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Les oies sauvages
Tout est muet, l’oiseau ne jette plus ses cris.
La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.
Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies,
Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.
Voilà qu’à l’horizon s’élève une clameur ;
Elle approche, elle vient, c’est la tribu des oies.
Ainsi qu’un trait lancé, toutes, le cou tendu,
Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu,
Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante.
Le guide qui conduit ces pèlerins des airs
Delà les océans, les bois et les déserts,
Comme pour exciter leur allure trop lente,
De moment en moment jette son cri perçant.
Comme un double ruban la caravane ondoie,
Bruit étrangement, et par le ciel déploie
Son grand triangle ailé qui va s’élargissant.
Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine,
Engourdis par le froid, cheminent gravement.
Un enfant en haillons en sifflant les promène,
Comme de lourds vaisseaux balancés lentement.
Ils entendent le cri de la tribu qui passe,
Ils érigent leur tête ; et regardant s’enfuir
Les libres voyageurs au travers de l’espace,
Les captifs tout à coup se lèvent pour partir.
Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes,
Et, dressés sur leurs pieds, sentent confusément,
A cet appel errant se lever grandissantes
La liberté première au fond du coeur dormant,
La fièvre de l’espace et des tièdes rivages.
Dans les champs pleins de neige ils courent effarés,
Et jetant par le ciel des cris désespérés
Ils répondent longtemps à leurs frères sauvages.
Guy de Maupassant
(1850 – 1893)
Les oies sauvages
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Christian Kunda Mutoki porte un nouveau regard sur Le Horla de Guy de Maupassant.
Il est précédé d’une préface et suivi d’une postface.
Il vient rafraîchir les problématiques qui touchent à la morale, à l’athéisme, à des amours tumultueuses et infidèles. . .
Le monde d’aujourd’hui diffère-t-il de celui décrit au XIXe siècle par l’écrivain français ? La science a-t-elle amélioré la condition existentielle de l’homme ?
Voici quelques questions majeures qui trouvent ici un regard neuf.
Christian Kunda Mutoki a préparé sa thèse de doctorat à l’Université Paul Verlaine, actuelle Université de la Lorraine (Metz, France). Il est écrivain et professeur de Littérature et civilisation françaises à l’Université de Lubumbashi, en RDC.
GUY DE MAUPASSANT
Une certaine idée de l’homme dans Le Horla
Christian Kunda Mutoki
Cahiers des sciences du langage
Langue Linguistique Littérature
Broché
Format : 15,5 x 24 cm
ISBN : 978-2-8066-3665-2
14 décembre 2018
70 pages
€ 11,5
# New books
Une certaine idée de l’homme dans Le Horla
de Guy de Maupassant
Christian Kunda Mutoki
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Guy de Maupassant
(1850-1893)
LE DIEU CRÉATEUR
La nature, d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus parfait, arrive à cette dernière création qui mit pour la première fois l’homme sur la terre.
Pourquoi le jour ne viendrait-il pas où notre race sera effacée, où nos ossements déterrés ne sembleront aux espèces vivantes que des ébauches grossières d’une nature qui s’essaie ?
Jouffroy
Dieu, cet être inconnu dont nul n’a vu la face,
Roi qui commande aux rois et règne dans l’espace,
Las d’être toujours seul, lui dont l’infinité
De l’univers sans bornes emplit l’immensité,
Et d’embrasser toujours, seul, par sa plénitude
De l’espace et des temps la sombre solitude,
De rester toujours tel qu’il a toujours été,
Solitaire et puissant durant l’Éternité,
Portant de sa grandeur la marque indélébile,
D’être le seul pour qui le temps soit immobile,
Pour qui tout le passé reste sans souvenir
Et qui n’attend rien de l’immense avenir ;
Qui de la nuit des temps perce l’ombre profonde ;
Pour qui tout soit égal, pour qui tout se confonde
Dans l’éternel ennui d’un éternel présent,
Solitaire et puissant et pourtant impuissant
A changer son destin dont il n’est pas le maître,
Le grand Dieu qui peut tout ne peut pas ne pas être !
Et ce Dieu souverain, fatigué de son sort,
Peut-être en sa grandeur a désiré la mort !
Une éternité passe, et toujours solitaire
Il voit l’éternité se dresser tout entière !
Enfin las de rester seul avec son ennui
Des astres au front d’or il a peuplé la nuit ;
Dans l’espace flottait comme un chaos immonde ;
De la matière impure il a formé le monde.
Depuis longtemps la masse aride errait toujours,
Comme Dieu solitaire et dans la nuit sans jours ;
Mais les astres brillaient et quelquefois dans l’ombre
Un beau rayon de feu courant par la nuit sombre
Éclairait tout à coup le sol inhabité
Cachant comme un proscrit sa triste nudité !
Soudain levant son bras, le grand Dieu solitaire
Alluma le soleil et regarda la terre !
