NACHRICHTEN AUS BERLIN
Unser Korrespondent Anton K. berichtet:
Französische- und
Dorotheenstädtisch-Friedrichswerderschen
Friedhof Berlin
Der Französische Friedhof in der Oranienburger Vorstadt von Berlin ist ein kunsthistorisches Denkmal. Der Französische Friedhof bildet gemeinsam mit dem benachbarten Dorotheenstädtisch-Friedrichswerderschen Friedhof das bedeutendste erhaltene und noch genutzte Friedhofsensemble Berlins aus dem 18. Jahrhundert. Auf dem Friedhof sind Beispiele klassizistischer Grabmalkunst des 19. Jahrhunderts zu finden. Der Zugang befindet sich in der Chausseestraße Nr. 126.
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Jef van Kempen gedicht
S u ï c i d e
Het was geheel in overeenstemming met
wat zijn hart voelde maar wat zijn hoofd
vergat.
Omdat elk bewijs ontbrak, kreeg zijn onrust
geen warm onthaal, had hij als bron van kennis
en als gangmaker van valse praktijken afgedaan.
Zijn opvatting dat met het oog op de vooruitgang
geen genade kon worden verleend
(tenminste niet uit misplaatst medelijden)
dat in het licht van de resultaten van de samenspraak
van lichaam en ziel
een samenhang werd verondersteld
van gevoel en waarneming,
maakte zijn mistroostigheid alles onthullend,
waarbij de goede verstaander niet dient
te vergeten de invloed van gebrek aan slaap,
totdat hij als een schim fluisterend
zegde te zijn misleid en zich over te geven
aan een lichaam zonder een spoor van lust en
bandeloosheid, als een alledaagse omstandigheid
onherroepelijk hangend
aan het plafond
van zijn dromen.
Jef van Kempen: Laatste bedrijf – gedichten 1963-2008
Uitgeverij Art Brut – Postbus 117 – 5120 AC Rijen
ISBN: 978-90-76326-04-7
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La Tour Eiffel
Paris
© Hans Hermans 2009
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Alfred Jarry
(1873-1907)
UBU ROI
ou
les Polonais
par ALFRED JARRY
Drame en cinq Actes en prose
Restitué en son intégrité tel qu’il a été représenté par les
marionnettes du Théâtre des Phynances en 1888.
Ce drame est dédié
à
MARCEL SCHWOB
Adonc le Père Ub
hoscha la poir
dont fut depuis
nommé par les Anglois
Shakespeare,
et avez de lui sous
ce nom maintes
belles tragoedies par
escript.
PERSONNAGES
Père Ubu.
Mère Ubu.
Capitaine Bordure.
Le Roi Venceslas.
La Reine Rosemonde.
Boleslas…)
Ladislas…) leurs fils.
Bougrelas..)
Le général Lascy.
Stanislas Leczinski.
Jean Sobieski.
Nicolas Rensky.
L’Empereur Alexis.
Giron…)
Pile….) Palotins.
Cotice..)
Conjurés & Soldats.
Peuple.
Michel Fédérovitch.
Nobles.
Magistrats.
Conseillers.
Financiers.
Larbins de Phynances.
Paysans.
Toute l’Armée russe.
Toute l’Armée polonaise.
Les Gardes de la Mère Ubu.
Un Capitaine.
L’Ours.
Le Cheval à Phynances.
La Machine à décerveler.
L’Equipage.
Le Commandant.
Acte Premier
Scène Première
PÈRE UBU, MÈRE UBU
Père Ubu:
–Merdre.
Mère Ubu:
–Oh! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.
Père Ubu:
–Que ne vous assom’je, Mère Ubu!
Mère Ubu:
–Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait
assassiner.
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.
Mère Ubu:
–Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort?
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, madame, certes oui, je suis content. On
le serait à moins: capitaine de dragons, officier de confiance du roi
Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi
d’Aragon, que voulez-vous de mieux?
Mère Ubu:
–Comment! après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener
aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand
vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à
celle d’Aragon?
Père Ubu:
–Ah! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
Mère Ubu:
–Tu es sí bête!
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant:
et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants?
Mère Ubu:
–Oui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur
place?
Père Ubu:
–Ah! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à
l’heure par la casserole.
Mère Ubu:
–Eh! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te
raccommoderait tes fonds de culotte?
Père Ubu:
–Eh vraiment! et puis après? N’ai-je pas un cul comme les autres?
Mère Ubu:
–A ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu
pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent
de l’andouille et rouler carrosse par les rues.
Père Ubu:
–Si j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme
celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont
impudemment volée.
Mère Ubu:
–Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te
tomberait sur les talons.
Père Ubu:
–Ah! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si
jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart
d’heure.
Mère Ubu:
–Ah! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.
Père Ubu:
–Oh non! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne!
plutôt mourir!
Mère Ubu (à part):
–Oh! merdre! (Haut) Ainsi tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu.
Père Ubu:
–Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme
un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.
