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Jacob, Max

· MAX JACOB: Contes · MAX JACOB: Cimetière · MAX JACOB: ROMANCE · MAX JACOB: DÉSIR · MAX JACOB: ADIEUX · MAX JACOB: LA GUERRE · MAX JACOB: FLAGELLATION, ETC · MAX JACOB: PLACE PIGALLE

MAX JACOB: Contes

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Contes

Je me suis trompé d’étage
et de soirée mondaine.
Bah ! ce sera la même chose,
les gens se ressemblent,
l’appartement,
les meubles et le buffet.

Mais non ! ce sont des étrangers!
Vous croyez?
L’escalier!
on monte!
on redescend!
il est tard.
La soirée a bien changé d’aspect!
à l’autre étage aussi.

Au bord d’une herbe tendre
Je les ai vus passer
Et que faut-il comprendre
A les voir enlacés?
C’était un polyglotte
Du nom de
Rustifan
Et avait une grotte
Avec ses partisans.

Elle aime les dolmans.
J’aime les
Allemandes.
Nous aurons des enfants
Si
Dieu nous en demande.

Nous aurons des enfants
Faits par la propagande.
Nous aurons des enfants
Au linge damassé.

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: Cimetière

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Max Jacob
(1876 – 1944)

 

Cimetière

Si mon marin vous le chassez
au cimetière vous le mettrez,
rose blanche,
rose blanche et rose rouge.

Ma tombe, elle est comme un jardin,
comme un jardin rouge et blanche,
Le dimanche vous irez,
rose blanche,
vous irez vous promener,
rose blanche et blanc muguet,

Tante
Yvonne à la
Toussaint

une couronne en fer peint
elle apporte de son jardin
en fer peint avec des perles de satin,
rose rouge et blanc muguet.

Si
Dieu veut me ressusciter
au
Paradis je monterai,
rose blanche,
avec un nimbe doré,
rose blanche et blanc muguet.

Si mon marin revenait,
rose rouge et rose blanche,
sur ma tombe il vient auprès,
rose blanche et blanc muguet.

Souviens-toi de notre enfance,
rose blanche,
quand nous jouions sur le quai,
rose blanche et blanc muguet.

 

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: ROMANCE

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Romance

Je garde dans la solitude comme un pressentiment de toi.
Tu viens ! et le ciel se déploie, la forêt, l’océan reculent.

Tous deux le soleil nous désigne par-dessus la ville et les toits les fenêtres renvoient ses lignes les fleurs éclatent comme des voix.

Lorsque ton jardin nous reçoit, ta maison prend un air étrange: comme un reflet, la véranda nous accueille, sourit et change.

Les arbres ont de grands coups d’ailes derrière et devant les buissons.
La vague, au loin, parallèle, se met à briller par frissons.

Je garde dans la solitude comme un pressentiment de toi.
Tu viens ! et le ciel se déploie, la forêt, l’océan reculent.

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: DÉSIR

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Désir

Deux cous comme deux serpents
ne savent où ils se posent
deux baisers ferment la rose
ils ont la saveur du sang

Pays caché par l’habit
ce corps blanc qui me subit,
tu m’es la natale terre
de ma grêle et mon tonnerre

Qu’importe si l’enfer en tremble
si le ciel m’ôte pitié on meurt
de soif d’être ensemble
au même buisson liés

Bûche au foyer devient cendre!
et le désir de chacun?
la ferraille d’un scaphandre
sur un visage défunt

Aphrodite est la merveille
toujours nouvelle,
emplumée toujours espoir
se réveille qui toujours part en fumée

Quel refrain, la flatterie!
vain refrain deviendra gris
refrain de l’Avril mépris
Agenouille-toi et prie.

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: ADIEUX

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Adieux

Le canapé des deux bras tendus pour les adieux ! L’autre canapé, dos, celui des paupières rougies sur un coussin ! L’officier de spahis de l’aquarelle va de l’un à l’autre et la dame en velours noir en sens inverse. L’aquarelle n’est pas achevée. Celui qui m’enseigna cette horreur, les haines souriantes et les silences méprisants me dit : « Avant d’aller à Longchamp il faudra que j’achète à ma femme une bouteille de Bordeaux pour que je ne l’accompagne pas ». Et l’on jouait derrière le mur les grelots de Beethoven de la sonate : les Adieux! Adieux de ma jeunesse, quels espoirs et quels désespoirs près du vieux pont près de l’Enseigne marron qui surplombe la rivière de ses lettres blanches : Liqueurs, Vins, Spiritueux en tous genres. Quels troubles et quelles amertumes dans ces départs vers la misère interrompue. Reste le témoin de tous mes adieux.
Aquarelle inachevée et vous grelots de Beethoven redites-moi ces Adieux ! ceux que je fais au monde pour toujours sans doute.

