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La poésie sacrée par Alphonse De Lamartine

 

DITHYRAMBE

À M. Eugène de Genoude.

 

Son front est couronné de palmes et d’étoiles ;
Son regard immortel, que rien ne peut ternir,
Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles,
Réveille le passé, plonge dans l’avenir !
Du monde sous ses yeux ses fastes se déroulent,
Les siècles à ses pieds comme un torrent s’écoulent ;
A son gré descendant ou remontant leurs cours,
Elle sonne aux tombeaux l’heure, l’heure fatale,
Ou sur sa lyre virginale
Chante au monde vieilli ce jour, père des jours !

— —

Ecoutez ! – Jéhova s’élance
Du sein de son éternité.
Le chaos endormi s’éveille en sa présence,
Sa vertu le féconde, et sa toute-puissance
Repose sur l’immensité !

Dieu dit, et le jour fut; Dieu dit, et les étoiles
De la nuit éternelle éclaircirent les voiles ;
Tous les éléments divers
A sa voix se séparèrent ;
Les eaux soudain s’écoulèrent
Dans le lit creusé des mers ;
Les montagnes s’élevèrent,
Et les aquilons volèrent
Dans les libres champs des airs !

Sept fois de Jéhova la parole féconde
Se fit entendre au monde,
Et sept fois le néant à sa voix répondit ;
Et Dieu dit : Faisons l’homme à ma vivante image.
Il dit, l’homme naquit; à ce dernier ouvrage
Le Verbe créateur s’arrête et s’applaudit !

— —

Mais ce n’est plus un Dieu ! – C’est l’homme qui soupire
Eden a fui !… voilà le travail et la mort !
Dans les larmes sa voix expire ;
La corde du bonheur se brise sur sa lyre,
Et Job en tire un son triste comme le sort.

— —

Ah ! périsse à jamais le jour qui m’a vu naître !
Ah ! périsse à jamais la nuit qui m’a conçu !
Et le sein qui m’a donné l’être,
Et les genoux qui m’ont reçu !

Que du nombre des jours Dieu pour jamais l’efface ;
Que, toujours obscurci des ombres du trépas,
Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place,
Qu’il soit comme s’il n’était pas !

Maintenant dans l’oubli je dormirais encore,
Et j’achèverais mon sommeil
Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore,
Avec ces conquérants que la terre dévore,
Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore
Et qui n’a pas vu le soleil.

Mes jours déclinent comme l’ombre ;
Je voudrais les précipiter.
O mon Dieu ! retranchez le nombre
Des soleils que je dois compter !
L’aspect de ma longue infortune
Eloigne, repousse, importune
Mes frères lassés de mes maux ;
En vain je m’adresse à leur foule,
Leur pitié m’échappe et s’écoule
Comme l’onde au flanc des coteaux.

Ainsi qu’un nuage qui passe,
Mon printemps s’est évanoui ;
Mes yeux ne verront plus la trace
De tous ces biens dont j’ai joui.
Par le souffle de la colère,
Hélas ! arraché à la terre,
Je vais d’où l’on ne revient pas !
Mes vallons, ma propre demeure,
Et cet oeil même qui me pleure,
Ne reverront jamais mes pas !

L’homme vit un jour sur la terre
Entre la mort et la douleur ;
Rassasié de sa misère,
Il tombe enfin comme la fleur ;
Il tombe ! Au moins par la rosée
Des fleurs la racine arrosée
Peut-elle un moment refleurir !
Mais l’homme, hélas!, après la vie,
C’est un lac dont l’eau s’est enfuie :
On le cherche, il vient de tarir.

Mes jours fondent comme la neige
Au souffle du courroux divin ;
Mon espérance, qu’il abrège,
S’enfuit comme l’eau de ma main ;
Ouvrez-moi mon dernier asile ;
Là, j’ai dans l’ombre un lit tranquille,
Lit préparé pour mes douleurs !
O tombeau ! vous êtes mon père !
Et je dis aux vers de la terre :
Vous êtes ma mère et mes sœurs !

Mais les jours heureux de l’impie
Ne s’éclipsent pas au matin ;
Tranquille, il prolonge sa vie
Avec le sang de l’orphelin !
Il étend au loin ses racines ;
Comme un troupeau sur les collines,
Sa famille couvre Ségor ;
Puis dans un riche mausolée
Il est couché dans la vallée,
Et l’on dirait qu’il vit encor.