Mère Ubu:
–Et la capeline? et le parapluie? et le grand caban?
Père Ubu:
–Eh bien, après, Mère Ubu? (Il s’en va en claquant la porte.)
Mère Ubu (seule):
–Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois
pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans
huit jours serai-je reine de Pologne.
Scène II
(La scène représente une chambre de la maison du Père Ubu où une table
splendide est dressée.)
PÈRE UBU, MÈRE UBU
Mère Ubu:
–Eh! nos invités sont bien en retard.
Père Ubu:
–Oui, de par ma chandelle verte. Je crève de faim, Mère Ubu, tu es bien
laide aujourd’hui. Est-ce parce que nous avons du monde?
Mère Ubu (haussant les épaules):
–Merdre.
Père Ubu (saisissant un poulet rôti):
–Tiens, j’ai faim. Je vais mordre dans cet oiseau. C’est un poulet, je
crois. Il n’est pas mauvais.
Mère Ubu:
–Que fais-tu, malheureux? Que mangeront nos invités?
Père Ubu:
–Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien. Mère
Ubu, va donc voir à la fenêtre si nos invités arrivent.
Mère Ubu (y allant):
–Je ne vois rien. (Pendant ce temps le Père Ubu dérobe une rouelle
de veau.)
Mère Ubu:
–Ah! voilà le capitaine Bordure et ses partisans qui arrivent. Que
manges-tu donc, Père Ubu?
Père Ubu:
–Rien, un peu de veau.
Mère Ubu:
–Ah! le veau! le veau! veau! Il a mangé le veau! Au secours!
Père Ubu:
–De par ma chandelle verte, je te vais arracher les yeux.
(La porte s’ouvre.)
Scène III
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE et ses partisans.
Mère Ubu:
–Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.
Capitaine Bordure:
–Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu?
Père Ubu:
–Me voilà! me voilà! Sapristi, de par ma chandelle verte, je suis
pourtant assez gros.
Capitaine Bordure:
–Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes. (Ils s’asseyent tous.)
Père Ubu:
–Ouf, un peu plus, j’enfonçais ma chaise.
Capitaine Bordure:
–Eh! Mère Ubu! que nous donnez-vous de bon aujourd’hui?
Mère Ubu:
–Voici le menu.
Père Ubu:
–Oh! ceci m’intéresse.
Mère Ubu:
–Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien,
croupions de dinde, charlotte russe…
Père Ubu:
–Eh! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore?
Mère Ubu (continuant):
–Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, chouxfleurs
à la merdre.
Père Ubu:
–Eh! me crois-tu empereur d’Orient pour faire de telles dépenses?
Mère Ubu:
–Ne l’écoutez pas, il est imbécile.
Père Ubu:
–Ah! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.
Mère Ubu:
–Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.
Père Ubu:
–Bougre, que c’est mauvais.
Capitaine Bordure:
–Ce n’est pas bon, en effet.
Mère Ubu:
–Tas d’Arabes, que vous faut-il?
Père Ubu (se frappant le front):
–Oh! j’ai une idée. Je vais revenir tout à l’heure. (Il s’enva.)
Mère Ubu:
–Messieurs, nous allons goûter du veau.
Capitaine Bordure:
–Il est très bon, j’ai fini.
Mère Ubu:
–Aux croupions, maintenant.
Capitaine Bordure:
–Exquis, exquis! Vive la mère Ubu.
Tous:
–Vive la Mère Ubu.
Père Ubu (rentrant):
–Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu. (Il tient un balai
innommable à la main et le lance sur le festin.)
Mère Ubu:
–Misérable, que fais-tu?
Père Ubu:
–Goûtez un peu. (Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.)
Père Ubu:
–Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.
Mère Ubu:
–Les voici.
Père Ubu:
–A la porte tout le monde! Capitaine Bordure, j’ai à vous parler.
Les Autres:
–Eh! nous n’avons pas dîné.
Père Ubu:
–Comment, vous n’avez pas dîné! A la porte tout le monde! Restez,
Bordure. (Personne ne bouge.)
Père Ubu:
–Vous n’êtes pas partis? De par ma chandelle verte, je vais vous
assommer de côtes de rastron. (_Il commence à en jeter_.)
Tous:
–Oh! Aïe! Au secours! Défendons-nous! malheur! je suis mort!
Père Ubu:
–Merdre, merdre, merdre. A la porte! je fais mon effet.
Tous:
–Sauve qui peut! Misérable Père Ubu! traître et gueux voyou!
Père Ubu:
–Ah! les voilà partis. Je respire, mais j’ai fort mal dîné. Venez,
Bordure. (Ils sortent avec la Mère Ubu.)
Scène IV
PÈRE UBU, MÈRE UBU, CAPITAINE BORDURE
Père Ubu:
–Eh bien, capitaine, avez-vous bien dîné?
Capitaine Bordure:
–Fort bien, monsieur, sauf la merdre.
Père Ubu:
–Eh! la merdre n’était pas mauvaise.
