Hugo Ball
(1886–1927)
Der Henker
Ich kugle Dich auf Deiner roten Decke.
Ich bin am Werk: blank wie ein Metzgermeister.
Tische und Bänke stehen wie blitzende Messer
der Syphiliszwerg stochert in Töpfen voll Gallert und Kleister.
Dein Leib ist gekrümmt und blendend und glänzt wie der gelbe Mond
deine Augen sind kleine lüsterne Monde
dein Mund ist geborsten in Wollust und in der Jüdinnen Not
deine Hand eine Schnecke, die in den blutroten Gärten voll Weintrauben und Rosen wohnte.
Hilf, heilige Maria! Dir sprang die Frucht aus dem Leibe
sei gebenedeit! Mir rinnt geiler Brand an den Beinen herunter.
Mein Haar ein Sturm, mein Gehirn ein Zunder
meine Finger zehn gierige Zimmermannsnägel
die schlage ich in der Christenheit Götzenplunder.
Als dein Wehgeschrei dir die Zähne aus den Kiefern sprengte
da brach auch ein Goldprasseln durch die Himmelssparren nieder.
Eine gigantische Hostie gerann und blieb zwischen Rosabergen stehen
ein Hallelujah gurgelte durch Apostel- und Hirtenglieder.
Da tanzten nackichte Männer und Huren in verrückter Ekstase
Heiden, Türken, Kaffern und Muhammedaner zumal
Da stoben die Engel den Erdkreis hinunter
Und brachten auf feurigem Teller die Finsternis und die Qual.
Da war keine Mutterknospe, kein Auge mehr blutunterlaufen und ohne Hoffen
Jede Seele stand für die Kindheit und für das Wunder offen.
Hugo Ball poetry
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Arthur Cravan
(1887-1918)
ANDRÉ GIDE
Comme je rêvais fébrilement, après une longue période de la pire des paresses, à devenir très riche (mon Dieu ! comme j’y rêvais souvent !) ; comme j’en étais au chapitre des éternels projets, et que je m’échauffais progressivement à la pensée d’atteindre malhonnêtement à la fortune, et d’une manière inattendue, par la poésie — j’ai toujours essayé de considérer l’art comme un moyen et non comme un but — je me dis gaiement : « Je devrais aller voir Gide, il est millionnaire. Non, quelle rigolade, je vais rouler ce vieux littérateur!»
Tout aussitôt, ne suffit-il pas de s’exciter ? je m’octroyais un don de réussite prodigieux ? J’écrivais un mot à Gide, me recommandant de ma parenté avec Oscar Wilde ; Gide me recevait. Je lui étais un étonnement avec ma taille, mes épaules, ma beauté, mes excentricités, mes mots. Gide raffolait de moi, je l’avais pour agréable. Déjà nous filions vers l’Algérie — il refaisait le voyage de Biskra et j’allais bien l’entraîner jusqu’aux Côtes des Somalis. J’avais vite une tête dorée, car j’ai toujours eu un peu honte d’être blanc. Et Gide payait les coupés de 1re classe, les nobles montures, les palaces, les amours. Je donnais enfin une substance à quelques-unes de mes milliers d’âmes. Gide payait, payait, payait toujours ; et j’ose espérer qu’il ne m’attaquera point en dommages et intérêts si je lui fait l’aveu que dans les dévergondages malsains de ma galopante imagination il avait vendu jusqu’à sa solide ferme de Normandie pour satisfaire à mes derniers caprices d’enfant moderne !
Ah ! je me revois encore tel que je me peignais alors, les jambes allongées sur les banquettes du rapide méditerranéen, débitant des inconcevabilités pour divertir mon Mécène.
On dira peut-être de moi que j’ai des mœurs d’Androgide. Le dira-t-on?