C’est le secret de Dieu, je me tais et l’adore !
C’est sa main qui traça les sentiers de l’aurore,
Qui pesa l’Océan, qui suspendit les cieux !
Pour lui, l’abîme est nu, l’enfer même est sans voiles !
Il a fondé la terre et semé les étoiles !
Et qui suis-je à ses yeux ?

— —

Mais la harpe a frémi sous les doigts d’Isaïe ;
De son sein bouillonnant la menace à longs flots
S’échappe ; un Dieu l’appelle, il s’élance, il s’écrie :
Cieux et terre, écoutez ! silence au fils d’Amos !

— —

Osias n’était plus : Dieu m’apparut; je vis
Adonaï vêtu de gloire et d’épouvante !
Les bords éblouissants de sa robe flottante
Remplissaient le sacré parvis !

Des séraphins debout sur des marches d’ivoire
Se voilaient devant lui de six ailes de feux ;
Volant de l’un à l’autre, ils se disaient entre eux :
Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux !
Toute la terre est pleine de sa gloire !

Du temple à ces accents la voûte s’ébranla,
Adonaï s’enfuit sous la nue enflammée :
Le saint lieu fut rempli de torrents de fumée.
La terre sous mes pieds trembla !

Et moi ! je resterais dans un lâche silence !
Moi qui t’ai vu, Seigneur, je n’oserais parler !
A ce peuple impur qui t’offense
Je craindrais de te révéler !

Qui marchera pour nous ? dit le Dieu des armées.
Qui parlera pour moi ? dit Dieu : Qui ? moi, Seigneur !
Touche mes lèvres enflammées !
Me voilà ! je suis prêt !… malheur !

Malheur à vous qui dès l’aurore
Respirez les parfums du vin !
Et que le soir retrouve encore
Chancelants aux bords du festin !
Malheur à vous qui par l’usure
Etendez sans fin ni mesure
La borne immense de vos champs !
Voulez-vous donc, mortels avides,
Habiter dans vos champs arides,
Seuls, sur la terre des vivants ?

Malheur à vous, race insensée !
Enfants d’un siècle audacieux,
Qui dites dans votre pensée :
Nous sommes sages à nos yeux :
Vous changez ma nuit en lumière,
Et le jour en ombre grossière
Où se cachent vos voluptés !
Mais, comme un taureau dans la plaine,
Vous traînez après vous la chaîne
Des vos longues iniquités !

Malheur à vous, filles de l’onde !
Iles de Sydon et de Tyr !
Tyrans ! qui trafiquez du monde
Avec la pourpre et l’or d’Ophyr !
Malheur à vous ! votre heure sonne !
En vain l’Océan vous couronne,
Malheur à toi, reine des eaux,
A toi qui, sur des mers nouvelles,
Fais retentir comme des ailes
Les voiles de mille vaisseaux !

Ils sont enfin venus les jours de ma justice ;
Ma colère, dit Dieu, se déborde sur vous !
Plus d’encens, plus de sacrifice
Qui puisse éteindre mon courroux !

Je livrerai ce peuple à la mort, au carnage ;
Le fer moissonnera comme l’herbe sauvage
Ses bataillons entiers !
– Seigneur ! épargnez-nous ! Seigneur ! – Non, point de trêve,
Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive
Le sang de ses guerriers !

Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine ;
Ma main nivellera, comme une vaste plaine,
Ses murs et ses palais ;
Le feu les brûlera comme il brûle le chaume.
Là, plus de nation, de ville, de royaume ;
Le silence à jamais !

Ses murs se couvriront de ronces et d’épines ;
L’hyène et le serpent peupleront ses ruines ;
Les hiboux, les vautours,
L’un l’autre s’appelant durant la nuit obscure,
Viendront à leurs petits porter la nourriture
Au sommet de ses tours !

— —

Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d’Isaïe ;
Le sombre Ezéchiel
Sur le tronc desséché de l’ingrat Israël
Fait descendre à son tour la parole de vie.

