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Paul Valéry
(1871-1945)
Anne
Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse
Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts
Mire ses bras lointains tournés avec molesse
Sur la peau sans couleur du ventre découvert.
Elle vide, elle enfle d’ombre sa gorge lente,
Et comme un souvenir pressant ses propres chairs,
Une bouche brisée et pleine d’eau brûlante
Roule le goût immense et le reflet des mers.
Enfin désemparée et libre d’être fraîche,
La dormeuse déserte aux touffes de couleur
Flotte sur son lit blême, et d’une lèvre sèche,
Tette dans la ténebre un souffle amer de fleur.
Et sur le linge où l’aube insensible se plisse,
Tombe, d’un bras de glace effleuré de carmin,
Toute une main défaite et perdant le délice
À travers ses doigts nus denoués de l’humain.
Au hasard! À jamais, dans le sommeil sans hommes
Pur des tristes éclairs de leurs embrassements,
Elle laisse rouler les grappes et les pommes
Puissantes, qui pendaient aux treilles d’ossements,
Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges,
Et dont le nombre d’or de riches mouvements
Invoquait la vigueur et les gestes étranges
Que pour tuer l’amour inventent les amants…
*
Sur toi, quand le regard de leurs âmes s’égare,
Leur coeur bouleversé change comme leurs voix,
Car les tendres apprêts de leur festin barbare
Hâtent les chiens ardents qui tremblent dans ces rois…
À peine effleurent-ils de doigts errants ta vie,
Tout leur sang les accable aussi lourd que la mer,
Et quelque violence aux abîmes ravie
Jette ces blancs nageurs sur tes roches de chair…
Récifs délicieux, Île toute prochaine,
Terre tendre, promise aux démons apaisés,
L’amour t’aborde, armé des regards de la haine,
Pour combattre dans l’ombre une hydre de baisers!
*
Ah, plus nue et qu’imprègne une prochaine aurore,
Si l’or triste interroge un tiède contour,
Rentre au plus pur de l’ombre où le Même s’ignore,
Et te fais un vain marbre ébauché par le jour!
Laisse au pâle rayon ta lèvre violée
Mordre dans un sourire un long germe de pleur,
Masque d’âme au sommeil à jamais immolée
Sur qui la paix soudaine a surpris la douleur!
Plus jamais redorant tes ombres satinées,
La vieille aux doigts de feu qui fendent les volets
Ne viendra t’arracher aux grasses matinées
Et rendre au doux soleil tes joyeux bracelets…
Mais suave, de l’arbre extérieur, la palme
Vaporeuse remue au delà du remords,
Et dans le feu, parmi trois feuilles, l’oiseau calme
Commence le chant seul qui réprime les morts.
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Paul Valéry
(1871-1945)
Poésie
Par la surprise saisie,
Une bouche qui buvait
Au sein de la Poésie
En sépare son duvet:
-Ô ma mère Intelligence,
De qui la douceur coulait
Quelle est cette négligence
Qui laisse tarir son lait?
À peine sur ta poitrine,
Accablé de blancs liens,
Me berçait l’onde marine
De ton coeur chargé de biens;
À peine, dans ton ciel sombre,
Abattu sur ta beauté,
Je sentais, à boire l’ombre,
M’envahir une clarté!
Dieu perdu dans son essence,
Et délicieusement
Docile à la connaissance
Du suprême apaisement,
Je touchais à la nuit pure,
Je ne savais plus mourir,
Car un fleuve sans coupure
Me semblait me parcourir…
Dis, par quelle crainte vaine,
Par quelle ombre de dépit,
Cette merveilleuse veine
À mes lèvres se rompit?
Ô rigueur, tu m’es un signe
Qu’à mon âme je déplus!
Le silence au vol de cygne
Entre nous ne règne plus!
Immortelle, ta paupière
Me refuse mes trésors,
Et la chair s’est faite pierre
Qui fut tendre sous mon corps!
Des cieux même tu me sèvres,
Par quel injuste retour?
Que seras-tu sans mes lèvres?
Que serai-je sans amour?
Mais la Source suspendue
Lui répond sans dureté:
-Si fort vous m’avez mordue
Que mon coeur s’est arrêté!
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Paul Valéry
(1871-1945)
Le cimetière marin
Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux!
Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir.
Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous une voile de flamme,
O mon silence! . . . Édifice dans l’âme,
Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit!
Temple du Temps, qu’un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m’accoutume,
Tout entouré de mon regard marin;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l’altitude un dédain souverain.
Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l’âme consumée
Le changement des rives en rumeur.
Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
Après tant d’orgueil, après tant d’étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m’abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir.
L’âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié!
Je te tends pure à ta place première,
Regarde-toi! . . . Mais rendre la lumière
Suppose d’ombre une morne moitié.
O pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d’un coeur, aux sources du poème,
Entre le vide et l’événement pur,
J’attends l’écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l’âme un creux toujours futur!
Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l’attire à cette terre osseuse?
Une étincelle y pense à mes absents.
Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!
Chienne splendide, écarte l’idolâtre!
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux!
Ici venu, l’avenir est paresse.
L’insecte net gratte la sécheresse;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air
A je ne sais quelle sévère essence . . .
La vie est vaste, étant ivre d’absence,
Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.
Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.
Tu n’as que moi pour contenir tes craintes!
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant! . . .
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.
Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L’argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs!
Où sont des morts les phrases familières,
L’art personnel, les âmes singulières?
La larve file où se formaient les pleurs.
Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu!
Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n’aura plus ces couleurs de mensonge
Qu’aux yeux de chair l’onde et l’or font ici?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse?
Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi!
Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse!
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel!
Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Êtes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N’est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, il ne me quitte pas!
Amour, peut-être, ou de moi-même haine?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir!
Qu’importe! Il voit, il veut, il songe, il touche!
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
À ce vivant je vis d’appartenir!
Zénon! Cruel Zénon! Zénon d’Êlée!
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas!
Le son m’enfante et la flèche me tue!
Ah! le soleil . . . Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas!
Non, non! . . . Debout! Dans l’ère successive!
Brisez, mon corps, cette forme pensive!
Buvez, mon sein, la naissance du vent!
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme . . . O puissance salée!
Courons à l’onde en rejaillir vivant.
Oui! grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l’étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil
Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!
Paul Valéry poetry
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Op 23 december 2015 overleed Georgine Marina Sanders (1921 – 2015), ook bekend als Tineke Vroman-Sanders, in haar woonplaats Fort Worth (Texas, USA). Ze werd 94 jaar.
Tineke Vroman-Sanders was medisch antropologe en schrijfster. Tot aan diens dood in 2014 was ze getrouwd met de bioloog en dichter Leo Vroman. Ze publiceerde zelf ook enkele boeken (ook enkele samen met Leo Vroman).
Tineke Vroman debuteerde als dichter onder haar meisjesnaam, Georgine Sanders, met de bundel Het onvoltooid bestaan (Querido 1990). Haar laatste publicatie is de dichtbundel Een huis om in te slapen (Querido 2007).
Enkele publicaties van Georgine Sanders:
De vorming van lumisterol en van overbestralingsproducten, 1967
Het onvoltooid bestaan, 1990
Autogeografie, 1995
Alles aan elkaar, 2002
Een huis om in te slapen, 2007
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Verlaine. Cellule 252
Turbulences poétiques
History of Paul Verlaine and Belgium
Verlaine’s time in prison in Mons marks a turning point in the artist’s work as well as in his moral life. In July 1873, at a hotel in Brussels, Verlaine shot Rimbaud twice with a revolver. After spending some time in prison in Brussels, he spent most of his sentence in Mons, where he wrote some of his most wonderful masterpieces.
On 25 October 1873, Verlaine arrived in Mons in his prison wagon. The poet was torn between his family and his passionate love for the young Rimbaud, and he had crossed the line. He shot his lover with a revolver, and spent the rest of his sentence in prison in Mons. In cell 252, Verlaine mulled things over. He thought about his life of debauchery and reflected. How had he arrived at this point? Why could he not draw a line under this destructive passion? In Mons, Verlaine did some soul-searching and turned to religion to heal his wounds. He fell in love with Jesus as he had become infatuated with Rimbaud just a few months earlier. He wanted to re-establish a healthier lifestyle and win back his wife’s trust. To transform intoxication into wisdom. Verlaine’s time in prison in Mons marked a turning point in the artist’s work as well as in his moral life.
In his cell, the writer got bored. He spent a lot of time writing. He was granted access to books, and he was not forced to work. In Mons, he wrote some of his most stirring work. He would go on to think of bringing his texts together into a collection called “Cellulairement” (literally, cellularly), but he gave up the idea and these poems were mainly divided between three anthologies: “Sagesse” (wisdom), “Jadis et naguère” (yesteryear and yesterday) and “Parallèlement” (in parallel). The experts are unanimous. From both a human and a literary point of view, his time in prison in Mons transformed Verlaine. He left Hainaut’s capital on 16 January 1875 after being granted an early release, and did not return until twenty years later to give a series of talks. His demons had resurfaced and he was a mere shadow of his former self.
Une coproduction de la Fondation Mons 2015, du Pôle muséal de la Ville de Mons et de la Bibliothèque royale de Belgique.
Until 24/01/2016
BAM – Rue Neuve, 8 – 7000 Mons – Belgium
# Website BAM Mons
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Nikola Vaptsarov
(1909-1942)
Love Song
Like a concrete ceiling above us
the murderous threat grinds down again.
Dismay and frigtening tumult hold us,
within our souls we murmured “War!”
