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George Sand
(1804-1876)
Lettre envoyée par Aurore Dupin
dite George SAND
à Alfred de MUSSET
Je suis très émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde comme la plus étroite
amitié, en un mot la meilleure preuve
que vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j’ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j’ai l’âme
grosse. Accourez donc vite et venez me la
faire oublier par l’amour où je veux me
mettre
George Sand (1835)
NB : A vous de découvrir l’érotisme caché.
Relisez-la en sautant les lignes paires
La réponse d’Alfred de Musset
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un coeur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.
Alfred de Musset
La réponse de George Sand
Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
George Sand poetry & prose
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Derniers vers
L’heure de ma mort, depuis dix-huit mois,
De tous les côtés sonne à mes oreilles,
Depuis dix-huit mois d’ennuis et de veilles,
Partout je la sens, partout je la vois.
Plus je me débats contre ma misère,
Plus s’éveille en moi l’instinct du malheur ;
Et, dès que je veux faire un pas sur terre,
Je sens tout à coup s’arrêter mon coeur.
Ma force à lutter s’use et se prodigue.
Jusqu’à mon repos, tout est un combat ;
Et, comme un coursier brisé de fatigue,
Mon courage éteint chancelle et s’abat.
1857
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Sur une morte
Elle était belle, si la Nuit
Qui dort dans la sombre chapelle
Où Michel-Ange a fait son lit,
Immobile peut être belle.
Elle était bonne, s’il suffit
Qu’en passant la main s’ouvre et donne,
Sans que Dieu n’ait rien vu, rien dit,
Si l’or sans pitié fait l’aumône.
Elle pensait, si le vain bruit
D’une voix douce et cadencée,
Comme le ruisseau qui gémit
Peut faire croire à la pensée.
Elle priait, si deux beaux yeux,
Tantôt s’attachant à la terre,
Tantôt se levant vers les cieux,
Peuvent s’appeler la Prière.
Elle aurait souri, si la fleur
Qui ne s’est point épanouie
Pouvait s’ouvrir à la fraîcheur
Du vent qui passe et qui l’oublie.
Elle aurait pleuré si sa main,
Sur son coeur froidement posée,
Eût jamais, dans l’argile humain,
Senti la céleste rosée.
Elle aurait aimé, si l’orgueil
Pareil à la lampe inutile
Qu’on allume près d’un cercueil,
N’eût veillé sur son coeur stérile.
Elle est morte, et n’a point vécu.
Elle faisait semblant de vivre.
De ses mains est tombé le livre
Dans lequel elle n’a rien lu.
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
A une fleur
Que me veux-tu, chère fleurette,
Aimable et charmant souvenir ?
Demi-morte et demi-coquette,
Jusqu’à moi qui te fait venir ?
Sous ce cachet enveloppée,
Tu viens de faire un long chemin.
Qu’as-tu vu ? que t’a dit la main
Qui sur le buisson t’a coupée ?
N’es-tu qu’une herbe desséchée
Qui vient achever de mourir ?
Ou ton sein, prêt à refleurir,
Renferme-t-il une pensée ?
Ta fleur, hélas ! a la blancheur
De la désolante innocence ;
Mais de la craintive espérance
Ta feuille porte la couleur.
As-tu pour moi quelque message ?
Tu peux parler, je suis discret.
Ta verdure est-elle un secret ?
Ton parfum est-il un langage ?
S’il en est ainsi, parle bas,
Mystérieuse messagère ;
S’il n’en est rien, ne réponds pas ;
Dors sur mon coeur, fraîche et légère.
Je connais trop bien cette main,
Pleine de grâce et de caprice,
Qui d’un brin de fil souple et fin
A noué ton pâle calice.
Cette main-là, petite fleur,
Ni Phidias ni Praxitèle
N’en auraient pu trouver la soeur
Qu’en prenant Vénus pour modèle.
Elle est blanche, elle est douce et belle,
Franche, dit-on, et plus encor ;
A qui saurait s’emparer d’elle
Elle peut ouvrir un trésor.
Mais elle est sage, elle est sévère ;
Quelque mal pourrait m’arriver.
Fleurette, craignons sa colère.
Ne dis rien, laisse-moi rêver.