Au reste, j’ai si peu réussi dans mes petits projets d’exploitation que je vais me venger. J’ajouterais, afin de ne pas alarmer inconsidérément nos lecteurs de province, que je pris surtout en grippe M. Gide, le jour où, comme je le fais entendre plus haut, je me rendis compte que je ne tirerai jamais dix centimes de lui, et que, d’autre part, cette jaquette râpée se permit d’éreinter, pour des raisons d’excellence, le chérubin nu qui a nom Théophile Gautier.
J’allais donc voir M. Gide. Il me revient qu’à cette époque je n’avais pas d’habit, et je suis encore à le regretter, car il m’aurait été facile de l’éblouir. Comme j’arrivais près de sa villa, je me récitais les phrases sensationnelles que je devais placer au cours de la conversation. Un instant plus tard je sonnais. Une bonne vint m’ouvrir (M. Gide n’a pas de laquais). L’on me fit monter au premier et l’on me pria d’attendre dans une sorte de petite cellule qu’assurait un corridor tournant à angle droit. En passant je jetais un œil curieux dans différentes pièces, cherchant à prendre par avance quelques renseignements sur les chambres d’amis. Maintenant j’étais assis dans mon petit coin. Des vitraux, que je trouvais toc, laissaient tomber le jour sur un écritoire où s’ouvraient des feuillets fraîchement mouillés d’encre. Naturellement, je ne fis pas faute de commettre la petite indiscrétion que vous devinez. C’est ainsi que je peux vous apprendre que M. Gide châtie terriblement sa prose et qu’il ne doit guère livrer aux typographes que le quatrième jet.
La bonne vint me reprendre pour me conduire au rez-de-chaussée. Au moment d’entrer dans le salon, de turbulents roquets jetèrent quelques aboiements. Cela allait-il manquer de distinction ? Mais M. Gide allait venir. J’eus pourtant tout le loisir de regarder autour de moi. Des meubles modernes et peu heureux dans une pièce spacieuse ; pas de tableaux, des murs nus (une simple intention ou une intention un peu simple) et surtout une minutie très protestante dans l’ordre et la propreté. J’eus même, un instant, une sueur assez désagréable à la pensée que j’avais peut-être saligoté les tapis. J’aurais probablement poussé la curiosité un peu plus loin, ou j’aurais même cédé à l’exquise tentation de mettre quelque menu bibelot dans ma poche, si j’avais pu défendre de la sensation très nette que M. Gide se documentait par quelque petit trou secret de la tapisserie. Si je m’abusai, je prie M. Gide de bien vouloir accepter les excuses publiques et immédiates que je dois à sa dignité.
Enfin l’homme parut. (Ce qui me frappa le plus depuis cette minute, c’est qu’il ne m’offrit absolument rien, si ce n’est une chaise, alors que, sur les quatre heures de l’après-midi, une tasse de thé, si l’on prise l’économie, ou mieux encore quelque liqueur et le tabac d’Orient passent avec raison, dans la société européenne, pour donner cette disposition indispensable qui lui permet d’être parfois étourdissante.)
« Monsieur Gide, commençai-je, je me suis permis de venir à vous, et cependant je crois devoir vous déclarer tout de go que je préfère de beaucoup, par exemple, la boxe à la littérature.
— La littérature est pourtant le seul point sur lequel nous puissions nous rencontrer, me répondit assez sèchement mon interlocuteur.
Je pensais : ce grand vivant !
Nous parlâmes donc littérature, et comme il allait me poser cette question qui devait lui être particulièrement chère : « Qu’avez-vous lu de moi ? » J’articulais sans sourciller, en logeant le plus de fidélité possible dans mon regard : « J’ai peur de vous lire. » J’imagine que M. Gide dut singulièrement sourciller.