Mère Ubu:
–Chacun son goût.
Père Ubu:
–Capitaine Bordure, je suis décidé à vous faire duc de Lithuanie.
Capitaine Bordure:
–Comment, je vous croyais fort gueux, Père Ubu.
Père Ubu:
–Dans quelques jours, si vous voulez, je règne en Pologne.
Capitaine Bordure:
–Vous allez tuer Venceslas?
Père Ubu:
–Il n’est pas bête, ce bougre, il a deviné.
Capitaine Bordure:
–S’il s’agit de tuer Venceslas, j’en suis. Je suis son mortel ennemi
et je réponds de mes hommes.
Père Ubu (se jetant sur lui pour l’embrasser):
–Oh! Oh! je vous aime beaucoup, Bordure.
Capitaine Bordure:
–Eh! vous empestez, Père Ubu. Vous ne vous lavez donc jamais?
Père Ubu:
–Rarement.
Mère Ubu:
–Jamais!
Père Ubu:
–Je vais te marcher sur les pieds.
Mère Ubu:
–Grosse merdre!
Père Ubu:
–Allez, Bordure, j’en ai fini avec vous. Mais par ma chandelle verte,
je jure sur la Mère Ubu de vous faire duc de Lithuanie.
Mère Ubu:
–Mais…
Père Ubu:
–Tais-toi, ma douce enfant.
(Ils sortent.)
Scène V
PÈRE UBU, MÈRE UBU, UN MESSAGER
Père Ubu:
–Monsieur, que voulez-vous? fichez le camp, vous me fatiguez.
Le Messager:
–Monsieur, vous êtes appelé de par le roi.
(Il sort.)
Père Ubu:
–Oh! merdre, jarnicotonbleu, de par ma chandelle verte, je suis
découvert, je vais être décapité! hélas! hélas!
Mère Ubu:
–Quel homme mou! et le temps presse.
Père Ubu:
–Oh! j’ai une idée: je dirai que c’est la Mère Ubu et Bordure.
Mère Ubu:
–Ah! gros P.U., si tu fais ça…
Père Ubu:
–Eh! j’y vais de ce pas.
(Il sort.)
Mère Ubu (courant après lui):
–Oh! Père Ubu, Père Ubu, je te donnerai de l’andouille.
(Elle sort.)
Père Ubu (dans la coulisse):
–Oh! merdre! tu en es une fière, d’andouille.
Scène VI
Le palais du roi.
LE ROI VENCESLAS, entouré de ses officiers; BORDURE; les fils du roi,
BOLESLAS, LADISLAS & BOUGRELAS. Puis UBU.
Père Ubu (entrant):
–Oh! vous savez, ce n’est pas moi, c’est la mère Ubu et Bordure.
Le Roi:
–Qu’as-tu, Père Ubu?
Bordure:
–Il a trop bu.
Le Roi:
–Comme moi ce matin.
Père Ubu:
–Oui, je suis saoul, c’est parce que j’ai bu trop de vin de France.
Le Roi:
–Père Ubu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme
capitaine de dragons, et je te fais aujourd’hui comte de Sandomir.
Père Ubu:
–O monsieur Venceslas, je ne sais comment vous remercier.
Le Roi:
–Ne me remercie pas, Père Ubu, et trouve-toi demain matin à la grande
revue.
Père Ubu:
–J’y serai, mais acceptez, de grâce, ce petit mirliton.
(Il présente au roi un mirliton.)
Le Roi:
–Que veux-tu à mon âge que je fasse d’un mirliton? Je le donnerai à
Bougrelas.
Le jeune Bougrelas:
–Est-il bête, ce Père Ubu.
Père Ubu:
–Et maintenant je vais foutre le camp. (_Il tombe en se retournant_.)
Oh! aïe! au secours! De par ma chandelle verte, je me suis rompu
l’intestin et crevé la bouzine!
Le Roi (le relevant):
–Père Ubu, vous estes-vous fait mal?
Père Ubu:
–Oui certes, et je vais sûrement crever. Que deviendra la Mère Ubu?
Le Roi:
–Nous pourvoirons à son entretien.
Père Ubu:
–Vous avez bien de la bonté de reste. (_Il sort_.) Oui, mais, roi
Venceslas, tu n’en seras pas moins massacré.
Scène VII
La maison d’Ubu.
GIRON, PILE, COTICE, PÈRE UBU, MÈRE UBU, Conjurés & Soldats,
CAPITAINE BORDURE.
Père Ubu:
–Eh! mes bons amis, il est grand temps d’arrêter le plan de la
conspiration. Que chacun donne son avis. Je vais d’abord donner le
mien, si vous le permettez.
Capitaine Bordure:
–Parlez, Père Ubu.
Père Ubu:
–Eh bien, mes amis, je suis d’avis d’empoisonner simplement le roi
en lui fourrant de l’arsenic dans son déjeuner. Quand il voudra le
brouter il tombera mort, et ainsi je serai roi.