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Non, quand bien même une amère souffrance
Non, quand bien même une amère souffrance
Dans ce coeur mort pourrait se ranimer ;
Non, quand bien même une fleur d’espérance
Sur mon chemin pourrait encor germer ;
Quand la pudeur, la grâce et l’innocence
Viendraient en toi me plaindre et me charmer,
Non, chère enfant, si belle d’ignorance,
Je ne saurais, je n’oserais t’aimer.
Un jour pourtant il faudra qu’il te vienne,
L’instant suprême où l’univers n’est rien.
De mon respect alors qu’il te souvienne !
Tu trouveras, dans la joie ou la peine,
Ma triste main pour soutenir la tienne,
Mon triste coeur pour écouter le tien.
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Fut-il jamais douceur de coeur pareille
Rondeau
Fut-il jamais douceur de coeur pareille
À voir Manon dans mes bras sommeiller ?
Son front coquet parfume l’oreiller ;
Dans son beau sein j’entends son coeur qui veille.
Un songe passe, et s’en vient l’égayer.
Ainsi s’endort une fleur d’églantier,
Dans son calice enfermant une abeille.
Moi, je la berce ; un plus charmant métier
Fut-il jamais ?
Mais le jour vient, et l’Aurore vermeille
Effeuille au vent son bouquet printanier.
Le peigne en main et la perle à l’oreille,
À son miroir Manon court m’oublier.
Hélas ! l’amour sans lendemain ni veille
Fut-il jamais ?..
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
A Aimée d’Alton
Déesse aux yeux d’azur, aux épaules d’albâtre,
Belle muse païenne au sourire adoré,
Viens, laisse-moi presser de ma lèvre idolâtre
Ton front qui resplendit sous un pampre doré.
Vois-tu ce vert sentier qui mène à la colline ?
Là, je t’embrasserai sous le clair firmament,
Et de la tiède nuit la lueur argentine
Sur tes contours divins flottera mollement.
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Jamais
Jamais, avez-vous dit, tandis qu’autour de nous
Résonnait de Schubert la plaintive musique ;
Jamais, avez-vous dit, tandis que, malgré vous,
Brillait de vos grands yeux l’azur mélancolique.
Jamais, répétiez-vous, pâle et d’un air si doux
Qu’on eût cru voir sourire une médaille antique.
Mais des trésors secrets l’instinct fier et pudique
Vous couvrit de rougeur, comme un voile jaloux.
Quel mot vous prononcez, marquise, et quel dommage !
Hélas ! je ne voyais ni ce charmant visage,
Ni ce divin sourire, en vous parlant d’aimer.
Vos yeux bleus sont moins doux que votre âme n’est belle.
Même en les regardant, je ne regrettais qu’elle,
Et de voir dans sa fleur un tel coeur se fermer.
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Marie
Sonnet
Ainsi, quand la fleur printanière
Dans les bois va s’épanouir,
Au premier souffle du zéphyr
Elle sourit avec mystère ;
Et sa tige fraîche et légère,
Sentant son calice s’ouvrir,
Jusque dans le sein de la terre
Frémit de joie et de désir.
Ainsi, quand ma douce Marie
Entr’ouvre sa lèvre chérie,
Et lève, en chantant, ses yeux bleus,
Dans l’harmonie et la lumière
Son âme semble tout entière
Monter en tremblant vers les cieux.
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Lucie
Élégie
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
Un soir, nous étions seuls, j’étais assis près d’elle ;
Elle penchait la tête, et sur son clavecin
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main.
Ce n’était qu’un murmure : on eût dit les coups d’aile
D’un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux,
Et craignant en passant d’éveiller les oiseaux.
Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques
Sortaient autour de nous du calice des fleurs.
Les marronniers du parc et les chênes antiques
Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs.
Nous écoutions la nuit ; la croisée entr’ouverte
Laissait venir à nous les parfums du printemps ;
Les vents étaient muets, la plaine était déserte ;
Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans.
Je regardais Lucie. – Elle était pâle et blonde.
Jamais deux yeux plus doux n’ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l’azur.
Sa beauté m’enivrait ; je n’aimais qu’elle au monde.
Mais je croyais l’aimer comme on aime une soeur,
Tant ce qui venait d’elle était plein de pudeur !
Nous nous tûmes longtemps ; ma main touchait la sienne.
