MAX JACOB: PLACE PIGALLE
Max Jacob
(1876 – 1944)
Place Pigalle
De meilleurs démons ont fait craquer les pierres. Les balcons sont égayés par l’écarlate : les fez. J’ai étendu mon manteau rouge au-dessus de vos têtes et vous vous êtes tus. Il y avait à une table en plein air, où des dames blanches disaient : « Il prend notre statuette l’une après l’autre et essaie de la briser, le dédaigneux ». Le sommelier du café, qui a de la sciure de bois dans ses rides, fait des commandes désordonnées au représentant de Bercy et le patron n’est pas très satisfait. Qu’importe ! On laisse sur le marbre des bouteilles de kummel dans les mains de vieux célibataires rancis : et ils versent à la ronde. Les chevelures de mes amis ont des mèches blondes et les plus pâles s’empourprent derrière le monocle ou les lunettes. Tout est de la couleur des aurores royales ou de celle du crépuscule souverain.
Rien n’a plus d’autre prix que celui d’une joie magique.
Max Jacob poetry
fleursdumal.nl magazine
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