Tous:
–Fi, le sagouin!
Père Ubu:
–Eh quoi, cela ne vous plaît pas? Alors, que Bordure donne son avis.
Capitaine Bordure:
–Moi, je suis d’avis de lui ficher un grand coup d’épêe qui le fendra
de la tête à la ceinture.
Tous:
–Oui! voilà qui est noble et vaillant.
Père Ubu:
–Et sil vous donne des coups de pied? Je me rappelle maintenant qu’il
a pour les revues des souliers de fer qui font très mal. Si je savais,
je filerais vous dénoncer pour me tirer de cette sale affaire, et je
pense qu’il me donnerait aussi de la monnaie.
Mère Ubu:
–Oh! le traître, le lâche, le vilain et plat ladre.
Tous:
–Conspuez le Père Ub!
Père Ubu:
–Hé, messieurs, tenez-vous tranquilles si vous ne voulez visiter mes
poches. Enfin je consens à m’exposer pour vous. De la sorte, Bordure,
tu te charges de pourfendre le roi.
Capitaine Bordure:
–Ne vaudrait il pas mieux nous jeter tous à la fois sur lui en
braillant et gueulant? Nous aurions chance ainsi d’entraîner les
troupes.
Père Ubu:
–Alors, voilà. Je tâcherai de lui marcher sur les pieds, il
regimbera, alors je lui dirai: MERDRE, et à ce signal vous vous
jetterez sur lui.
Mère Ubu:
–Oui, et dès qu’il sera mort tu prendras son sceptre et sa couronne.
Capitaine Bordure:
–Et je courrai avec mes hommes à la poursuite de la famille royale.
Père Ubu:
–Oui, et je te recommande spécialement le jeune Bougrelas.
(Ils sortent.)
Père Ubu (courant après et les faisant revenir):
–Messieurs, nous avons oublié une cérémonie indispensable, il faut
jurer de nous escrimer vaillamment.
Capitaine Bordure:
–Et comment faire? Nous n’avons pas de prêtre.
Père Ubu:
–La Mère Ubu va en tenir lieu.
Tous:
–Eh bien, soit.
Père Ubu:
–Ainsi, vous jurez de bien tuer le roi?
Tous:
–Oui, nous le jurons. Vive le Père Ubu!
Fin du premier Acte.
Alfred Jarry
Ubu roi
Acte I
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Karel van de Woestijne
(1878-1929)
vijf gedichten
Nog vóor de glans van een dagen
Nog vóor de glans van een dagen
beglijdt en wascht mijn gezicht,
voel ‘k over de waetren geslagen
schamp-schichtige scheuten van licht.
Aan den broozen boog van de bronnen,
op de koele kaalt van het wad,
schiet een klaarte, uit diepten geronnen,
in schervelen opengespat.
Nog komt geen morgen verbleeken
de wake der ochtend-beê:
reeds blanken de bibbrende kreken
en het logge ontwaken der zee.
Nóg kroest geen kreevlen de zwaarte
der woelige hemel-vacht:
reeds welft het water een klaarte
den navel uit van den nacht.
– Gestegen, ben ik gebleven
de bezwaarde van goud en lood.
Is vloeiën dan ‘t eenige leven?
Is al ‘t gedeegne de dood?
o Wateren zonder gedenken,
o wateren zonder waan
die de steêgste korsten zult drenken
tot ze zelf in waetren vergaan;
o waetren waar alle verstarren
in eigen vernietigen zakt,
tot de ziekte van willen en marren
in effen lichten vervlakt;
verzijpe, o waetren, de schorre:
zij bevestigt het teeken der baar,
en gij laat geen gelaat verdorren
of het blijft van uw weemlen klaar,
gelaten, o duizend gelaten,
tot hetzelfde Gelaat gewijd
omdat ge, woest of gelaten,
de dracht van het Eene zijt…
– Want, zee die uw zang uit het zaemlen
van huivrende beken won;
en meren die blinkt van den schaemlen
en duisteren blik eener bron;
geheele water der nachten
aan dit neigende grasje verdicht;
en moerassen die ligt te wachten
op zijgen in dieper licht,
o zwijgende waetren der poelen
die, gezogen ten donkersten boôm,
zich rijzend gaan rijpen voelen
in de aderen van den boom;
– – want: geen wateren zullen sterven
dan in ‘t barsten, bral, van een bot.
En zoo zal ik het leven niet derven
dan als roze in de ooge van God.
(Het berg-meer, 1928)
Aarde, over-oude, ik ben van u gescheiden
Aarde, over-oude, ik ben van u gescheiden.
De oog-appel van den nacht doordraait mijn hoofd;
de geur verwaait der overkaauwde weiden;
de tand verleerde ‘t raspen van het ooft.
Diep onder mij verveegt de reep der wegen;
geen fluistrend haspelen van huivrend graan
en wuift den smaak van wassend brood me tegen;
de blik der dieren is mijn blik vergaan.
