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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Bergerie
À Georges Auric
Marronniers, ainsi que l’yeuse
Quels arbres, ombrelles rieuses,
Ne se déploieraient pour fêter
Le retour du prodigue été !
L’un nous ogre un feu d’artifice
De plumes et de fleurs : orgie
Digne de Noël, tes bougies
Roses, d’autres fêtes complices,
L’encombrant cadeau, marronnier,
Pour ne point des neuves bergères
Troubler la candeur bocagère
Tu le voudrais plutôt nier.
Mais minuit allume la fête
D’où seront exclus les parents.
Un rideau de cheveux, fillette,
Fait mon désir moins apparent.
Dissimule-toi, feu des joues,
Sous la coiffure que dénoue
D’un pâtre la timide main
Feuille encor tremblante demain
Dans tes veines, bergère, un sang
Coule, mauve, avec nonchalance,
Celle des ruisseaux innocents
Chez qui le désir ne s’élance
Que lorsqu’on le leur a permis.
Tandis qu’à ton front se pâmaient
Plusieurs roses, une parmi
Ses soeurs, proche de ton oreille,
Murmure : C’est le mois de Mai,
Qui par sa bouche te conseille :
” Comme l’eau se prête à la rive
Donne ta douce peau craintive
Que quelque rayon indiscret
De lune, affirme tes ébats “
Parce que corne d’abondance
Aujourd’hui semble son croissant
La lune à qui ne suffit pas
De souligner baisers et danses,
Nous verse les plus beaux présents :
Sous des joyaux, sous des dentelles
Ensevelissant la pelouse
Qui frissonne, esclave jalouse.
Aurore ! l’herbe défrisée
Muette atteste que la belle
Usa de tout pour apaiser
La nuit dont la pâle défaite
Est soeur des lendemains de fête.
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Montagnes russes ou voyage de noces
À ma place
Le lecteur et sa gracieuse compagne
Aux abeilles feraient la chasse
Mon amour Le pot de miel est à moitié vide
Un ciel à peine aussi tranquille
Que le ciel de notre lit
Jeune mariée Violette
Qui souriez sous la voilette
Sans retard réclamez la terre ferme
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Nues
Au regard frivoles les nues
Se refusent selon la nuit
Vers l’aurore sans plus de bruit
Dormez chère étoile ingénue
Sous les arbres de l’avenue
Les amours ne sont plus gratuits
Au regard frivoles les nues
Se refusent selon la nuit
Deux étoiles à demi nues
Semblables soeurs nées à minuit
Chacune son tour nous conduit
À des adresses inconnues
De vos regards frivoles nues
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Bouquet de flammes . . .
Bouquet de flammes (que délie
Des faveurs l’innocent larcin)
Où se noyer en compagnie
Des colombes de la Saint Jean.
De l’eau qui ne peut en son lit
Obtenir la tranquillité,
Et des feux oisifs qui s’ennuient
Loin des lieux par Vénus hantés,
Roucoulent les vagues, singeant
Dans leur adorable colère
Un sein qui se gonfle de lait.
Ou de désir ? Plutôt cela.
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Amélie
Vagues charmeuses ô peut-être votre essaim
Mouille le ramage des vieux oiseaux moqueurs
Es se moquent de nous qui perdîmes un coeur
Coeur d’or que l’océan veut garder en son sein
Faire entendre raison à des âmes pareilles
En vain vous gazouillez bijoux à ses oreilles
Cher René nous savons que c’est pure folie
Ce voyage au long cours à cause d’Amélie
Moissonneur de nos mains fanées par les hivers
Les mousses se noyaient dans vos regards déserts
Auprès des matelots ce silence vous nuit
Vous devez avoir tort on ne meurt pas d’ennui
Orages sur le pont si le champagne mousse
Versons une liqueur de fantaisie au mousse
Pour nous remercier de ces verres de menthe
Il nous épellera le nom de son amante
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Déjeuner de soleil
Ah les cornes : c’est un colimaçon.
Paresseuse, si vous voulez nous plaire,
Désormais sachez mieux votre leçon,
Nous ne sommes plus ces mauvais garçons
Ivres à jamais de boissons polaires,
Depuis que les flots vivent sans glaçons.
Seize ans : les glaces sont à la framboise.
Je ne viderai pas votre panier
Avant la mort de cette aube narquoise.
À mon âge les pleurs manquent de charme ;
J’irai près du soleil, dans le grenier,
Afin que sèchent plus vite mes larmes.
Raymond Radiguet poésie
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