbleu, de par ma chandelle verte, je suis
découvert, je vais être décapité! hélas! hélas!
Mère Ubu:
–Quel homme mou! et le temps presse.
Père Ubu:
–Oh! j’ai une idée: je dirai que c’est la Mère Ubu et Bordure.
Mère Ubu:
–Ah! gros P.U., si tu fais ça…
Père Ubu:
–Eh! j’y vais de ce pas.
(Il sort.)
Mère Ubu (courant après lui):
–Oh! Père Ubu, Père Ubu, je te donnerai de l’andouille.
(Elle sort.)
Père Ubu (dans la coulisse):
–Oh! merdre! tu en es une fière, d’andouille.
Scène VI
Le palais du roi.
LE ROI VENCESLAS, entouré de ses officiers; BORDURE; les fils du roi,
BOLESLAS, LADISLAS & BOUGRELAS. Puis UBU.
Père Ubu (entrant):
–Oh! vous savez, ce n’est pas moi, c’est la mère Ubu et Bordure.
Le Roi:
–Qu’as-tu, Père Ubu?
Bordure:
–Il a trop bu.
Le Roi:
–Comme moi ce matin.
Père Ubu:
–Oui, je suis saoul, c’est parce que j’ai bu trop de vin de France.
Le Roi:
–Père Ubu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme
capitaine de dragons, et je te fais aujourd’hui comte de Sandomir.
Père Ubu:
–O monsieur Venceslas, je ne sais comment vous remercier.
Le Roi:
–Ne me remercie pas, Père Ubu, et trouve-toi demain matin à la grande
revue.
Père Ubu:
–J’y serai, mais acceptez, de grâce, ce petit mirliton.
(Il présente au roi un mirliton.)
Le Roi:
–Que veux-tu à mon âge que je fasse d’un mirliton? Je le donnerai à
Bougrelas.
Le jeune Bougrelas:
–Est-il bête, ce Père Ubu.
Père Ubu:
–Et maintenant je vais foutre le camp. (_Il tombe en se retournant_.)
Oh! aïe! au secours! De par ma chandelle verte, je me suis rompu
l’intestin et crevé la bouzine!
Le Roi (le relevant):
–Père Ubu, vous estes-vous fait mal?
Père Ubu:
–Oui certes, et je vais sûrement crever. Que deviendra la Mère Ubu?
Le Roi:
–Nous pourvoirons à son entretien.
Père Ubu:
–Vous avez bien de la bonté de reste. (_Il sort_.) Oui, mais, roi
Venceslas, tu n’en seras pas moins massacré.
Scène VII
La maison d’Ubu.
GIRON, PILE, COTICE, PÈRE UBU, MÈRE UBU, Conjurés & Soldats,
CAPITAINE BORDURE.
Père Ubu:
–Eh! mes bons amis, il est grand temps d’arrêter le plan de la
conspiration. Que chacun donne son avis. Je vais d’abord donner le
mien, si vous le permettez.
Capitaine Bordure:
–Parlez, Père Ubu.
Père Ubu:
–Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement le roi
en lui fourrant de l’arsenic dans son déjeuner. Quand il voudra le
brouter il tombera mort, et ainsi je serai roi.
Tous:
–Fi, le sagouin!
Père Ubu:
–Eh quoi, cela ne vous plaît pas? Alors, que Bordure donne son avis.
Capitaine Bordure:
–Moi, je suis d’avis de lui ficher un grand coup d’épêe qui le fendra
de la tête à la ceinture.
Tous:
–Oui! voilà qui est noble et vaillant.
Père Ubu:
–Et sil vous donne des coups de pied? Je me rappelle maintenant qu’il
a pour les revues des souliers de fer qui font très mal. Si je savais,
je filerais vous dénoncer pour me tirer de cette sale affaire, et je
pense qu’il me donnerait aussi de la monnaie.
Mère Ubu:
–Oh! le traître, le lâche, le vilain et plat ladre.
Tous:
–Conspuez le Père Ub!
Père Ubu:
–Hé, messieurs, tenez-vous tranquilles si vous ne voulez visiter mes
poches. Enfin je consens à m’exposer pour vous. De la sorte, Bordure,
tu te charges de pourfendre le roi.
Capitaine Bordure:
–Ne vaudrait il pas mieux nous jeter tous à la fois sur lui en
braillant et gueulant? Nous aurions chance ainsi d’entraîner les
troupes.
Père Ubu:
–Alors, voilà. Je tâcherai de lui marcher sur les pieds, il
regimbera, alors je lui dirai: MERDRE, et à ce signal vous vous
jetterez sur lui.
Mère Ubu:
–Oui, et dès qu’il sera mort tu prendras son sceptre et sa couronne.