La lune est morte ; elle ressuscite ; le soleil se couche et se lève. Quand il se couche, c’est une fête pour tous les démons de la nuit, ils allument des feux de Bengale dans le ciel et sur les glaciers. Quand il se lève, ce sont les anges qui apportent les rideaux afin qu’il fasse sa toilette dans les fleuves et son entrée dans les palais. La lune ne meurt qu’une fois par mois et chaque fois c’est un deuil complet.

*

La littérature chandail le style à la cuve.

*

Le paysan vient voir son père de quatre-vingt-trois ans, qui a fait une chute et a tout un côté paralysé :

— Je ne t’ai jamais rien appris et tu sais tout faire. Eh ! bien, ma montre : j’peux pas me retourner, j’peux plus voir l’heure. Accroche-la moi au mur, plante un clou près de ma tête. Là… Est-il bien solide, ton clou ?

— Tu peux y mettre cent kilos que le clou ne era pas.

— S’il peut porter cent kilos, il pourra bien porter une montre. J’aime bien ce qui est solide.

Ceci dit, il ferma les yeux et mourut.

*

Un critique bienveillant affirme que les héros de M’X… l’écrivain ont les trois dimensions. Moi, je prétends que s’ils n’ont pas la quatrième ils n’existent pas.

*

Pour toucher les hommes il faut être un homme. N.S.J.C. a créé et pratiqué cette vérité.

Les voici bien ! mais transfigurés par un séjour entre les livres.

*

Encore un peu plus bas ! plus au fond ! là, maintenant éloigne-les ! place-les au-dessus.

Dans le fameux tableau : la Justice et la Vengeance poursuivant le Crime, l’une des figures célestes tient une lampe à abat-jour vert, l’autre essaie d’ouvrir un parapluie malgré le vent.

*

Les enterrements fréquents sont les lieux où la ville entière se réunit et où se manifestent dans les cortèges les sympathies et naissent les antipathies.

Moïse B… est marié. Sa femme est partie après trois mois de mariage. La belle-mère seule compte dans la maison. Le fils était toujours près de sa mère, jamais avec sa femme.

*

On appelle éphémères des insectes qui ne peuvent ni se nourrir ni vivre n’ayant ni bouche, ni estomac.

#

Ne pas laisser les vaches dans le pâtis. Elles ont vite fait en un jour de le gâcher, de le manger, le fouler ; mais diviser le pâtis en parties, les enfermer dans un coin grillagé, le lendemain dans un autre. Les coins se refont et on remet ça la semaine suivante.

*

Jean emmène Jules voir sa fille à Paris dans son auto. Sa femme intervient : elle ne veut pas, fait observer que sa fille est en examen. Nous revoyons Jules très tenté, il donne en échange (car rien pour rien à la campagne) des légumes pour Germaine qui sera ravie.

C’est servi, les hommes ! si vous voulez boire maintenant, c’est le moment (propos de la femme du camionneur à des porteurs).

*

Dites-donc ! jeune homme ! Vous ne pourriez déranger votre cheval, on ne va pas pouvoir sortir de mon établissement —

Je suis autorisé à aller cueillir des artichauts dans le jardin du propriétaire. C’est une fête, une récréation, un régal.

*

Grand nombre d’alouettes dans les alentours de Jargeau. Jean Fraysse m’apprend que les alouettes pour sauver leurs petits font semblant d’aller les rejoindre ailleurs qu’ils ne sont. Le chasseur les suit. Les perdrix font de même. Samuel Buder fait allusion à ce fait dans ses aphorismes sur le mensonge quand il dit le mensonge naturel à l’univers.

Mr Lehman est un ancien gardien de la paix et huissier de ministre. Il raconte comme un cantonnier fit tant de barouf dans une antichambre qu’il obtint de Briand ce qu’il voulut.

Mme M… dont le mari est un ancien ouvrier sabotier devenu millionnaire.

« Ce Laval n’était jamais qu’un parvenu. »

La même ayant dit à une fille qu’elle était la fille

d’une cuisinière, celle-ci lui répondit : « Eh ! bien !

vous ne seriez pas même foutue de cuire un œuf à la

coque. »

*

Il salua la foule qui le fixait et une fois à terre fit une quête dans toutes les maisons. Le soir il était ivre mort.

Ces maisons au bord des fossés, quelle verdure, arbres et jardins ! Habiter là ! voir en se levant ces fruits, ces fleurs, ces oiseaux. Voilà où j’ai perdu ma matinée.