I see tumult everywhere:
in every factory stack and flue,
I see it in the sunset
and in the sky so calm and blue.
When one’s encircled and shut in
as we are now on every side,
is it really such a sin
a little spot for love to hide?
Is it a sin – I wish you would say –
that even when the workshop
is rented by angry bullet spray
I’ve time to think, I love her still?
Yes, our little world of love
is very small, that is true,
that’s why with eyes fixed straight ahead
I sing so short a song for you.
ЛЮБОВНА
Като бетонен блок над нас
тежи барутната тревога.
Душите ни ръмжат: – Война!
В душите кръв, и смут и огън.
Аз виждам тоя смут дори
сега в фабричните комини,
на запад в залеза или
в небето тъй спокойно синьо.
И в тези дни, кажи ми ти,
когато ни притягат в обръч,
в сърцето, грях ли е, кажи,
че пазя още кът за обич?
Кажи ми грях ли е, че пак,
дори и в този шум фабричен,
процепен с зъл картечен грак,
си мисля: – Колко я обичам!…
Да, вярно, мъничкият свет
на нашата любов е тесен,
затуй със поглед, впит напред,
ти пиша толкоз малка песен.
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Renée Vivien
(1877-1909)
Sommeil
Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s’incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l’ombre de tes pas,
Ainsi qu’une nocturne et sombre violette.
Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
Évocateur d’espoirs et vainqueur de souffrances
Qui nous rends la beauté des êtres disparus.
Renée Vivien poetry
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Nikola Vaptsarov
(1909-1942)
Song
Over Pirin
howling winds
the forests sway.
We were seven
set out to fight
far away;
very soon
we lost sight
of Pirin
and its starry night.
In the bushes
with wild beasts we slept
and across the border
we crept.
On the grass
we seemed to see stains
of our fathers’ blood
washed by the rains.
And we seemed to hear
the green leaves say
where our mothers
in the ground lay.
We knew
when we saw earth cherry-red,
that our first love
lay there dead.
Seven of us
sent away to fight.
Only three of us
came back through the night.
Nikola Vaptsarov poetry
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Emile Verhaeren
(1855-1916)
La Pluie
Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris,
Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
Infiniment, la pluie,
La longue pluie,
La pluie.
Elle s’effile ainsi, depuis hier soir,
Des haillons mous qui pendent,
Au ciel maussade et noir.
Elle s’étire, patiente et lente,
Sur les chemins, depuis hier soir,
Sur les chemins et les venelles,
Continuelle.
Au long des lieues,
Qui vont des champs vers les banlieues,
Par les routes interminablement courbées,
Passent, peinant, suant, fumant,
En un profil d’enterrement,
Les attelages, bâches bombées ;
Dans les ornières régulières
Parallèles si longuement
Qu’elles semblent, la nuit, se joindre au firmament,
L’eau dégoutte, pendant des heures ;
Et les arbres pleurent et les demeures,
Mouillés qu’ils sont de longue pluie,
Tenacement, indéfinie.
Les rivières, à travers leurs digues pourries,
Se dégonflent sur les prairies,
Où flotte au loin du foin noyé ;
Le vent gifle aulnes et noyers ;
Sinistrement, dans l’eau jusqu’à mi-corps,
De grands bœufs noirs beuglent vers les cieux tors ;
Le soir approche, avec ses ombres,
Dont les plaines et les taillis s’encombrent,
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie
Fine et dense, comme la suie.
La longue pluie,
La pluie — et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques
Tissent le vêtement,
Maille à maille, de dénûment,
Pour les maisons et les enclos
Des villages gris et vieillots :
Linges et chapelets de loques
Qui s’effiloquent,
Au long de bâtons droits ;
Bleus colombiers collés au toit ;
Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,
Un emplâtre de papier bistre ;
Logis dont les gouttières régulières
Forment des croix sur des pignons de pierre ;
Moulins plantés uniformes et mornes,
Sur leur butte, comme des cornes
Clochers et chapelles voisines,
La pluie,
La longue pluie,
Pendant l’hiver, les assassine.
La pluie,
La longue pluie, avec ses longs fils gris.
Avec ses cheveux d’eau, avec ses rides,
La longue pluie
Des vieux pays,
Éternelle et torpide !
Les Villages illusoires, 1895
Emile Verhaeren poetry
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Renée Vivien
(1877-1909)
Je pleure sur toi…
À Madame L.D. M…
Le soir s’est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d’hier…
Je t’évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.
L’air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,
Et tes doigts sans vigueur ont fléchi sous les bagues.
N’as-tu point chevauché sur la crête des vagues,
Toi qui dors aujourd’hui dans l’ombre des coussins ?
L’orage et l’infini qui te charmaient naguère
N’étaient-ils point parfaits et ne valaient-ils pas
Le calme conjugal de l’âtre et du repas
Et la sécurité près de l’époux vulgaire ?