Capitaine Bordure:
–Et je courrai avec mes hommes à la poursuite de la famille royale.
Père Ubu:
–Oui, et je te recommande spécialement le jeune Bougrelas.
(Ils sortent.)
Père Ubu (courant après et les faisant revenir):
–Messieurs, nous avons oublié une cérémonie indispensable, il faut
jurer de nous escrimer vaillamment.
Capitaine Bordure:
–Et comment faire? Nous n’avons pas de prêtre.
Père Ubu:
–La Mère Ubu va en tenir lieu.
Tous:
–Eh bien, soit.
Père Ubu:
–Ainsi, vous jurez de bien tuer le roi?
Tous:
–Oui, nous le jurons. Vive le Père Ubu!
Fin du premier Acte.
Alfred Jarry
Ubu roi
Acte I
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Karel van de Woestijne
(1878-1929)
vijf gedichten
Nog vóor de glans van een dagen
Nog vóor de glans van een dagen
beglijdt en wascht mijn gezicht,
voel ‘k over de waetren geslagen
schamp-schichtige scheuten van licht.
Aan den broozen boog van de bronnen,
op de koele kaalt van het wad,
schiet een klaarte, uit diepten geronnen,
in schervelen opengespat.
Nog komt geen morgen verbleeken
de wake der ochtend-beê:
reeds blanken de bibbrende kreken
en het logge ontwaken der zee.
Nóg kroest geen kreevlen de zwaarte
der woelige hemel-vacht:
reeds welft het water een klaarte
den navel uit van den nacht.
– Gestegen, ben ik gebleven
de bezwaarde van goud en lood.
Is vloeiën dan ‘t eenige leven?
Is al ‘t gedeegne de dood?
o Wateren zonder gedenken,
o wateren zonder waan
die de steêgste korsten zult drenken
tot ze zelf in waetren vergaan;
o waetren waar alle verstarren
in eigen vernietigen zakt,
tot de ziekte van willen en marren
in effen lichten vervlakt;
verzijpe, o waetren, de schorre:
zij bevestigt het teeken der baar,
en gij laat geen gelaat verdorren
of het blijft van uw weemlen klaar,
gelaten, o duizend gelaten,
tot hetzelfde Gelaat gewijd
omdat ge, woest of gelaten,
de dracht van het Eene zijt…
– Want, zee die uw zang uit het zaemlen
van huivrende beken won;
en meren die blinkt van den schaemlen
en duisteren blik eener bron;
geheele water der nachten
aan dit neigende grasje verdicht;
en moerassen die ligt te wachten
op zijgen in dieper licht,
o zwijgende waetren der poelen
die, gezogen ten donkersten boôm,
zich rijzend gaan rijpen voelen
in de aderen van den boom;
– – want: geen wateren zullen sterven
dan in ‘t barsten, bral, van een bot.
En zoo zal ik het leven niet derven
dan als roze in de ooge van God.
(Het berg-meer, 1928)
Aarde, over-oude, ik ben van u gescheiden
Aarde, over-oude, ik ben van u gescheiden.
De oog-appel van den nacht doordraait mijn hoofd;
de geur verwaait der overkaauwde weiden;
de tand verleerde ‘t raspen van het ooft.
Diep onder mij verveegt de reep der wegen;
geen fluistrend haspelen van huivrend graan
en wuift den smaak van wassend brood me tegen;
de blik der dieren is mijn blik vergaan.
Doch, zal de alleene hemel mij bekijken:
de holle spiegel van zijn glanzend oog
en kan úw wijde beeltenis ontwijken
die de einder eindloos naar zijn curve boog.
Ik kan niet openen, ik kan niet luiken
het wètend zien van mijn gekeerd gezicht:
‘t uitspansel wordt het dal waar menschen duiken
en elke ster een aarzlend menschen-licht.
En hoe ‘k belandde in streken zonder paden;
waar ‘k wade, naakt, in meren zonder strand:
mijn wanen, aarde, dragen úw gewaden,
mijn ziel is blijde of droef van úw verstand,
bepèrkte! – En toch, en mocht ik niet verlaten
een warr’ge wil die weigert en verlangt?
De honig bloedt vergeefs aan alle raten;
de vrucht is beursch die naar mijn lippe langt.
o Zieke herder, zoude ik niet verzaken
schapen der liefde en honden van den trots?
Ik ben de zatte, en mijn gewilde wake
is talmend wachten op den gallem Gods;
maar, oude Moeder, ‘k zoude u niet vergeten.
Gij waart geboort waar ik me-zelf uit baar;
gij waart de diepe schoot van ‘t rijzend weten;
gij waart het beuren van mijn hoofd-gebaar.