— —

L’Eternel emporta mon esprit au désert :
D’ossements desséchés le sol était couvert ;
J’approche en frissonnant; mais Jéhova me crie :
Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie ?
– Eternel, tu le sais ! – Eh bien! dit le Seigneur,
Ecoute mes accents ! retiens-les et dis-leur :
Ossements desséchés ! insensible poussière !
Levez-vous ! recevez l’esprit et la lumière !
Que vos membres épars s’assemblent à ma voix !
Que l’esprit vous anime une seconde fois !
Qu’entre vos os flétris vos muscles se replacent !
Que votre sang circule et vos nerfs s’entrelacent !
Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis !
J’écoutai le Seigneur, j’obéis et je dis :
Esprits, soufflez sur eux du couchant, de l’aurore ;
Soufflez de l’aquilon, soufflez !… Pressés d’éclore,
Ces restes du tombeau, réveillés par mes cris,
Entrechoquent soudain leurs ossements flétris ;
Aux clartés du soleil leur paupière se rouvre,
Leurs os sont rassemblés, et la chair les recouvre !
Et ce champ de la mort tout entier se leva,
Redevint un grand peuple, et connut Jéhova !

— —

Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire ;
La fille de Sion, méditant ses malheurs,
S’assied en soupirant, et, veuve de sa gloire,
Ecoute Jérémie, et retrouve des pleurs.

— —

Le seigneur, m’accablant du poids de sa colère,
Retire tour à tour et ramène sa main ;
Vous qui passez par le chemin,
Est-il une misère égale à ma misère ?

En vain ma voix s’élève, il n’entend plus ma voix ;
Il m’a choisi pour but de ses flèches de flamme,
Et tout le jour contre mon âme
Sa fureur a lancé les fils de son carquois !

Sur mes os consumés ma peau s’est desséchée ;
Les enfants m’ont chanté dans leurs dérisions ;
Seul, au milieu des nations,
Le Seigneur m’a jeté comme une herbe arrachée.

Il s’est enveloppé de son divin courroux ;
Il a fermé ma route, il a troublé ma voie ;
Mon sein n’a plus connu la joie,
Et j’ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous,
Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère ;
Souvenez-vous du fiel dont vous m’avez nourri ;
Non, votre amour n’est point tari :
Vous me frappez, Seigneur, et c’est pourquoi j’espère.

Je repasse en pleurant ces misérables jours ;
J’ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore :
Quand il punit, il aime encore ;
Il ne s’est pas, mon âme, éloigné pour toujours.

Heureux qui le connaît ! heureux qui dès l’enfance
Porta le joug d’un Dieu, clément dans sa rigueur !
Il croit au salut du Seigneur,
S’assied au bord du fleuve et l’attend en silence.

Il sent peser sur lui ce joug de votre amour ;
Il répand dans la nuit ses pleurs et sa prière,
Et la bouche dans la poussière,
Il invoque, il espère, il attend votre jour.

— —

Silence, ô lyre ! et vous silence,
Prophètes, voix de l’avenir !
Tout l’univers se tait d’avance
Devant celui qui doit venir !
Fermez-vous, lèvres inspirées ;
Reposez-vous, harpes sacrées,
Jusqu’au jour où sur les hauts lieux
Une voix au monde inconnue,
Fera retentir dans la nue :
PAIX A LA TERRE, ET GLOIRE AUX CIEUX !

 

Alphonse de Lamartine
(1790 – 1869)

La poésie sacrée par Alphonse De Lamartine
DITHYRAMBE
Méditations poétiques

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METROPOLITAN MUSEUM – TILBURG : Overzichtstentoonstelling Sander Neijnens en Ivo van Leeuwen

METROPOLITAN MUSEUM | TILBURG: Overzichtstentoonstelling vier jaar TilburgsAns, een kunstproject van Sander Neijnens en Ivo van Leeuwen

Wè knòrrie?

Sinds april 2016 zwerft TilburgsAns door de stad, een lettertype met eigenzinnige karakters en inmiddels 123 pictogrammen. Het lettertype is ontworpen door Sander Neijnens en geïnspireerd op het rauwe, eigenzinnige, humoristische, verrassende en experimentele karakter van Tilburg. De pictogrammen van karakteristieke Tilburgse locaties, evenementen, verhalen en woorden zijn van de hand van Ivo van Leeuwen. TilburgsAns is een uniek (typo)grafisch portret van Tilburg. Dit kunstproject is omarmd door de inwoners van de stad.