Doch, zal de alleene hemel mij bekijken:
de holle spiegel van zijn glanzend oog
en kan úw wijde beeltenis ontwijken
die de einder eindloos naar zijn curve boog.
Ik kan niet openen, ik kan niet luiken
het wètend zien van mijn gekeerd gezicht:
‘t uitspansel wordt het dal waar menschen duiken
en elke ster een aarzlend menschen-licht.
En hoe ‘k belandde in streken zonder paden;
waar ‘k wade, naakt, in meren zonder strand:
mijn wanen, aarde, dragen úw gewaden,
mijn ziel is blijde of droef van úw verstand,
bepèrkte! – En toch, en mocht ik niet verlaten
een warr’ge wil die weigert en verlangt?
De honig bloedt vergeefs aan alle raten;
de vrucht is beursch die naar mijn lippe langt.
o Zieke herder, zoude ik niet verzaken
schapen der liefde en honden van den trots?
Ik ben de zatte, en mijn gewilde wake
is talmend wachten op den gallem Gods;
maar, oude Moeder, ‘k zoude u niet vergeten.
Gij waart geboort waar ik me-zelf uit baar;
gij waart de diepe schoot van ‘t rijzend weten;
gij waart het beuren van mijn hoofd-gebaar.
Van u gelijk de zee van u gescheiden,
ben ‘k ebbe-en-vloed die door uw adem streeft,
maar ‘k weet hoe ‘t geurend glanzen der getijden
over ‘t gelaat van tij, van wijke leeft.
Gewielde en will’ge wentling der seizoenen,
ijs-zwaart der peer als zonne-dans van ‘t kaf;
mijne aarde, wisslend teeken van verzoenen
die waart het Paradijs en wordt het graf:
gij wordt het graf den dankb’ren derver, die men
zal bergen, onbewogen, in uw schoot,
om dáar voor aarde en hemel weêr te ontkiemen
tot dubbel leve’, o brooze, o vruchtb’re Dood.
(Het berg-meer, 1928)
Uw eenzaamheid?
‘Uw eenzaamheid? Gij zijt als die wolvin.
‘Zwijmlend van honger, en van moederschap
bliksmen-verblind en ‘t ingewand doorflitst,
heeft, bij de trill’ge guurt van winter-nacht,
in ‘t gladde leem van een doorweekte sloot,
deze wolvin, al hare tanden bloot,
geworpen zeven jongen, schicht aan schicht.
‘En in den nacht heeft niemand haar gezien,
en geen geluid is in den nacht van haar.
Zij ligt. Zij beeft. Traag likt ze hare wond.
‘Maar in een verre wijdte, de einders rond,
op elke hoeve snuift, aan ‘t eigen hok
geketend – en ze snokt haar kele toe -,
snuift teef aan teef den geur dier moeder op.
Haar kranke weelde schiet de flanken door;
begeert dooradert de oogen; dof gemor
wordt huilen, hoeve aan hoeve, vert aan vert.
Zij liggen aan den band. Hàar lijf is hòl…
‘- Uw eenzaamheid? Werp uwe kindren, gij!’
(God aan zee, 1926)
Schaduw in den schaduw zijn
‘Schaduw in den schaduw zijn
en zich-zelf vergeten,
– was daar niet van de oude pijn
nieuwe bete.
Zwijgen, ‘lijk de zonne zwijgt
in de rechte halmen,
– hijgde niet ‘lijk storrem hijgt
lijdens galmen.
Heel mijn lijf is droef en trotsch
in de smart geklonken.
– Gij, o God, klets uit de rots
eindlijk vónken.
(God aan zee, 1926)
Weêr staat mijn venster open
Weêr staat mijn venster open op den nacht,
tusschen de kamer en haar broei’ge zwoelte
en deze wijdte en haar bewogen koelte.
En ‘k sta aan ‘t raam, en wacht.
Ik wacht. Er is een woel’ge stilte in mij.
Er zwelt en zwijmt, deint àan en deinst Verlangen,
als zong, op golven zoelte, in schroom’ge zangen
een ongeziene rei…
– o ‘k Weet: ik heb alleen in ‘t leed gebloeid
dat ik in ‘t eigen brein met zorge kweekte:
een kelder-plant van zieke en trotsche bleekte
in duisternis gegroeid;
ik ben geweest die voor zich-zelf verborg
te maklijk leve’ en lieve’, in vreez’ge hoede;
van de’ eigen tucht weldadig-strenge roede,
voor ‘t eigen lijden borg…
Maar deze nacht is schoon, en goed misschien.