Je regardais rêver son front triste et charmant,
Et je sentais dans l’âme, à chaque mouvement,
Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine,
Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur,
Jeunesse de visage et jeunesse de coeur.
La lune, se levant dans un ciel sans nuage,
D’un long réseau d’argent tout à coup l’inonda.
Elle vit dans mes yeux resplendir son image ;
Son sourire semblait d’un ange : elle chanta.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fille de la douleur, harmonie ! harmonie !
Langue que pour l’amour inventa le génie !
Qui nous vins d’Italie, et qui lui vins des cieux !
Douce langue du coeur, la seule où la pensée,
Cette vierge craintive et d’une ombre offensée,
Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux !
Qui sait ce qu’un enfant peut entendre et peut dire
Dans tes soupirs divins, nés de l’air qu’il respire,
Tristes comme son coeur et doux comme sa voix ?
On surprend un regard, une larme qui coule ;
Le reste est un mystère ignoré de la foule,
Comme celui des flots, de la nuit et des bois !
– Nous étions seuls, pensifs ; je regardais Lucie.
L’écho de sa romance en nous semblait frémir.
Elle appuya sur moi sa tête appesantie.
Sentais-tu dans ton coeur Desdemona gémir,
Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur ta bouche adorée
Tu laissas tristement mes lèvres se poser,
Et ce fut ta douleur qui reçut mon baiser.
Telle je t’embrassai, froide et décolorée,
Telle, deux mois après, tu fus mise au tombeau ;
Telle, ô ma chaste fleur ! tu t’es évanouie.
Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie,
Et tu fus rapportée à Dieu dans ton berceau.
Doux mystère du toit que l’innocence habite,
Chansons, rêves d’amour, rires, propos d’enfant,
Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend,
Qui fis hésiter Faust au seuil de Marguerite,
Candeur des premiers jours, qu’êtes-vous devenus ?
Paix profonde à ton âme, enfant ! à ta mémoire !
Adieu ! ta blanche main sur le clavier d’ivoire,
Durant les nuits d’été, ne voltigera plus…
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
Alfred de Musset poetry
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(1810-1857)
Un rêve
Ballade
La corde nue et maigre,
Grelottant sous le froid
Beffroi,
Criait d’une voix aigre
Qu’on oublie au couvent
L’Avent.
Moines autour d’un cierge,
Le front sur le pavé
Lavé,
Par décence, à la Vierge
Tenaient leurs gros péchés
Cachés ;
Et moi, dans mon alcôve,
Je ne songeais à rien
De bien ;
La lune ronde et chauve
M’observait avec soin
De loin ;
Et ma pensée agile,
S’en allant par degré,
Au gré
De mon cerveau fragile,
Autour de mon chevet
Rêvait.
– Ma marquise au pied leste !
Qui ses yeux noirs verra,
Dira
Qu’un ange, ombre céleste,
Des choeurs de Jéhova
S’en va !
Quand la harpe plaintive
Meurt en airs languissants,
Je sens,
De ma marquise vive,
Le lointain souvenir
Venir !
Marquise, une merveille,
C’est de te voir valser,
Passer,
Courir comme une abeille
Qui va cherchant les pleurs
Des fleurs !
Ô souris-moi, marquise !
Car je vais, à te voir,
Savoir
Si l’amour t’a conquise,
Au signal que me doit
Ton doigt.
Dieu ! si ton oeil complice
S’était de mon côté
Jeté !
S’il tombait au calice
Une goutte de miel
Du ciel !
Viens, faisons une histoire
De ce triste roman
Qui ment !
Laisse, en tes bras d’ivoire,
Mon âme te chérir,
Mourir !
Et que, l’aube venue,
Troublant notre sommeil
Vermeil,
Sur ton épaule nue
Se trouve encor demain
Ma main !
Et ma pensée agile,
S’en allant par degré
Au gré
De mon cerveau fragile,
Autour de mon chevet
Rêvait !
– Vois-tu, vois-tu, mon ange,
Ce nain qui sur mon pied
S’assied !
Sa bouche (oh ! c’est étrange !)
A chaque mot qu’il dit
Grandit.
Vois-tu ces scarabées
Qui tournent en croissant,
Froissant
Leurs ailes recourbées
Aux ailes d’or des longs
Frelons ?