Het lettertype wordt op allerlei manieren toegepast in wijkkranten, kleding, etiketten, plattegronden, kaarten, stickers, posters, flyers en tatoeages. Daarnaast organiseerden de ontwerpers de wekelijkse kaajbaandexpositie van pictogrammen op de vuilcontainers van 81 huishoudens en hielden zij reeds vele workshops, lezingen in binnen- en buitenland en lessen voor basis-, middelbaar en hoger onderwijs. Ook presenteerden zij ‘Dègge bedankt zèèt dè witte wèèn’ en ‘We zullen et saome wel rôoje wèèn’, Chocolinde sjeklaatjes, de Tilburgse lekkernij met een Q en een serie speldjes. Na vier jaar wordt de tussenbalans opgemaakt met deze expositie in het Metropolitan Museum Tilburg, de raamtentoonstellingen aan de Stedekestraat 15 te Tilburg.

Het lettertype TilburgsAns kan gratis gedownload worden op de website www.tilburgsans.nl. Daar treft u ook nadere achtergrondinformatie over het project en het bijbehorende letteradoptieplan alsmede vele voorbeelden van hoe het lettertype en de pictogrammen in en buiten de stad worden toegepast.

Gratis raamtentoonstelling
‘Wè knòrrie?’ van TilburgsAns
Sander Neijnens en Ivo van Leeuwen
dagelijks nog t/m 18 februari 2020

‘Metropolitan Museum | Tilburg’
Stedekestraat 15 | 5041DM Tilburg
Sjon Brands en Dorith van der Lee
telefoon 013 5358041 | 06 20325030
mail post@metropolitanmuseum.nl
site www.metropolitanmuseum.nl

 

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POËZIEWEEK IN NEDERLAND EN VLAANDEREN 2020

 

 

 

 

 

POËZIEWEEK IN NEDERLAND EN VLAANDEREN 2020
nog t/m 5 februari 2020
# meer informatie op website poëzieweek:
https://www.poezieweek.com/

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Emily Dickinson: Aspiration (Poem)

 

Aspiration

We never know how high we are
Till we are called to rise;
And then, if we are true to plan,
Our statures touch the skies.
The heroism we recite
Would be a daily thing,
Did not ourselves the cubits warp
For fear to be a king.

Emily Dickinson
(1830-1886)
Aspiration

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Renée Vivien: Vers d’amour (Poème)

 

Vers d’amour

Tu gardes dans tes yeux la volupté des nuits,
O Joie inespérée au fond des solitudes!
Ton baiser est pareil à la saveur des fruits
Et ta voix fait songer aux merveilleux préludes
Murmurés par la mer à la beauté des nuits.

Tu portes sur ton front la langueur et l’ivresse,
Les serments éternels et les aveux d’amour,
Tu sembles évoquer la craintive caresse
Dont l’ardeur se dérobe à la clarté du jour
Et qui te laisse au front la langueur et l’ivresse.

Renée Vivien

born Pauline Mary Tarn;
(1877–1909)
Vers d’amour;
Cendres et Poussières, 1902

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Victor Hugo: Ce que c’est que la mort (Poème)

 

Ce que c’est que la mort

Ne dites pas: mourir; dites: naître. Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez;
On est l’homme mauvais que je suis, que vous êtes;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère;
Car tous les hommes sont les fils du même père;
Ils sont la même larme et sortent du même oeil.
On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube? C’est la tombe.
Où suis-je? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille noeuds funèbres
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini
Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni,
Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante
L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante.
On arrive homme, deuil, glaçon, neige; on se sent
Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

Victor Hugo
(1802-1885)
Ce que c’est que la mort
(Poème)
Les contemplations

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Herman Melville: Shelley’s Vision (Poem)

   

Shelley’s Vision

Wandering late by morning seas
When my heart with pain was low–
Hate the censor pelted me–
Deject I saw my shadow go.

In elf-caprice of bitter tone
I too would pelt the pelted one:
At my shadow I cast a stone.