Van u gelijk de zee van u gescheiden,
ben ‘k ebbe-en-vloed die door uw adem streeft,
maar ‘k weet hoe ‘t geurend glanzen der getijden
over ‘t gelaat van tij, van wijke leeft.
Gewielde en will’ge wentling der seizoenen,
ijs-zwaart der peer als zonne-dans van ‘t kaf;
mijne aarde, wisslend teeken van verzoenen
die waart het Paradijs en wordt het graf:
gij wordt het graf den dankb’ren derver, die men
zal bergen, onbewogen, in uw schoot,
om dáar voor aarde en hemel weêr te ontkiemen
tot dubbel leve’, o brooze, o vruchtb’re Dood.
(Het berg-meer, 1928)
Uw eenzaamheid?
‘Uw eenzaamheid? Gij zijt als die wolvin.
‘Zwijmlend van honger, en van moederschap
bliksmen-verblind en ‘t ingewand doorflitst,
heeft, bij de trill’ge guurt van winter-nacht,
in ‘t gladde leem van een doorweekte sloot,
deze wolvin, al hare tanden bloot,
geworpen zeven jongen, schicht aan schicht.
‘En in den nacht heeft niemand haar gezien,
en geen geluid is in den nacht van haar.
Zij ligt. Zij beeft. Traag likt ze hare wond.
‘Maar in een verre wijdte, de einders rond,
op elke hoeve snuift, aan ‘t eigen hok
geketend – en ze snokt haar kele toe -,
snuift teef aan teef den geur dier moeder op.
Haar kranke weelde schiet de flanken door;
begeert dooradert de oogen; dof gemor
wordt huilen, hoeve aan hoeve, vert aan vert.
Zij liggen aan den band. Hàar lijf is hòl…
‘- Uw eenzaamheid? Werp uwe kindren, gij!’
(God aan zee, 1926)
Schaduw in den schaduw zijn
‘Schaduw in den schaduw zijn
en zich-zelf vergeten,
– was daar niet van de oude pijn
nieuwe bete.
Zwijgen, ‘lijk de zonne zwijgt
in de rechte halmen,
– hijgde niet ‘lijk storrem hijgt
lijdens galmen.
Heel mijn lijf is droef en trotsch
in de smart geklonken.
– Gij, o God, klets uit de rots
eindlijk vónken.
(God aan zee, 1926)
Weêr staat mijn venster open
Weêr staat mijn venster open op den nacht,
tusschen de kamer en haar broei’ge zwoelte
en deze wijdte en haar bewogen koelte.
En ‘k sta aan ‘t raam, en wacht.
Ik wacht. Er is een woel’ge stilte in mij.
Er zwelt en zwijmt, deint àan en deinst Verlangen,
als zong, op golven zoelte, in schroom’ge zangen
een ongeziene rei…
– o ‘k Weet: ik heb alleen in ‘t leed gebloeid
dat ik in ‘t eigen brein met zorge kweekte:
een kelder-plant van zieke en trotsche bleekte
in duisternis gegroeid;
ik ben geweest die voor zich-zelf verborg
te maklijk leve’ en lieve’, in vreez’ge hoede;
van de’ eigen tucht weldadig-strenge roede,
voor ‘t eigen lijden borg…
Maar deze nacht is schoon, en goed misschien.
Misschien staan, als het mijne, ramen open,
en hoopt een andre blik hetzelfde hopen,
en tracht als ik te zien;
peilt éen als ik, en met eenzelfden schroom,
de bakelooze banen door der nachten,
of hij hem vinde die hem staat te wachten:
de broeder van zijn droom;
éen die het kommer-bed ontrees als ik,
en staat aan ‘t raam zijn bangend hart te prangen,
en ziet daarboven al de sterren hangen
als kindren van zijn blik;
één, die mij wachte… – En ‘k wacht. En ‘k voel de vaalt’
van mijn gelaat in klamme koelt’ verweeken…
En hooploos-zoet zie ‘k ‘t blaauwe licht verbleeken
der trage maan, die daalt…
(De modderen man, 1920)
Karel van de Woestijne Vijf gedichten
fleursdumal.nl magazine
More in: Archive W-X, Woestijne, Karel van de
H e n r y L a w s o n
(1867-1922)
A Bush Girl
She’s milking in the rain and dark,
As did her mother in the past.
The wretched shed of poles and bark,
Rent by the wind, is leaking fast.
She sees the “home-roof” black and low,
Where, balefully, the hut-fire gleams–
And, like her mother, long ago,
She has her dreams; she has her dreams.
