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Charles Cros
(1842 – 1888)
Révolte – Sonnet
Absurde et ridicule à force d’être rose,
A force d’être blanche, à force de cheveux
Blonds, ondes, crèpelés, à force d’avoir bleus
Les yeux, saphirs trop vains de leur métempsycose.
Absurde, puisqu’on n’en peut pas parler en prose,
Ridicule, puisqu’on n’en a jamais vu deux,
Sauf, peut-être, dans des keepsakes nuageux…
Dépasser le réel ainsi, c’est de la pose.
C’en est même obsédant, puisque le vert des bois
Prend un ton d’émeraude impossible en peinture
S’il sert de fond à ces cheveux contre nature.
Et ces blancheurs de peau sont cause quelquefois
Qu’on perdrait tout respect des blancheurs que le rite
Classique admet : les lys, la neige. Ça m’irrite!
Charles Cros poetry
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Charles Cros
(1842 – 1888)
Le meuble – Fantaisie
A Madame Mauté de Fleurville.
Il m’a fallu avoir le regard bien rapide, l’oreille bien fine, l’attention bien aiguisée,
Pour découvrir le mystère du meuble, pour pénétrer derrière les perspectives de marqueterie, pour atteindre le monde imaginaire à travers les petites glaces.
Mais j’ai enfin entrevu la fête clandestine, j’ai entendu les menuets minuscules, j’ai surpris les intrigues compliquées qui se trament dans le meuble.
On ouvre les battants, on voit comme un salon pour des insectes, on remarque les carrelages blancs, bruns et noirs en perspective exagérée.
Une glace au milieu, une glace à droite, une glace à gauche, comme les portes dans les comédies symétriques.
En vérité ces glaces sont des portes ouvertes sur l’imaginaire.
Mais une solitude évidemment inaccoutumée, une propreté dont on cherche le but en ce salon où il n’y a personne, un luxe sans raison pour un intérieur où ne régnerait que la nuit.
On est dupe de cela, on se dit « c’est un meuble et voilà tout, » on pense qu’il n’y a rien derrière les glaces que le reflet de ce qui leur est présenté.
Insinuations qui viennent de quelque part, mensonges soufflés à notre raison par une politique voulue, ignorances où nous tiennent certains intérêts que je n’ai pas à définir.
Pourtant je n’y veux plus mettre de prudence, je me moque de ce qui peut en arriver, je n’ai pas souci des rancunes fantastiques.
Quand le meuble est fermé, quand l’oreille des importuns est bouchée par le sommeil ou remplie des bruits extérieurs, quand la pensée des hommes s’appesantit sur quelque objet positif,
Alors d’étranges scènes se passent dans le salon du meuble; quelques personnages de taille et d’aspect insolites sortent des petites glaces; certains groupes, éclairés par des lueurs vagues, s’agitent en ces perspectives exagérées.
Des profondeurs de la marqueterie, de derrière les colonnades simulées, du fond des couloirs postiches ménagés dans le revers des battants,
S’avancent, en toilettes surannées, avec une démarche frétillante et pour une fête d’almanach extraterrestre,
Des élégants d’une époque de rêve, des jeunes filles cherchant un établissement en cette société de reflets et enfin les vieux parents, diplomates ventrus et douairières couperosées.
Sur le mur de bois poli, accrochées on ne sait comment, les girandoles s’allument.
Au milieu de la salle, pendu au plafond qui n’existe pas, resplendit un lustre surchargé de bougies roses, grosses et longues comme des cornes de limaçons.
Dans des cheminées imprévues, des feux flambent comme des vers luisants.
Qui a mis là ces fauteuils, profonds comme des coques de noisettes et disposés en cercle, ces tables surchargées de rafraîchissements immatériels ou d’enjeux microscopiques, ces rideaux somptueux — et lourds comme des toiles d’araignée?
Mais le bal commence.
L’orchestre, qu’on croirait composé de hannetons, jette ses notes, pétillements et sifflements imperceptibles.
Les jeunes gens se donnent la main et se font des révérences.
Peut-être même quelques baisers d’amour fictif s’échangent à la dérobée, des sourires sans idée se dissimulent sous les éventails en ailes de mouche, des fleurs fanées dans les corsages sont demandées et données en signe d’indifférence réciproque.
Combien cela dure-t-il?
Quelles causeries s’élèvent dans ces fêtes?
Où va ce monde sans substance, après la soirée?
On ne sait pas.
Puisque, si l’on ouvre le meuble, les lumières et les feux s’éteignent: les invités, élégants, coquettes et vieux parents disparaissent pêle-mêle, sans souci de leur dignité, dans les glaces, couloirs et colonnades; les fauteuils, les tables et les rideaux s’évaporent.
Et le salon reste vide, silencieux et propre;
Aussi tout le monde le dit « c’est un meuble de marqueterie et voilà tout, » sans se douter qu’aussitôt le regard détourné.
De petits visages narquois se hasardent à sortir des glaces symétriques, de derrière les colonnes incrustées, du fond des couloirs postiches.
Et il faut un œil particulièrement exercé, minutieux et rapide, pour les surprendre quand ils s’éloignent en ces perspectives exagérées, lorsqu’ils se réfugient dans les profondeurs imaginaires des petites glaces, à l’instant où ils rentrent dans les cachettes irréelles du bois poli.
Charles Cros poetry
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Paul Klee
(1879-1940)
Elend
Land ohne Band,
neues Land,
ohne Hauch
der Erinnerung,
mit dem Rauch
von fremdem Herd.
Zügellos!
wo mich trug
keiner Mutter Schoß.