When lo, upon that sun-lit ground
I saw the quivering phantom take
The likeness of St. Stephen crowned:
Then did self-reverence awake.

Herman Melville
(1819 – 1891)
Shelley’s Vision

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Marcel Schwob: Sous les vieux arbres gris… (Poème)

 

Sous les vieux arbres gris…

Sous les vieux arbres gris aux branches fantastiques,
Forêts ouvertes!
Etendant dans les airs tous leurs rameaux étiques,
Clairières vertes!
Les fleurs d’un rouge sombre ont des parfums mystiques,
Mares désertes!
Loin de nos constructions, nos usines pratiques,
Clairières vertes!
Et un pays étrange aux chaleurs magnétiques,
Forêts ouvertes!
Où rôdent sous les bois des formes extatiques,
Mares désertes!
Sous les vieux arbres gris aux branches fantastiques,
Forêts ouvertes!
Etendant dans les airs tous leurs rameaux étiques,
Clairières vertes!
Les fleurs d’un rouge sombre ont des parfums mystiques,
Mares désertes!
Dans les enlacements des lianes élastiques,
Forêts ouvertes!
On voit se profiler des colonnes antiques,
Clairières vertes!

Et des temples de marbre et d’immenses portiques,
Mares désertes!
Dans les brouillards dorés aux lueurs électriques,
Forêts ouvertes!
Des coupoles d’argent et des dômes féeriques,
Clairières vertes!
S’élèvent au-dessus de cités chimériques,
Mares désertes!
Et les femmes ont des passions hystériques,
Forêts ouvertes!
Pour assouvir les ruts de leurs mâles lubriques,
Clairières vertes!
Se livrant sur les toits, les terrasses de briques,
Mares désertes!
Au coucher du soleil, sous ses rayons obliques,
Forêts ouvertes!
On voit boire à grands traits les fauves faméliques,
Clairières vertes!
Et les guépards errer sur les places publiques.
Mares désertes!
La nuit on n’entend pas de prières bibliques,
Forêts ouvertes!
Ni de prêtres priant pour leurs saintes reliques,
Mares désertes!
Mais les chacals pleurant leurs pleurs mélancoliques,
Mares désertes!

Marcel Schwob
(1867-1905)
Sous les vieux arbres gris…
Mai 1885

Portrait: Félix Vallotton
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Karel van de Woestijne: Ween aan mijn borst (Gedicht)

 

Ween aan mijn borst

Ween aan mijn borst den schat der tranen
die rijk me maken van uw leed,
ik die van wankelende wanen
als gij het talmend smeken weet;

ik die, mijn kind, op andre schouder
om eendre vreze heb geschreid,
maar van elke onmacht oud en ouder,
weer om een nieuwe hope lijd;

ik die het goud van alle transen
voor de as van oude zonnen ken,
maar van elk glorend morgen-glanzen
de huiverende minnaar ben…

Ween uwe tranen, lange en lijze,
die van uw lijden rijk me maakt:
straks ziet ge in ‘t oog des levens-wijzen
hoe stééds de wanen-lampe waakt…

Het huis in de stad (1908-1909)

Karel van de Woestijne
(1878 – 1929)
Ween aan mijn borst

Portret van Karel van de Woestijne (1937) door Henri van Straten (1892 – 1944)

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Les étrennes des orphelins par Arthur Rimbaud (Poème)

  

Les étrennes des orphelins

I
La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève…
– Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ;
Leur aile s’engourdit sous le ton gris des cieux ;
Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,
Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant…

II
Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure…
Ils tressaillent souvent à la claire voix d’or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain métallique en son globe de verre…
– Puis, la chambre est glacée… on voit traîner à terre,
Épars autour des lits, des vêtements de deuil
L’âpre bise d’hiver qui se lamente au seuil
Souffle dans le logis son haleine morose !
On sent, dans tout cela, qu’il manque quelque chose…
– Il n’est donc point de mère à ces petits enfants,
De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?
Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,
D’exciter une flamme à la cendre arrachée,
D’amonceler sur eux la laine et l’édredon
Avant de les quitter en leur criant : pardon.
Elle n’a point prévu la froideur matinale,
Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ?…
– Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,
C’est le nid cotonneux où les enfants tapis,
Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches !…
– Et là, – c’est comme un nid sans plumes, sans chaleur,
Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;
Un nid que doit avoir glacé la bise amère…