The daybreak haunts the dreary scene,
The brooding ridge, the blue-grey bush,
The “yard” where all her years have been,
Is ankle-deep in dung and slush;
She shivers as the hour drags on,
Her threadbare dress of sackcloth seems–
But, like her mother, years agone,
She has her dreams; she has her dreams.
The sullen “breakfast” where they cut
The blackened “junk.” The lowering face,
As though a crime were in the hut,
As though a curse was on the place;
The muttered question and reply,
The tread that shakes the rotting beams,
The nagging mother, thin and dry–
God help the girl! She has her dreams.
Then for “th’ separator” start,
Most wretched hour in all her life,
With “horse” and harness, dress and cart,
No Chinaman would give his “wife”;
Her heart is sick for light and love,
Her face is often fair and sweet,
And her intelligence above
The minds of all she’s like to meet.
She reads, by slush-lamp light, may be,
When she has dragged her dreary round,
And dreams of cities by the sea
(Where butter’s up, so much the pound),
Of different men from those she knows,
Of shining tides and broad, bright streams;
Of theatres and city shows,
And her release! She has her dreams.
Could I gain her a little rest,
A little light, if but for one,
I think that it would be the best
Of any good I may have done.
But, after all, the paths we go
Are not so glorious as they seem,
And–if t’will help her heart to know–
I’ve had my dream. ‘Twas but a dream.
Henry Lawson poetry
fleursdumal.nl magazine
More in: Archive K-L, Lawson, Henry
New website:
Museum of Lost Concepts
curated by Jef van Kempen
a project of fleursdumal.nl
More in: Jef van Kempen, Jef van Kempen Photos & Drawings, Kempen, Jef van, MUSEUM OF LOST CONCEPTS - invisible poetry, conceptual writing, spurensicherung
Guillaume Apollinaire
1880-1918
La maison des morts
A Maurice Raynal
S’étendant sur les côtés du cimetière
La maison des morts l’encadrait comme un cloître
A l’intérieur de ses vitrines
Pareilles à celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimaçaient pour l’éternité
Arrivé à Munich depuis quinze ou vingt jours
J’étais entré pour la première fois et par hasard
Dans ce cimetière presque désert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposée et vêtue le mieux possible
En attendant la sépulture
Soudain
Rapide comme ma mémoire
Les yeux ses rallumèrent
De cellule vitrée en cellule vitrée
Le ciel se peupla d’une apocalypse
Vivace
Et la terra plate à l’infini
Comme avant Galilée
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m’accostèrent
Avec des mines de l’autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientôt moins funbèbres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se réjouissaient
De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière
Ils riaient de voir leur ombre et l’observaient
Comme si véritablement
C’eût été leur vie passée
Alors je les dénombrai
Ils étaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient à vue d’oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialité
Tant de tendresse même
Que les prenant en amitié
Tout à coup
Je les invitai à une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos péchés sont absous
Nous quittâmes le cimetière
Nous traversâmes la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts récents
Tous étaient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s’éparpilla
Deux chevau-légers nous joignirent
On leur fit fête
Ils coupèrent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu’ils distribuèrent aux enfants
Plus tard dans un bal champètre
Les couples mains sur les épaules
Dansèrent au son aigre des cithares
Ils n’avaient pas oublié la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps à autre une cloche
Annonçait qu’un autre tonneau
Allait être mis en perce
Une morte assise sur un banc
Près d’un buisson d’épine-vinette
Laissait un étudiant
Agenouillé à ses pieds
Lui parler de fiançailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s’il le faut
Votre volonté sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
Répondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l’autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poétiques
De l’humanité
L’étudiant passa une bague
A l’annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fiançailles
Ni le temps ni l’absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous auront une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vêtements et dans vos cheveux
Un beau sermon à l’église
De longs discours après le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fiancée
Seront plus beaux plus beaux encore
Hélas! la bague était brisée
Que s’ils étaient d’argent ou d’or
D’émeraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumière de l’aurore
Que vos regards mon fiancé
Auront meilleure odeur encore
Hélas! la bague était brisée
Que le lilas qui vient d’éclore
Que le thym la rose ou qu’un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s’en étant allés
Nous continuâmes la promenade
Au bord d’un lac