– Non, rien ; non, c’est une ombre
Qui de mon fol esprit
Se rit,
C’est le feuillage sombre,
Sur le coin du mur blanc
Tremblant.
– Vois-tu ce moine triste,
Là, tout près de mon lit,
Qui lit ?
Il dit : ” Dieu vous assiste ! “
A quelque condamné
Damné !
– Moi, trois fois sur la roue
M’a, le bourreau masqué,
Marqué,
Et j’eus l’os de la joue
Par un coup mal visé
Brisé.
– Non, non, ce sont les nonnes
Se parlant au matin
Latin ;
Priez pour moi, mignonnes,
Qui mon rêve trouvais
Mauvais.
– Reviens, oh ! qui t’empêche,
Toi, que le soir, longtemps,
J’attends !
Oh ! ta tête se sèche,
Ton col s’allonge, étroit
Et froid !
Otez-moi de ma couche
Ce cadavre qui sent
Le sang !
Otez-moi cette bouche
Et ce baiser de mort,
Qui mord !
– Mes amis, j’ai la fièvre,
Et minuit, dans les noirs
Manoirs,
Bêlant comme une chèvre,
Chasse les hiboux roux
Des trous.
Alfred de Musset poetry
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Alfred de Musset
(1810-1857)
Vision
Je vis d’abord sur moi des fantômes étranges
Traîner de longs habits ;
Je ne sais si c’étaient des femmes ou des anges !
Leurs manteaux m’inondaient avec leurs belles franges
De nacre et de rubis.
Comme on brise une armure au tranchant d’une lame,
Comme un hardi marin
Brise le golfe bleu qui se fend sous sa rame,
Ainsi leurs robes d’or, en grands sillons de flamme,
Brisaient la nuit d’airain !
Ils volaient ! – Mon rideau, vieux spectre en sentinelle,
Les regardait passer.
Dans leurs yeux de velours éclatait leur prunelle ;
J’entendais chuchoter les plumes de leur aile,
Qui venaient me froisser.
Ils volaient ! – Mais la troupe, aux lambris suspendue,
Esprits capricieux,
Bondissait tout à coup, puis, tout à coup perdue,
S’enfuyait dans la nuit, comme une flèche ardue
Qui s’enfuit dans les cieux !
Ils volaient ! – Je voyais leur noire chevelure,
Où l’ébène en ruisseaux
Pleurait, me caresser de sa longue frôlure ;
Pendant que d’un baiser je sentais la brûlure
Jusqu’au fond de mes os.
Dieu tout-puissant ! j’ai vu les sylphides craintives
Qui meurent au soleil !
J’ai vu les beaux pieds nus des nymphes fugitives !
J’ai vu les seins ardents des dryades rétives,
Aux cuisses de vermeil !
Rien, non, rien ne valait ce baiser d’ambroisie,
Plus frais que le matin !
Plus pur que le regard d’un oeil d’Andalousie !
Plus doux que le parler d’une femme d’Asie,
Aux lèvres de satin !
Oh ! qui que vous soyez, sur ma tête abaissées,
Ombres aux corps flottants !
Laissez, oh ! laissez-moi vous tenir enlacées,
Boire dans vos baisers des amours insensées,
Goutte à goutte et longtemps !
Oh ! venez ! nous mettrons dans l’alcôve soyeuse
Une lampe d’argent.
Venez ! la nuit est triste et la lampe joyeuse !
Blonde ou noire, venez ; nonchalante ou rieuse,
Coeur naïf ou changeant !
Venez ! nous verserons des roses dans ma couche ;
Car les parfums sont doux !
Et la sultane, au soir, se parfume la bouche ;
Lorsqu’elle va quitter sa robe et sa babouche
Pour son lit de bambous !
Hélas ! de belles nuits le ciel nous est avare
Autant que de beaux jours !
Entendez-vous gémir la harpe de Ferrare,
Et sous des doigts divins palpiter la guitare ?
Venez, ô mes amours !
Mais rien ne reste plus que l’ombre froide et nue,
Où craquent les cloisons.
J’entends des chants hurler, comme un enfant qu’on tue ;
Et la lune en croissant découpe, dans la rue,
Les angles des maisons.
Alfred de Musset poetry
kempis.nl poetry magazine
More in: Musset, Alfred de
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