Paul Klee Gedicht, 1914
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Paul Klee
(1879-1940)
Eins durch tausend
Ein
Tausend Schwein
steht in Pein
ohne neun
hundert neun
und neunzig sein
es gleichen Schwein
allein
Paul Klee Gedicht, 1928
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Vladimir Vladimirovitsj Majakovsky
Владимир Владимирович Маяковский
(1893-1930)
А вы могли бы?
Я сразу смазал карту будня,
плеснувши краску из стакана;
я показал на блюде студня
косые скулы океана.
На чешуе жестяной рыбы
прочел я зовы новых губ.
А вы
ноктюрн сыграть
могли бы
на флейте водосточных труб?
(1913)
Vladimir Majakovsky poetry
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Charles Cros
(1842 – 1888)
Scherzo – Poéme
Sourires, fleurs, baisers, essences,
Après de si fades ennuis.
Après de si ternes absences.
Parfumez le vent de mes nuits!
Illuminez ma fantaisie.
Jonchez mon chemin idéal.
Et versez-moi votre ambroisie.
Longs regards, lys. lèvres, santal!
*
Car j’ignore l’amour caduque
Et le dessillement des yeux,
l’uisqu’encor sur ta blanche nuque
L’or flamboie en flocons soyeux.
Et cependant, ma fière amie.
Il y a longtemps, n’est-ce pas?
Qu’un matin tu t’es endormie,
Lassp d’amour, entre mes bras.
Ce ne sont pas choses charnelles
Qui font ton attrait non pareil.
Qui conservent à tes prunelles
Ces mêmes rayons de soleil.
Car les choses charnelles meurent.
Ou se fanent à l’air réel.
Mais toujours tes beautés demeurent
Dans leur nimbe immatériel.
*
Ce n’est plus l’heure des tendresses
Jalouses, ni des faux serments.
Ne me dis rien de mes maîtresses.
Je ne compte pas tes amants.
*
A toi. comète vagabonde
Souvent attardée en chemin.
Laissant ta chevelure blonde
Flotter dans l’éther surhumain.
Qu’importent quelques astres pâles
Au ciel troublé de ma raison.
Quand tu viens à longs intervalles
Envelopper mon horizon?
Charles Cros poetry
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Paul Klee
(1879-1940)
In einem Zimmer gefangen…
In einem Zimmer gefangen
große Gefahr
kein Ausgang
Da: ein offenes Fenster, hinauf, abstoßen:
ich fliege frei,
aber es regnet fein,
es regnet fein,
es regnet,
regnet,
regnet…
regnet…
Paul Klee Gedicht
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Paul Klee
(1879-1940)
Ein Gedicht mit den Reimen
Augen
Brust
Lust
Nacht
gelacht
Schlaf
traf
Gesellen
bestellen
Bäumen
träumen
Herzensnacht
Paul Klee Gedicht, 1901
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Hendrik Nicolaas Werkman
(1882-1945)
Loemoem lammoem laroem lakoem
Loemoem lammoem laroem lakoem
bergamotse pergolas
boestroem bastroem bestroem bostroem
arboesti arboesas
oemoem ammoem aroem akoem
postolorum postolas
akroem baroem fakroem faroem
synagobi syncopas
oeloem aloem oesdroem nosdroem
akolasi rabotas
oeldroes knoeldroes boeldroes moeldroes
pastellorum crammacas
oemboem hoemboem zoemboem boemboem
castranorum castrafas
Hendrik Nicolaas Werkman poetry
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VLADIMIR MAJAKOVSKY (1893-1930)
А вы могли бы?
Я сразу смазал карту будня,
плеснувши краску из стакана;
я показал на блюде студня
косые скулы океана.
На чешуе жестяной рыбы
прочел я зовы новых губ.
А вы
ноктюрн сыграть
могли бы
на флейте водосточных труб?
1913
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Raymond Radiguet
(1903-1923)
Bergerie
À Georges Auric
Marronniers, ainsi que l’yeuse
Quels arbres, ombrelles rieuses,
Ne se déploieraient pour fêter
Le retour du prodigue été !
L’un nous ogre un feu d’artifice
De plumes et de fleurs : orgie
Digne de Noël, tes bougies
Roses, d’autres fêtes complices,
L’encombrant cadeau, marronnier,
Pour ne point des neuves bergères
Troubler la candeur bocagère
Tu le voudrais plutôt nier.
Mais minuit allume la fête
D’où seront exclus les parents.
Un rideau de cheveux, fillette,
Fait mon désir moins apparent.
Dissimule-toi, feu des joues,
Sous la coiffure que dénoue
D’un pâtre la timide main
Feuille encor tremblante demain
Dans tes veines, bergère, un sang
Coule, mauve, avec nonchalance,
Celle des ruisseaux innocents
Chez qui le désir ne s’élance
Que lorsqu’on le leur a permis.
Tandis qu’à ton front se pâmaient
Plusieurs roses, une parmi
Ses soeurs, proche de ton oreille,
Murmure : C’est le mois de Mai,
Qui par sa bouche te conseille :
” Comme l’eau se prête à la rive
Donne ta douce peau craintive
Que quelque rayon indiscret
De lune, affirme tes ébats “
Parce que corne d’abondance
Aujourd’hui semble son croissant
La lune à qui ne suffit pas
De souligner baisers et danses,
Nous verse les plus beaux présents :
Sous des joyaux, sous des dentelles
Ensevelissant la pelouse
Qui frissonne, esclave jalouse.
Aurore ! l’herbe défrisée
Muette atteste que la belle
Usa de tout pour apaiser
La nuit dont la pâle défaite
Est soeur des lendemains de fête.
Raymond Radiguet poésie
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Paul Klee
(1879-1940)
Wasser
Wasser
darauf Wellen,
darauf ein Boot,
darauf ein Weib,
darauf ein Mann.
Paul Klee poetry [1906]
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