On s’amusa à faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l’eau qui dansait à peine
Des barques étaient amarrées
Dans un havre
On les détacha
Après que toute la troupe se fut embarquée
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l’avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
Vêtue d’une robe jaune
D’un corsage noir
Avec des rubans bleus et d’un chapeau gris
Orné d’une seule petite plume défrisée
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l’insecte nocturne
Aime la lumière
Trop tard
Répondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour défendu
Je suis mariée
Voyez l’anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques étaient arrivées
A un endroit où les chevau-légers
Savaient qu’un écho répondait de la rive
On ne se lassait point de l’interroger
Il y eut des questions si extravagantes
Et des réponses tellement pleines d’à-propos
Que c’était à mourir de rire
Et le mort disait à la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l’eau se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s’entr’aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient à distances inégales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un genévrier parfois
Faisait l’effet d’un fantôme
Les enfants déchiraient l’air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se répondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu à peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bientôt
Bientôt entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quittèrent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir
Bientôt je restai seul avec ces morts
Qui s’en allaient tout droit
Au cimetière
Où
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couchés
Immobiles
Et bien vêtus
Attendant la sépulture derrière les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s’était passé
Mais les vivants en gardaient le souvenir
C’était un bonheur inespéré
Et si certain
Qu’ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs égaux
Ou même quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur génie
Car y a-t-il rien qui vous élève
Comme d’avoir aimé un mort ou une morte
On devient si pur qu’on en arrive
Dans les glaciers de la mémoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifié pour la vie
Et l’on n’a plus besoin de personne
Guillaume Apollinaire poème:
La Maison des Morts
fleursdumal.nl magazine
More in: Apollinaire, Guillaume, Archive A-B
Ed Schilders over Hans Warren
EEN LITERAIRE WANDELING DOOR ZEELAND
Het was al weer lang geleden dat ik door Zuid-Beveland en op Walcheren gewandeld had. Dat was met Victor Hugo, die op 18 augustus 1868 in Antwerpen de boot naar Wemeldingen nam voor een uitstapje van vier dagen. Zijn voetspoor is vrij gedetailleerd vastgelegd in het boekje Victor Hugo en Zélande. ‘Hij voelde zich gelukkig’, schrijft Charles Hugo over zijn vader, ‘in dit eenvoudigweg met appetijtelijk groen uitgedoste land.’
En nu dus wandelen met Hans Warren. Een grotere tegenstelling met de jubelstemming van Hugo is niet denkbaar. Waar de routes van Hugo en Warren elkaar kruisen neemt het contrast welhaast een symbolische vorm aan. Bijvoorbeeld in Goes, waar beiden lunchen in de nabijheid van het stadhuis. Volgens tafelgenote Mensje van Keulen bestelde Warren preisoep, maar kreeg hij vissoep geserveerd. Victor Hugo bestelt niets, maar krijgt een ‘excellente Rijnwijn’ aangeboden en een sigaar die hij mag opsteken waar de dames bij zijn. Toch was Warren er gelukkig. Zozeer zelfs dat hij zijn geboortegrond, de streek rond Borssele, slechts zelden verliet, ook al zag hij de schoonheid van het landschap — die de schoonheid van zijn jeugdjaren was — steeds verder aangetast worden. Hij had, blijkbaar, zo zijn eigen strategie om er gelukkig te blijven. Als hij preisoep bestelde en vissoep kreeg, bestelde hij gewoon nog een vissoep.
Ronny Boogaart en Eric de Rooij hebben in Hart van mijn land ik ben terug (de eerste regel van het gedicht ‘Thuiskeer in Zeeland’) drie routes uitgezet door Warrens leven, met Borssele, Goes, en Middelburg als vertrekpunt. Ze voeren de wandelaar, of de thuislezer, met enige regelmaat langs plekken die je in geen geval nog appetijtelijk kunt noemen, ook al doen oude veldnamen als De Noordnol, De berg van Troje, en De Kaloot anders vermoeden. De Noordnol bijvoorbeeld, waar Warren als jongen vogels ging kijken, en die hij later moest typeren als ‘een onnozel pad aan de voet van de beruchte kerncentrale’. Over De Kaloot schreef hij in 1941 in zijn dagboek dat hij die wel eens ‘over een jaar of vijftig’ zou willen zien. Het was hem al veel eerder gegund. Twintig jaar later luidt een dagboeknotitie: ‘Het was een van de rijkste gebieden van ons hele land.
Er is niets, maar dan ook niets van over. Vanaf de kerncentrale bij Borssele tot aan Vlissingen-Oost is het een cultuursteppe vol fabrieken en stank’. Boogaart en De Rooij doen er nog een schepje bovenop: ‘Op dit moment wordt ook het laatst overgebleven stukje van de Kaloot bedreigd doordat de provincie Zeeland precies op deze plek de Westerschelde Containerterminal wil bouwen.’