J’arrivais alors petit à petit à placer mes fameuses phrases, que tout à l’heure je me récitais encore, pensant que le romancier me saurait gré de pouvoir après l’oncle utiliser le neveu. Je jetais d’abord négligemment : « La Bible est le plus grand succès de librairie. » Un moment plus tard, comme il montrait assez de bonté pour s’intéresser à mes parents : « Ma mère et moi, dis-je assez drôlement, nous ne sommes pas nés pour nous comprendre. » La littérature revenant sur le tapis, j’en profitais pour dire du mal d’au moins deux cents auteurs vivants, des écrivains juifs, et de Charles-Henri Hirsch en particulier, et d’ajouter : « Heine est le Christ des écrivains juifs modernes. » Je jetais de temps à autre de discrets et malicieux coups d’œil à mon hôte, qui me récompensait de rires étouffés, mais qui, je dois bien le dire, restait très loin derrière moi, se contentant, semblait-il, d’enregistrer, parce qu’il n’avait probablement rien préparé.
À un moment donné, interrompant une conversation philosophique, m’étudiant à ressembler à un Bouddha qui aurait descellé une fois pour dix mille ans ses lèvres : « La grande Rigolade est dans l’Absolu », murmurai-je. Sur le point de me retirer, d’un ton très fatigué et très vieux, je priais : « Monsieur Gide, où en sommes-nous avec le temps ? » Apprenant qu’il était six heures moins un quart, je me levais, serrais affectueusement la main de l’artiste, et partais en emportant dans ma tête le portrait d’un de nos plus notoires contemporains, portrait que je vais resquisser ici, si mes chers lecteurs veulent bien m’accorder encore, un instant, leur bienveillante attention.
M. Gide n’a pas l’air d’un enfant d’amour, ni d’un éléphant, ni de plusieurs hommes : il a l’air d’un artiste ; et je lui ferai ce seul compliment, au reste désagréable, que sa petite pluralité provient de ce fait qu’il pourrait très aisément être pris pour un cabotin. Son ossature n’a rien de remarquable ; ses mains sont celles d’un fainéant, très blanches, ma foi ! Dans l’ensemble, c’est une toute petite nature. M. Gide doit peser dans les 55 kg et mesurer 1,65 m environ. Sa marche trahit un prosateur qui ne pourra jamais faire un vers. Avec ça, l’artiste montre un visage maladif, d’où se détachent, vers les tempes, de petites feuilles de peau plus grandes que des pellicules, inconvénient dont le peuple donne une explication, en disant vulgairement de quelqu’un : « il pèle».
Et pourtant l’artiste n’a point les nobles ravages du prodigue qui dilapide et sa fortune et sa santé. Non, cent fois non : l’artiste semble prouver au contraire qu’il se soigne méticuleusement, qu’il est hygiénique et qu’il s’éloigne d’un Verlaine qui portait sa syphilis comme une langueur, et je crois, à moins d’un démenti de sa part, ne pas trop m’aventurer en affirmant qu’il ne fréquente ni les filles ni les mauvais lieux ; et c’est bien encore à ces signes que nous sommes heureux de constater, comme nous aurions eu souvent l’occasion de le faire, qu’il est prudent.
Je ne vis M. Gide qu’une fois dans la rue : il sortait de chez moi : il n’avait que quelques pas à faire avant de tourner la rue, de disparaître à mes yeux; et je le vis s’arrêter devant un bouquiniste : et pourtant il y avait un magasin d’instruments chirurgicaux et une confiserie…
Depuis, M. Gide m’écrivit une fois*, et je ne le revis jamais.
J’ai montré l’homme, et maintenant j’eusse volontiers montré l’œuvre si, sur un seul point, je n’eusse pas eu besoin de me redire.
Arthur Cravan: André Gide
Revue Maintenant n°2 (juillet 1913)
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Ernest Dowson
(1867-1900)
Amor Profanus
Beyond the pale of memory,
In some mysterious dusky grove;
A place of shadows utterly,
Where never coos the turtle-dove,
A world forgotten of the sun:
I dreamed we met when day was done,
And marvelled at our ancient love.
Met there by chance, long kept apart,
We wandered through the darkling glades;
And that old language of the heart
We sought to speak: alas! poor shades!
Over our pallid lips had run
The waters of oblivion,
Which crown all loves of men or maids.
In vain we stammered: from afar
Our old desire shone cold and dead:
That time was distant as a star,
When eyes were bright and lips were red.