M’ Ch… à qui j’ai demandé la maison de la morte, m’a indiqué la maison de sa famille à lui soit avec intention soit parce que chacun est si préoccupé de soi-même, qu’il ne pense pas qu’autrui puisse penser à autre chose. Ces troix vieux ne pensent qu’à leur jardin et comme je les comprends. Nouvelles des uns et des autres, chacun parle de ses maladies et ne parle pas d’autre chose. Ici les gens ne vieillissent pas et se portent bien.

La maison de la morte ! il y a là une morte ? Les peupliers chantent, une barque était sur l’eau des fossés. « Non ! je ne voulais pas qu’on fasse le circuit dans mon atelier ! mes ouvriers le font en face ! “De la morte, pas question !” Il était temps qu’elle s’en aille. On n’a pas le droit de désirer la mort de quelqu’un, mais il valait mieux pour elle et pour tout le monde qu’elle s’en aille. » Et puis on a parlé « âges », « sciati-ques », « mariages », « naissances ». Et me revoici sous la pluie avec le souvenir de cet atelier de menuisier, cette odeur de bois frais, ces planches de bois précieux, ces jolis vieux meubles à réparer, ces meubles neufs pas encore colorés, les copeaux à terre. Les murs sont antiques avec des poutres rejointes par de la chaux, poutres tordues, grimaçantes et des recoins mystérieux. Dehors la verdure et les peupliers qui chantent. C’est tout au bout du bourg céleste. L’après-midi le fils promenait en toilette d’enterrement d’ailleurs des triangles de bois sculptés…

Les hommes qui disent le plus de mal des femmes sont ceux qui les ont le plus pratiquées. Ceux qui les respectent, trop seuls, en disent du bien. Ils ont raison.

*

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: LA GUERRE

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Max Jacob
(1876 – 1944)

La Guerre

Quand le soleil est en colère,

les vagues de la mer vont plus vite,

les nuages du ciel se dépêchent.

Les yeux du
Sage s’exorbitent

le nombril de
Bouddha était

comme une coupe vide : la coupe maintenant

déborde

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: FLAGELLATION, ETC

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Flagellation, Etc

« Vous avez promené le jet entre

Mes

Côtes « de la lampe à souder, le fouet des démons ! »

Aïe ! oh ! oh! le sang lent ; l’Esprit est sur la motte.

Sang à la cloque : il coule !

la cloque et les ampoules !

Qui ?

Le dieu architecte, l’ingénieur, l’ingénieur !

Hors des apparences, derrière le grillage.
Son Œil pense le sous-sol est tout ce qui fait vivre l’essence or sous le fouet le
Triste-Sire percé comme une poêle à frire pense l’espace et ce qui passe.
Vous avez promené la lampe des démons
Aïe, oh ! oh ! la faulx sur le corps de satin, la faulx qui n’est pas loin des jambes.
La fleur s’inclina sous le fouet de la lampe.
Qui ? l’inventeur des lois, aïe ! oh ! oh !
Lois du monde derrière la mer, et l’air créé ; derrière les ondes. «
Donner
Mon sang d’engrais d’esprit à vous, les bêtes, « sous la poutre et tomber aux brancards d’une charrette. «
Sang au pavé, le bois aux ressauts du pavé ! »
Fin de mort ! on est arrivé !

Mains clouées ! laissez faire : c’est pour l’humanité.
Crevez la peau, le muscle et séparez les os.
Crevez le pied, les pieds : c’est pour la vérité.
Le bois l’auguste bois percé par la ferraille. «
Je suis le dieu des dieux, l’odorante aubépine. «
Regardez-moi les yeux, je parle de partout. »

Max Jacob poetry
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MAX JACOB: PLACE PIGALLE

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Max Jacob
(1876 – 1944)

Place Pigalle

De meilleurs démons ont fait craquer les pierres. Les balcons sont égayés par l’écarlate : les fez. J’ai étendu mon manteau rouge au-dessus de vos têtes et vous vous êtes tus. Il y avait à une table en plein air, où des dames blanches disaient : « Il prend notre statuette l’une après l’autre et essaie de la briser, le dédaigneux ». Le sommelier du café, qui a de la sciure de bois dans ses rides, fait des commandes désordonnées au représentant de Bercy et le patron n’est pas très satisfait. Qu’importe ! On laisse sur le marbre des bouteilles de kummel dans les mains de vieux célibataires rancis : et ils versent à la ronde. Les chevelures de mes amis ont des mèches blondes et les plus pâles s’empourprent derrière le monocle ou les lunettes. Tout est de la couleur des aurores royales ou de celle du crépuscule souverain.
Rien n’a plus d’autre prix que celui d’une joie magique.

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