Waarom zou je in zoveel lelijkheid willen wandelen, of zelfs lezen? Omdat Boogaart en De Rooij gidsen zijn met een buitengewoon grote kennis van leven en werk van de schrijver. Nergens is het decor zo ‘verlelijkt’ of aan de einder gloort toch nog een appetijtelijk gedicht. Geen cultuursteppe zo bar of er bloeien passages uit de dagboeken. Tot en met de soep die genuttigd werd. En de mosselen die Warren en Van Keulen aten. Wie er kookte is niet duidelijk, maar het zal niemand meer verwonderen: ‘Veel zand, een vieze, weeë smaak, droog ondanks de korte kooktijd.’
Hart van mijn land ik ben terug
Een literaire wandeling door het Zeeland van Hans Warren
Ronny Boogaart en Eric de Rooij
Bas Lubberhuizen; 136 pagina’s; EURO 14,90
ISBN 978 90 5937 151 4
(Ed Schilders over Hans Warren, eerder gepubliceerd in De Volkskrant)
fleursdumal.nl magazine
More in: Archive W-X, Ed Schilders, Warren, Hans
H a d e w i j c h
(ca. 1200-1250)
Door hogher trouwen minne
Door hogher trouwen minne
So sijn alle mine sinne
In menichfoude pine;
Mijn swaere draghen
sonder claghen
Werdet mi wel in scine.
Die ghene daer ic omme douwe
Ende doghe so meneghen rouwe,
Hi hevet mi doen verstaen
Dat ic met hogher minnen sal ontgaen.
Sal mi hoghe minne
Behouden minne sinne,
So bennic seker des,
Met verstane van binnen:
Dat die minnare onser minnen
Wel volmaket es.
Want al sijn doen es sonder mate;
Hem en ghenoecht vore minne ghene orsate.
Dat bekinnen wel
Die hoghe minne draghen, en niemant el.
Die hoghe minne draghen
So selen luttel claghen,
Wat leede hen over gheet.
Si selen sijn alse die vroede
Altoes met diepen oetmoede
In hoghe minne ghereet,
Daer minne ghebiedet, si verre, si bi,
In sterven, in leven, so wat dat si,
In vriheit sonder vaer:
Dat maectse ons hoghe minne ierst openbaer.
Wat so ons god ye onste,
En wardt nieman, die conste
Gherechte minne verstaen,
Eer dat maria, die goede,
Met diepen oetmoede,
Die minne hadde ghevaen.
Tierst was si wilt, doen wardt si tam:
Si gaf ons vore den leeu een lam;
Si maecte die deemsterheit claer,
Die hadde gheweest doncker wel menich jaer.
Die vader, van anebeghinne,
Hadde sinen sone, die minne.
Verborghen in sinen scoet.
Eerne ons maria,
Met diepen oetmoede, ja,
Verholentlike ontsloet.
Doen vloeide die berch ten diepen dale,
Dat dal vloyde even hoghe der sale.
Doen wardt die casteel verwonnen,
Daer langhe strijt was an begonnen.
Ons dede elc prophete
Te voren scone behete:
Dat hi rike ware ende scone
Die ons soude brenghen vrede
Van minnen, ende mechtich mede.
Moyses met Salamoene
Prijsden alle sine cracht besondere,
Sine wijsheit ende sine wondere.
Tobyas, ysayas, daniel,
Job, Jheremias, ezechiel.
Si saghen visioene;
Si spraken parabilen scone:
Wat ons god noch soude doen.
Mar, na minen sinne,
Die clare, vrie minne
Bleef van hen al ongheploen.
Want si hadden hare seden alse andere man
Nu hier, nu daer, nu af, nu an;
Maer maria en sprac el niet
Dan: ‘mi werde dat god versiet.’
David seide: hem ghedachte
Van gode, het dede hem sachte
Ende hem ghebrac sijn gheest.
Nochtan hetet hi van werke sterc;
Maer maria wrachte sterkere werc.
Ja hi hads wale meest,
Sonder Maria, diene gheheel ontfinc:
God ende man ende jonghelijnc.
Daer mochtemen der minnen
Ierst clare werc bekinnen.
Dat was bi diepen niede
Dat hare dat grote ghesciede,
Dat die edel minne uut wert ghelaten
Dien edele wive
van hoghen prise
Met overvloedegher maten;
Want si el ne woude, noch haerre el ne was,
So hadse al daer elc af las.
Dus heeftse dat conduut gheleit,
Dat elker oetmoedegher herten es ghereit.
Die propheten ende al hare kinder
Offerden scape ende rinder:
Dat was hare sacrament.
Si daden hen metten bloede striken.
Hare sacramente waren gheliken;
Eer marien dat hoghe prosent,
Die sone, ghesindet wart vanden vader.
Nu comt ten groten etenne allegader,
-Die brulocht es ghereet –
Die de minne vindet gheciert in brulochtcleet.