Misschien staan, als het mijne, ramen open,
en hoopt een andre blik hetzelfde hopen,
en tracht als ik te zien;
peilt éen als ik, en met eenzelfden schroom,
de bakelooze banen door der nachten,
of hij hem vinde die hem staat te wachten:
de broeder van zijn droom;
éen die het kommer-bed ontrees als ik,
en staat aan ‘t raam zijn bangend hart te prangen,
en ziet daarboven al de sterren hangen
als kindren van zijn blik;
één, die mij wachte… – En ‘k wacht. En ‘k voel de vaalt’
van mijn gelaat in klamme koelt’ verweeken…
En hooploos-zoet zie ‘k ‘t blaauwe licht verbleeken
der trage maan, die daalt…
(De modderen man, 1920)
Karel van de Woestijne Vijf gedichten
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Nachrichten aus Berlin
Unser Korrespondent Anton K. berichtet:
Lesen in Berlin 6
“Nur die Liebe zählt”
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More in: Nachrichten aus Berlin
M O E D E R K E
‘t En is van u
hiernederwaard,
geschilderd of
geschreven,
mij, moederke,
geen beeltenis,
geen beeld van u
gebleven.
Geen tekening,
geen lichtdrukmaal,
geen beitelwerk
van stene,
‘t en zij dat beeld
in mij, dat gij
gelaten hebt,
alleene.
O moge ik, u
onweerdig, nooit
die beeltenis
bederven,
maar eenzaam laat
ze leven in
mij, eerzaam in
mij sterven.
Guido Gezelle
(1830-1899)
Museum of Literary Treasures
GUIDO GEZELLE MUSEUM
(geboortehuis Guido Gezelle)
Rolweg – Brugge
KEMP=MAG POETRY MAGAZINE – MAGAZINE FOR ART & LITERATURE
More in: Guido Gezelle, Historia Belgica, Museum of Literary Treasures
53e Biënnale van Venetië
June 7 – November 22, 2009
Fiona Tan – Disorient
Ter gelegenheid van de 53ste Biënnale van Venetië presenteert het Nederlandse paviljoen het werk van Fiona Tan. De keuze voor de kunstenaar werd gemaakt door curator Saskia Bos, op uitnodiging van de Mondriaan Stichting en de werken werden in nauw overleg tussen kunstenaar en curator geplaatst.
De relevantie van Fiona Tans oeuvre wordt voor een groot deel bepaald door de manier waarop zij de micropolitiek van het individuele een stem en een gezicht geeft binnen de macropolitiek van onze globale cultuur; haar oeuvre wordt in veel landen herkend en gezien als metafoor voor het onderzoeken van hybride identiteit.
Fiona Tan (geb.1966) woont al meer dan 20 jaar in Nederland en heeft er gestudeerd. Als dochter van een Chinese vader en een Australische moeder, geboren in Indonesië, onder het repressieve regime verdreven naar Australië, lijkt haar biografie op die van immigrantenkinderen of kinderen van de diaspora. “A professional foreigner” noemt ze zich, “met een identiteit die gedefinieerd wordt door datgene wat ik niet ben”.
Tans werk speelt in op wat in de kunstgeschiedenis “Provenance” (herkomst) wordt genoemd, de titel van een van haar meest recente installaties.
”D’où venons nous?” schreef Gauguin in 1897 op een schilderij dat hij in Tahiti maakte, “waar komen wij vandaan”, maar hij schreef ook “waar zijn wij nu, waar gaan wij heen?” Tan stelt schijnbaar alleen de eerste vraag, de andere vragen zijn impliciet aanwezig.
In haar werken, die al van begin af aan de aandacht trokken en snel op prominente plekken getoond werden, gaat het nooit letterlijk om het zoeken naar waarheid of identiteit: op verschillende manieren weet zij processen van herinnering en verhaallijnen te deconstrueren en aan te vullen, al dan niet met behulp van gevonden filmfragmenten die de geschiedenis levend maken, maar ook lijken te bevragen.
Voor het Nederlands paviljoen op de 53ste Biënnale van Venetië heeft Fiona Tan het project Disorient ontwikkeld, dat bestaat uit drie verschillende werken die zo gekozen en geïnstalleerd zijn dat zij elkaar versterken en aanvullen.
Provenance is gebaseerd op zeventiende-eeuwse schilderijen in het Rijksmuseum in Amsterdam. Fiona Tan was uitgenodigd te werken met de collectie van het museum, vanwege haar filmisch onderzoek naar de mate waarin onze perceptie is gevormd door onze eigen culturele achtergrond en wat wij daarvan projecteren op de ander.
Hoewel geïnspireerd op portretschilderkunst uit de Gouden Eeuw zijn de filmportretten geen nabootsingen van schilderijen: elk portret is een loop van drie tot vijf minuten. De films worden gelijktijdig getoond op zes kleine LCD-schermen, die op ooghoogte aan de wand hangen, als schilderijen in een museum.
De individualiteit van de geportretteerden komt misschien het sterkst tot uitdrukking wanneer zij via de camera voor enkele ogenblikken oogcontact leggen met het publiek, net lang genoeg om de indruk te wekken dat niet wij naar hen kijken maar zij naar ons.