Alors tout s’anima sous l’ardeur de ses feux,
L’arbre géant tordit ses membres monstrueux,
La végétation monta, puissante, énorme,
Premier essai de Dieu, production informe
Et le globe roulant ses prés, ses grands bois verts,
Tournait silencieux dans le vaste univers,
Balançant dans le ciel sur sa tête parée
Et ses hautes forêts et sa mer azurée.
Pourtant Dieu le trouva triste et nu comme lui.
Rêveur, il y jeta le feu qui gronde et luit ;
Alors tout disparut, englouti sous la flamme.
Mais quand il renaquit, le monde avait une âme.
C’était la vie ardente, aux souffles tout-puissants,
Mais confuse et jetée en des êtres pesants
Faits de vie et de sève et de chair et d’argile
Comme l’oeuvre incomplet d’un artiste inhabile.
Monstres hideux sortant de gouffres inconnus
Qui traînaient au soleil leurs corps mous et charnus.
Se penchant de nouveau, Dieu regarda la terre,
Elle tournait toujours sauvage et solitaire.
Tout paraissait tranquille et calme ; mais parfois
Quelque bête en hurlant passait dans les grands bois,
D’arbres déracinés laissant un long sillage,
Et son dos monstrueux soulevait le feuillage ;
Elle allait mugissante et traînant lentement
Son corps inerte et lourd sous le bleu firmament ;
Et sa voix bondissait par l’écho répétée
Jusqu’au trône de Dieu dans l’espace emportée ;
Et puis tout se taisait et l’on ne voyait plus
Que le flot verdoyant des grands arbres touffus.
Mais toujours mécontent, ce Dieu lança sa foudre,
Alors tout disparut brûlé, réduit en poudre.
Puis la sève revint, ainsi qu’un sang vermeil
Dans les veines du sol qu’échauffait le soleil,
L’herbe verte et les fleurs cachaient la terre nue ;
L’arbre ne portait plus sa tête dans la nue ;
De frêles arbrisseaux les monts étaient couverts
Tout renaissait plus beau dans le jeune univers.
Mais un jour, tout à coup, tout trembla sur la terre,
Son globe n’était plus désert et solitaire ;
Le grand bois tressaillit, car un être inconnu
Sur l’univers esclave a levé son bras nu.
Le monde tout entier a plié sous cet être ;
Regardant la nature, il a dit : “Je suis maître.”
Regardant le soleil, il a dit : “C’est pour moi.”
L’animal furieux fuyait tremblant d’effroi ;
Il a dit : “C’est à moi” ; le ciel brillait d’étoiles,
Il a dit : “Dieu c’est moi.” L’ombre étendit ses voiles :
L’homme d’une étincelle embrasa les forêts,
Et du Dieu créateur arrachant les secrets,
Seul, perdu dans l’espace, il se bâtit un monde.
Tout plia sous ses lois, le feu, la terre et l’onde.
Mais il marche toujours et depuis six mille ans
Rien n’a pu ralentir ses progrès insolents,
Et souvent quand il parle, on a cru que la vie
Jaillissait du néant au gré de son envie.
Mais cet être qui tient la terre sous sa loi,
Qui de ce monde errant s’est proclamé le roi ;
Cet être formidable armé d’intelligence,
Qui sur tout ce qui vit exerce sa puissance,
Qu’est-il lui-même ? Ainsi que ces monstres si lourds
Qui furent le dessin des races de nos jours ;
Que les arbres géants, aux têtes souveraines
Dont nous avons trouvé des forêts souterraines,
L’homme n’est-il aussi qu’un ouvrage incomplet,
Que l’ébauche et le plan d’un être plus parfait ;
Ira-t-il au néant ? Ou sa tâche finie,
Montera-t-il au Dieu qui lui donna la vie ?
Ô vous, vieux habitants des siècles d’autrefois
Qui seuls mêliez vos cris au grand souffle des bois,
Qui vîntes les premiers dans ce monde où nous sommes,
Le dernier échelon, dites, sont-ce les hommes ?
Vous êtes disparus avec les siècles morts ;
Si nous passons aussi, que sommes-nous alors ?
Seigneur, Dieu tout-puissant, quand je veux te comprendre,
Ta grandeur m’éblouit et vient me le défendre.
Quand ma raison s’élève à ton infinité
Dans le doute et la nuit je suis précipité,
Et je ne puis saisir, dans l’ombre qui m’enlace
Qu’un éclair passager qui brille et qui s’efface.
Mais j’espère pourtant, car là-haut tu souris !
Car souvent, quand un jour se lève triste et gris,
Quand on ne voit partout que de sombres images,
Un rayon de soleil glisse entre deux nuages
Qui nous montre là-bas un petit coin d’azur ;
Quand l’homme doute et que tout lui paraît obscur,
Il a toujours à l’âme un rayon d’espérance ;
Car il reste toujours, même dans la souffrance,
Au plus désespéré, par le temps le plus noir,
Un peu d’azur au ciel, au coeur un peu d’espoir.
1868
Guy de Maupassant poetry
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