Onser vriende der propheten
Harer doghet en doech vergheten:
Si was scone ende claer;
Si dogheden alendicheit
Ende grote bitterheit
Der wet wel menich jaer.
Hare sacramenten waren bi gheliken.
Dat si daer vore wouden wiken
Men maechs hen dancken wel,
Al segghic dat marien was el.
Oetmoedeghe vrie sinne,
Wildi gheheel al minne
Also minne hare selven levet,
Ic rade u: dore trouwe,
al lidi rouwe,
Vertijt alles ende beghevet.
So wert u herte wijt ende diep;
So sal u comen dat conduut dat liep
Marien sonder mate.
Bidt der hogher trouwen dat sijt u vloyen late.
Want hogher trouwen es bevolen,
Al die oetmoedicheit dore dolen
Dat sise volleiden sal
Daer maria es met minnen een in al.
Hadewijch: Door hogher trouwen minne
KEMPIS POETRY MAGAZINE
More in: Hadewijch
Alfred Jarry
(1873-1907)
L i n t e a u
Il est très vraisemblable que beaucoup ne s’apercevront point que ce qui va suivre soit très beau (sans superlatif : départ); et à supposer qu’une ou deux choses les intéressent, il se peut aussi qu’ils ne croient point qu’elles leur aient été suggérées exprès. Car ils entreverront des idées entrebâillées, non brodées de leurs usuelles accompagnatrices, et s’étonneront du manque de maintes citations congrues, alors qu’il se compile des manuels où tout jeune homme lit ce qui est nécessaire pour suivre lesdits usages. Il est bien d’avoir fréquenté chez les siècles divers des philosophes, pour apprendre 1° l’absurdité de répéter leurs doctrines, qui, récentes, traînent aux cafés et brasseries, plus vieilles, aux cahiers des potaches; 2° et surtout, la double absurdité de citer l’étai du nom d’un philosophe, quand chacune de ses idées, prise hors de l’ensemble du système, bave des lèvres d’un gâteux (Et ce bout de dissertation est tout aussi banal que la banalité d’il ne faut pas tout dire qu’il explique) …
Suggérer au lieu de dire, faire dans la route des phrases un carrefour de tous les mots. Comme des productions de la nature (auxquelles faussement on a comparé l’œuvre seule de génie, toute œuvre écrite y étant semblable), la dissection indéfinie exhume toujours des œuvres quelque chose de nouveau. Confusion et danger : l’œuvre d’ignorance aux mots bulletins de votre pris hors de leur sens ou plus justement sans préférence de sens. Et celle-ci aux superficiels d’abord est plus belle, car la diversités des sens attribuables est surpassante, la verbalité libre de tout chapelet se choisit plus tintante; et pour peu que la forme soit abrupte et irrégulière, par manque d’avoir su la régularité, toute régularité inattendue luit, pierre, orbite, œil de paon, lampadaire, accord final. – Mais voici le critère pour distinguer cette obscurité, chaos facile, de l’Autre, simplicité* condensée, diamant du charbon, œuvre unique faite de toutes les oeuvres possibles offertes à tous les yeux encerclant le phare argus de la périphérie de notre crâne sphérique : en celle-ci, le rapport de la phrase verbale à tout sens que l’on puisse y trouver est constant; en celle-là, indéfiniment varié.
(DILEMME) De par ceci qu’on écrit l’œuvre, active supériorité sur l’audition passive. Tous les sens qu’y trouvera le lecteur sont prévus, et jamais il ne les trouvera tous; et l’auteur lui en peut indiquer, colin-maillard cérébral, d’inattendus, postérieurs et contradictoires.
Mais 2° Cas. Lecteur infiniment supérieur par l’intelligence à celui qui écrivit. – N’ayant point écrit l’œuvre, il ne la néanmoins pénètre point, reste parallèle, sinon égal, au lecteur du Ier Cas.
3° Si impossible il s’identifie à l’auteur, l’auteur au moins dans le passé le surpassa écrivant l’œuvre, moment unique où il vit TOUT (et n’eut, comme ci-dessus, garde de le dire. C’eût été (Cf. Pataph.) association d’idées animalement passive, dédain (ou manque) du libre-arbitre ou de l’intelligence choisissante, et sincérité, anti-esthétique et méprisable).
4° Si passé ce moment unique l’auteur oublie (et l’oubli est indispensable – timeo hominem… – pour retourner le style en sa cervelle et y buriner l’œuvre nouvelle), la constante du rapport précité lui est jalon pour retrouver TOUT. Et ceci n’est qu’accessoire de cette réciproque : quand même il n’eût point su toutes choses y afférentes en écrivant l’œuvre, il lui suffit de deux jalons placés (encoche, point de mire) – par intuition, si l’on veut un mot – pour TOUT décrire (dirait le tire-ligne au compas) et découvrir. Et Descartes est bien petit d’ambition, qui n’a voulu qu’édifier sur un Album un système (Rien de Stuart Mill, méthode des résidus).