Rise and Fall is een projectie op een dubbel scherm, ongebruikelijk vanwege de verticale oriëntatie. Hier vraag Tan ons stil te staan bij de vergankelijke en tegenstrijdige aard van de menselijke beleving; dat we met iedere beweging zowel opstaan als vallen; met iedere herinnering onthouden we en vergeten we; en met iedere ontmoeting komen we samen en gaan we uit elkaar. Deze kennis biedt geen troost, geen openbaring ter herdefiniëring van ons denken en ons doen. We blijven achter, zoals het personage in Rise and Fall, met een melancholisch besef van het verstrijken van de tijd, de daden die het voortbewegen van de tijd markeren en de herinneringen die we creëren om aan die kennis betekenis te geven.
De herinnering wordt in dit werk in beweging vertaald, in het scherpstellen van een camera of een verschuiving in de diepte van de focus. We zien de herinnering een bepaalde vorm en configuratie aannemen, maar dan wordt de focus meegetrokken door de stroming, door het getij, door krachten die even aanhoudend als onzichtbaar zijn.
Disorient
Al eerder had Fiona Tan zich indirect met Venetië beziggehouden, door aan Italo Calvino’s teksten te refereren die Marco Polo’s reizen memoreren. Voor haar nieuwste film heeft zij de originele tekst gebruikt om een actuele confrontatie aan te gaan met het tijdperk waarin Venetië een strategisch centrum van de wereld was.
Het vertrekpunt voor dit nieuwe werk was om Marco Polo’s beschrijvingen van 700 jaar geleden te confronteren met beelden van het heden in haar eigen associatieve montage. De voice-over van de installatie bestaat uitsluitend uit citaten uit Marco Polo’s The Travels.
Tan verbindt de dertiende-eeuwse handelsmacht van Venetië met Edward Saïds oriëntalisme: het onvermogen van het ‘Westen’ om zich werkelijk te verplaatsen in het wezen van het ‘Oosten’. Marco Polo’s reisverslag wordt daarmee door Tan naar onze eigen tijd vertaald. Ze wijst niet alleen op de eeuwenlange eenzijdige beeldvorming van het Oosten door het Westen, maar benadrukt ook dat het Westen zich moet heroriënteren.
Tan: “Het gebrek aan begrip voor andere culturen en samenlevingen, de onwil van mensen om zich te verdiepen in en te leren over andere gebruiken en andere religies is vandaag de dag nog net zo relevant en tragisch als zevenhonderd jaar geleden. Het oude, ook al is het vertekend en verdraaid, kan onverwachte, waardevolle inzichten in het huidige, het nieuwe bieden. Het geweld van machtige staten tegen andere landen en mensen in naam van de wereldvrede zou je met reden koloniale agressie in een nieuw jasje kunnen noemen. Zelfs in onze tijd wordt steeds weer voorrang gegeven aan handel en economisch winstbejag boven rechtvaardigheid, gezond verstand en menselijk mededogen.
Het verhaal van Marco Polo loopt in sommige opzichten parallel aan mijn eigen levensverhaal, zij het dan in de omgekeerde richting. Toevallig was ik ook zeventien toen ik voor het eerst naar Europa kwam en nu ben ik tweeënveertig. De jonge Marco intrigeert me, maar ergert me ook. Hij belichaamt in veel opzichten de ideale reiziger: hij is geen krijgsman of politicus, hij heeft geen doel, geen uiteindelijke bestemming. Ik doe mijn best om de toekomst voor me te zien voorbij de beperkende tweedeling van Oost en West (die altijd Oost versus West impliceert). En zodoende is een verloren gegaan en sterk veranderd historisch document van meer dan 700 jaar oud mijn uitgangspunt voor een nieuw en hedendaags kunstwerk. Venetië is, letterlijk en figuurlijk, mijn vertrek- en aankomstpunt, en deze koopman van Venetië is mijn onwaarschijnlijke gids.”
Publicatie Fiona Tan – Disorient
ISBN 978-3-86828-068-5
Website: www.fionatanvenice.nl
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H e n r y L a w s o n
(1867-1922)
A Bush Girl
She’s milking in the rain and dark,
As did her mother in the past.
The wretched shed of poles and bark,
Rent by the wind, is leaking fast.
She sees the “home-roof” black and low,
Where, balefully, the hut-fire gleams–
And, like her mother, long ago,
She has her dreams; she has her dreams.
The daybreak haunts the dreary scene,
The brooding ridge, the blue-grey bush,
The “yard” where all her years have been,
Is ankle-deep in dung and slush;
She shivers as the hour drags on,
Her threadbare dress of sackcloth seems–
But, like her mother, years agone,
She has her dreams; she has her dreams.
The sullen “breakfast” where they cut
The blackened “junk.” The lowering face,
As though a crime were in the hut,
As though a curse was on the place;
The muttered question and reply,
The tread that shakes the rotting beams,
The nagging mother, thin and dry–
God help the girl! She has her dreams.
Then for “th’ separator” start,
Most wretched hour in all her life,
With “horse” and harness, dress and cart,
No Chinaman would give his “wife”;
Her heart is sick for light and love,
Her face is often fair and sweet,
And her intelligence above
The minds of all she’s like to meet.