III
Votre coeur l’a compris : – ces enfants sont sans mère.
Plus de mère au logis ! – et le père est bien loin !…
– Une vieille servante, alors, en a pris soin.
Les petits sont tout seuls en la maison glacée ;
Orphelins de quatre ans, voilà qu’en leur pensée
S’éveille, par degrés, un souvenir riant…
C’est comme un chapelet qu’on égrène en priant :
– Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux,
Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s’éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux…
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher…
On entrait !… Puis alors les souhaits… en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !

IV
Ah ! c’était si charmant, ces mots dits tant de fois !
– Mais comme il est changé, le logis d’autrefois :
Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,
Toute la vieille chambre était illuminée ;
Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,
Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer…
– L’armoire était sans clefs !… sans clefs, la grande armoire !
On regardait souvent sa porte brune et noire…
Sans clefs !… c’était étrange !… on rêvait bien des fois
Aux mystères dormant entre ses flancs de bois,
Et l’on croyait ouïr, au fond de la serrure
Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure…
– La chambre des parents est bien vide, aujourd’hui
Aucun reflet vermeil sous la porte n’a lui ;
Il n’est point de parents, de foyer, de clefs prises :
Partant, point de baisers, point de douces surprises !
Oh ! que le jour de l’an sera triste pour eux !
– Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus,
Silencieusement tombe une larme amère,
Ils murmurent : » Quand donc reviendra notre mère ? »

V
Maintenant, les petits sommeillent tristement :
Vous diriez, à les voir, qu’ils pleurent en dormant,
Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible !
Les tout petits enfants ont le coeur si sensible !
– Mais l’ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,
Et dans ce lourd sommeil met un rêve joyeux,
Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,
Souriante, semblait murmurer quelque chose…
– Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,
Doux geste du réveil, ils avancent le front,
Et leur vague regard tout autour d’eux se pose…
Ils se croient endormis dans un paradis rose…
Au foyer plein d’éclairs chante gaîment le feu…
Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ;
La nature s’éveille et de rayons s’enivre…
La terre, demi-nue, heureuse de revivre,
A des frissons de joie aux baisers du soleil…
Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil
Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre,
La bise sous le seuil a fini par se taire …
On dirait qu’une fée a passé dans cela ! …
– Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris… Là,
Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose…
Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,
De la nacre et du jais aux reflets scintillants ;
Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,
Ayant trois mots gravés en or : » A NOTRE MÈRE ! «

Arthur Rimbaud
(1854 – 1891)
Les étrennes des orphelins
Poème

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Bert Bevers & Joep Eijkens: Haventijding

Haventijding

Ze laten water nimmer alleen en nemen ook kaarten
die niemand lezen kan mee. Geen schrik van weertij
hebben ze, en voor wroeging geen geduld. Schippers
hechten aan hun roer. Bedenken dat Maria Rome
nooit zag, nimmer voer. Hun schepen haten blijven.

 

© gedicht Bert Bevers 2019
© foto Joep Eijkens 2019

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Lord Byron: And Wilt Thou Weep When I Am Low? (Poem)

 

And Wilt Thou Weep When I Am Low ?

And wilt thou weep when I am low?
Sweet lady! speak those words again:
Yet if they grieve thee, say not so—
I would not give that bosom pain.

My heart is sad, my hopes are gone,
My blood runs coldly through my breast;
And when I perish, thou alone
Wilt sigh above my place of rest.

And yet, methinks, a gleam of peace
Doth through my cloud of anguish shine:
And for a while my sorrows cease,
To know thy heart hath felt for mine.

Oh lady! blessd be that tear—
It falls for one who cannot weep;
Such precious drops are doubly dear
To those whose eyes no tear may steep.

Sweet lady! once my heart was warm
With every feeling soft as thine;
But Beauty’s self hath ceased to charm
A wretch created to repine.

Yet wilt thou weep when I am low?
Sweet lady! speak those words again:
Yet if they grieve thee, say not so—
I would not give that bosom pain.

George Gordon Byron
(1788 – 1824)
And Wilt Thou Weep When I Am Low ?
(Poem)

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