Il est bon d’écrire une théorie après l’œuvre, de la lire avant l’œuvre. –
Avant de lire ce qui est passable :
Il est stupide de commenter soi-même l’œuvre écrite, bonne ou mauvaise, car au moment de l’écriture on a tâché de son mieux non de dire TOUT, ce qui serait absurde, mais le plus du nécessaire (que jamais d’ailleurs le lecteur ne percevra totale), et l’on ne sera pas plus clair. Qu’on pèse donc les mots, polyèdres d’idées, avec des scrupules comme des diamants à la balance de ses oreilles, sans demander pourquoi telle et telle chose, car il n’y a qu’à regarder, et c’est écrit dessus.
Avant de lire ce qui ne vaut rien :
Et il y a divers vers et proses que nous trouvons très mauvais et que nous avons laissé pourtant, retranchant beaucoup, parce que pour un motif qui nous échappe aujourd’hui, il nous ont donc intéressé un instant parce que nous les avons écrits; l’œuvre est plus complète quand on n’en retranche point tout le faible et le mauvais, échantillons laissés qui expliquent par similitude ou différence leurs pareils ou leurs contraires – et d’ailleurs certains ne trouveront que cela de bien.
1894
(*) La simplicité n’a pas besoin d’être simple mais du complexe resserré et synthétisé
fleursdumal.nl magazine
More in: Archive I-J, Archive I-J, Jarry, Alfred, OULIPO (PATAFYSICA)
Algernon Charles Swinburne
(1837-1909)
S u n r i s e
If the wind and the sunlight of April and August had mingled the
past and hereafter
In a single adorable season whose life were a rapture of love and
of laughter,
And the blithest of singers were back with a song; if again from
his tomb as from prison,
If again from the night or the twilight of ages Aristophanes had
arisen,
With the gold-feathered wings of a bird that were also a god upon
earth at his shoulders,
And the gold-flowing laugh of the manhood of old at his lips, for a
joy to beholders,
He alone unrebuked of presumption were able to set to some adequate
measure
The delight of our eyes in the dawn that restores them the sun of
their sense and the pleasure.
For the days of the darkness of spirit are over for all of us here,
and the season
When desire was a longing, and absence a thorn, and rejoicing a
word without reason.
For the roof overhead of the pines is astir with delight as of
jubilant voices,
And the floor underfoot of the bracken and heather alive as a heart
that rejoices.
For the house that was childless awhile, and the light of it
darkened, the pulse of it dwindled,
Rings radiant again with a child’s bright feet, with the light of
his face is rekindled.
And the ways of the meadows that knew him, the sweep of the down
that the sky’s belt closes,
Grow gladder at heart than the soft wind made them whose feet were
but fragrant with roses,
Though the fall of the year be upon us, who trusted in June and by
June were defrauded,
And the summer that brought us not back the desire of our eyes be
gone hence unapplauded.
For July came joyless among us, and August went out from us arid
and sterile,
And the hope of our hearts, as it seemed, was no more than a flower
that the seasons imperil,
And the joy of our hearts, as it seemed, than a thought which
regret had not heart to remember,
Till four dark months overpast were atoned for, and summer began in
September.
Hark, April again as a bird in the house with a child’s voice
hither and thither:
See, May in the garden again with a child’s face cheering the woods
ere they wither.
June laughs in the light of his eyes, and July on the sunbright
cheeks of him slumbers,
And August glows in a smile more sweet than the cadence of
gold-mouthed numbers.
In the morning the sight of him brightens the sun, and the noon
with delight in him flushes,
And the silence of nightfall is music about him as soft as the
sleep that it hushes.
We awake with a sense of a sunrise that is not a gift of the
sundawn’s giving,
And a voice that salutes us is sweeter than all sounds else in the
world of the living,
And a presence that warms us is brighter than all in the world of
our visions beholden,
Though the dreams of our sleep were as those that the light of a
world without grief makes golden.
For the best that the best of us ever devised as a likeness of
heaven and its glory,
What was it of old, or what is it and will be for ever, in song or
in story,
Or in shape or in colour of carven or painted resemblance, adored
of all ages,
But a vision recorded of children alive in the pictures of old or
the pages?
Where children are not, heaven is not, and heaven if they come not
again shall be never:
But the face and the voice of a child are assurance of heaven and
its promise for ever.
kemp=mag poetry magazine
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