She reads, by slush-lamp light, may be,
When she has dragged her dreary round,
And dreams of cities by the sea
(Where butter’s up, so much the pound),
Of different men from those she knows,
Of shining tides and broad, bright streams;
Of theatres and city shows,
And her release! She has her dreams.
Could I gain her a little rest,
A little light, if but for one,
I think that it would be the best
Of any good I may have done.
But, after all, the paths we go
Are not so glorious as they seem,
And–if t’will help her heart to know–
I’ve had my dream. ‘Twas but a dream.
Henry Lawson poetry
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Musée du Louvre
Paris
© Hans Hermans 2009
kemp=mag poetry magazine
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New website:
Museum of Lost Concepts
curated by Jef van Kempen
a project of fleursdumal.nl
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Guillaume Apollinaire
1880-1918
La maison des morts
A Maurice Raynal
S’étendant sur les côtés du cimetière
La maison des morts l’encadrait comme un cloître
A l’intérieur de ses vitrines
Pareilles à celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimaçaient pour l’éternité
Arrivé à Munich depuis quinze ou vingt jours
J’étais entré pour la première fois et par hasard
Dans ce cimetière presque désert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposée et vêtue le mieux possible
En attendant la sépulture
Soudain
Rapide comme ma mémoire
Les yeux ses rallumèrent
De cellule vitrée en cellule vitrée
Le ciel se peupla d’une apocalypse
Vivace
Et la terra plate à l’infini
Comme avant Galilée
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m’accostèrent
Avec des mines de l’autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientôt moins funbèbres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se réjouissaient
De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière
Ils riaient de voir leur ombre et l’observaient
Comme si véritablement
C’eût été leur vie passée
Alors je les dénombrai
Ils étaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient à vue d’oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialité
Tant de tendresse même
Que les prenant en amitié
Tout à coup
Je les invitai à une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos péchés sont absous
Nous quittâmes le cimetière
Nous traversâmes la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts récents
Tous étaient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s’éparpilla
Deux chevau-légers nous joignirent
On leur fit fête
Ils coupèrent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu’ils distribuèrent aux enfants
Plus tard dans un bal champètre
Les couples mains sur les épaules
Dansèrent au son aigre des cithares
Ils n’avaient pas oublié la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps à autre une cloche
Annonçait qu’un autre tonneau
Allait être mis en perce
Une morte assise sur un banc
Près d’un buisson d’épine-vinette
Laissait un étudiant
Agenouillé à ses pieds
Lui parler de fiançailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s’il le faut
Votre volonté sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
Répondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l’autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poétiques
De l’humanité
L’étudiant passa une bague
A l’annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fiançailles
Ni le temps ni l’absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous auront une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vêtements et dans vos cheveux
Un beau sermon à l’église
De longs discours après le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fiancée
Seront plus beaux plus beaux encore
Hélas! la bague était brisée
Que s’ils étaient d’argent ou d’or
D’émeraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumière de l’aurore
Que vos regards mon fiancé
Auront meilleure odeur encore
Hélas! la bague était brisée
Que le lilas qui vient d’éclore
Que le thym la rose ou qu’un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s’en étant allés
Nous continuâmes la promenade
Au bord d’un lac
On s’amusa à faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l’eau qui dansait à peine
Des barques étaient amarrées
Dans un havre
On les détacha
Après que toute la troupe se fut embarquée
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l’avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
Vêtue d’une robe jaune
D’un corsage noir
Avec des rubans bleus et d’un chapeau gris
Orné d’une seule petite plume défrisée
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l’insecte nocturne
Aime la lumière
Trop tard
Répondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour défendu
Je suis mariée
Voyez l’anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques étaient arrivées
A un endroit où les chevau-légers
Savaient qu’un écho répondait de la rive
On ne se lassait point de l’interroger
Il y eut des questions si extravagantes
Et des réponses tellement pleines d’à-propos
Que c’était à mourir de rire
Et le mort disait à la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l’eau se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s’entr’aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient à distances inégales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un genévrier parfois
Faisait l’effet d’un fantôme
Les enfants déchiraient l’air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se répondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu à peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bientôt
Bientôt entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quittèrent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir
Bientôt je restai seul avec ces morts
Qui s’en allaient tout droit
Au cimetière
Où
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couchés
Immobiles
Et bien vêtus
Attendant la sépulture derrière les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s’était passé
Mais les vivants en gardaient le souvenir
C’était un bonheur inespéré
Et si certain
Qu’ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs égaux
Ou même quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur génie
Car y a-t-il rien qui vous élève
Comme d’avoir aimé un mort ou une morte
On devient si pur qu’on en arrive
Dans les glaciers de la mémoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifié pour la vie
Et l’on n’a plus besoin de personne
Guillaume Apollinaire poème:
La Maison des Morts
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