And still we went with downcast eye
And no delight in being nigh,
Poor shadows most uncomforted.
Ah, Lalage! while life is ours,
Hoard not thy beauty rose and white,
But pluck the pretty fleeing flowers
That deck our little path of light:
For all too soon we twain shall tread
The bitter pastures of the dead:
Estranged, sad spectres of the night.
Ernest Dowson poetry
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Henrik Ibsen
(1828-1906)
With a water-lily
See, dear, what thy lover brings;
‘Tis the flower with the white wings.
Buoyed upon the quiet stream
In the spring it lay adream.
Homelike to bestow this guest,
Lodge it, dear one, in thy breast;
There its leaves the secret keep
Of a wave both still and deep.
Child, beware the tarn-fed stream;
Danger, danger, there to dream!
Though the sprite pretends to sleep,
And above the lilies peep.
Child, thy bosom is the stream;
Danger, danger, there to dream!
Though above the lilies peep,
And the sprite pretends to sleep.
(Translation by Fydell Edmund Garrett and reprinted from the Westminster Gazette of May 6, 1903)
Henrik Ibsen poetry
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Stefan George
(1868-1933)
Traum Und Tod
Glanz und ruhm! so erwacht unsre welt
Heldengleich bannen wir berg und belt
Jung und gross schaut der geist ohne vogt
Auf die flur auf die flut die umwogt.
Da am weg bricht ein schein fliegt ein bild
Und der rausch mit der qual schüttelt wild.
Der gebot weint und sinnt beugt sich gern
»Du mir heil du mir ruhm du mir stern«
Dann der traum höchster stolz steigt empor
Er bezwingt kühn den Gott der ihn kor ..
Bis ein ruf weit hinab uns verstösst
Uns so klein vor dem tod so entblösst!
All dies stürmt reisst und schlägt blizt und brennt
Eh für uns spät am nacht-firmament
Sich vereint schimmernd still licht-kleinod:
Glanz und ruhm rausch und qual traum und tod.[91]
Stefan George Gedicht
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Ivo van Leeuwen: Zonder titel
Ivo van Leeuwen (Leiden 1969), tekenaar, schilder en performer, studeerde aan de kunstacademies van Den Bosch, Breda en Tilburg. Hij tekende stripverhalen voor verschillende tijdschriften en andere media, waaronder Zone 5300 en De bedenkelijk kijkende grondeekhoorn. Van Leeuwen, die al enige tijd in Tilburg woont en werkt, bedient zich van vele stijlen en werkvormen. Treffende voorbeelden zijn zijn illustraties in het boek Ontsnapt aan de vrijheid (2005), dat hij publiceerde met S. Lloyd Trumpstein, en zijn linosneden in het boek Voorbij de meet (2006), dat gedichten van Jace van de Ven over dramatische gebeurtenissen uit de Tour de France-historie begeleiden. 1986/1988 kunstakademie den Bosch. Schilderen. / 1993/1995 kunstakademie Breda. Grafische vormgeving. / 1996 kunstakademie Tilburg. Animatie.
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Robert Bridges
(1844 – 1930)
The Downs
O bold majestic downs, smooth, fair and lonely;
O still solitude, only matched in the skies:
Perilous in steep places,
Soft in the level races,
Where sweeping in phantom silence the cloudland flies;
With lovely undulation of fall and rise;
Entrenched with thickets thorned,
By delicate miniature dainty flowers adorned!
I climb your crown, and lo! a sight surprising
Of sea in front uprising, steep and wide:
And scattered ships ascending
To heaven, lost in the blending
Of distant blues, where water and sky divide,
Urging their engines against wind and tide,
And all so small and slow
They seem to be wearily pointing the way they would go.
The accumulated murmur of soft plashing,
Of waves on rocks dashing and searching the sands,
Takes my ear, in the veering
Baffled wind, as rearing
Upright at the cliff, to the gullies and rifts he stands;
And his conquering surges scour out over the lands;
While again at the foot of the downs
He masses his strength to recover the topmost crowns.
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