Tes yeux ont appris l’art du regard chaud et mol
Et la soumission des paupières baissées.
Je te vois, alanguie au fond des gynécées,
Les cils fardés, le cerné agrandi par le k’hol.
Tes paresses et tes attitudes meurtries
Ont enchanté le rêve épais et le loisir
De celui qui t’apprit le stupide plaisir,
Ô toi qui fus hier la soeur des Valkyries !
L’époux montre aujourd’hui tes yeux, si méprisants
Jadis, tes mains, ton col indifférent de cygne,
Comme on montre ses blés, son jardin et sa vigne
Aux admirations des amis complaisants.
Abdique ton royaume et sois la faible épouse
Sans volonté devant le vouloir de l’époux…
Livre ton corps fluide aux multiples remous,
Sois plus docile encore à son ardeur jalouse.
Garde ce piètre amour, qui ne sait décevoir
Ton esprit autrefois possédé par les rêves…
Mais ne reprends jamais l’âpre chemin des grèves,
Où les algues ont des rythmes lents d’encensoir.
N’écoute plus la voix de la mer, entendue
Comme un songe à travers le soir aux voiles d’or…
Car le soir et la mer te parleraient encor
De ta virginité glorieuse et perdue.
Renée Vivien poetry
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Onthulling beeld van Leo Vroman bij zijn 100e geboortedag: Op 10 april zou Leo Vroman 100 jaar zijn geworden. Dat mocht niet zo zijn, maar zoals hij zelf zei: ‘vier dat dan toch maar’. De Vroman Foundation en het initiatief VROMAN100 hebben met behulp van de gemeente Gouda een verrassend programma voor deze dag met als hoogtepunt de onthulling van het beeld van Leo Vroman. Dit beeld van de hand van Jeroen Henneman is geplaatst op de Chocoladefabriek aan het Klein Amerika te Gouda, en wordt vanmiddag onthuld.
De middag zal om 15.00 uur starten met de opening van de reizende voorstelling VROMAN 100 in de Bibliotheek Gouda. Deze is gevestigd in de Chocoladefabriek. Dankzij de erven van Vroman, zijn vrouw Tineke en zijn dochters – die de tentoonstelling zullen openen – is de Vroman Foundation in het bezit gekomen van tekeningen en andere, bijzondere objecten uit het leven van Vroman. De expositie zal nog tot en met 21 juni in Gouda te zien zijn, en reist daarna door het land.
Uitgeverij Querido zal ook op 10 april de laatste bundel van Leo Vroman presenteren. Deze bundel is het vervolg op Die Vleugels, de bundel die in 2013 werd uitgebracht. Die Vleugels II bevat de gedichten die Vroman schreef tussen zomer 2012 en een paar weken voor zijn dood op 22 februari 2014. Hij liet drie mappen met poëzie achter. De bundel telt 160 pagina’s.
’s Avonds zal het festival de ‘Nacht van Vroman’ plaatsvinden, wederom in de Chocoladefabriek. Dit festival is een mix van poëzie, dans, muziek, beeldende kunst en wetenschap. Onder andere Mirjam van Hengel (auteur Hoe mooi alles), Léon van der Sanden (regisseur Hoe mooi alles), Frans van Deursen (zanger gedichten Vroman ‘De vogel in mijn borst’) zullen optredens verzorgen.
Na 10 april zullen de feestelijkheden nog een aantal maanden doorgaan. Er worden in Gouda verscheidene workshops en lezingen georganiseerd. Voor alle leeftijden staat er iets op het programma. Volgend theaterseizoen zal de bewerking van Hoe mooi alles, naar het boek van Mirjam van Hengel, door Léon van der Sanden te zien zijn in de Nederlandse theaters. De rollen van Leo en Tineke zullen worden vertolkt door Kees Hulst en Esther Scheldwacht.
# Meer informatie op website Leo Vroman
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Emile Verhaeren
(1855-1916)
Chanson de fou
Brisez-leur pattes et vertèbres,
Chassez les rats, les rats.
Et puis versez du froment noir,
Le soir,
Dans les ténèbres.
Jadis, lorsque mon cœur cassa,
Une femme le ramassa
Pour le donner aux rats.
— Brisez-leur pattes et vertèbres.
Souvent je les ai vus dans l’âtre,
Taches d’encre parmi le plâtre,
Qui grignotaient ma mort.
— Brisez-leur pattes et vertèbres.
L’un d’eux, je l’ai senti
Grimper sur moi la nuit,
Et mordre encor le fond du trou
Que fit, dans ma poitrine,
L’arrachement de mon cœur fou.
— Brisez-leur pattes et vertèbres.
Ma tête à moi les vents y passent,
Les vents qui passent sous la porte,
Et les rats noirs de haut en bas
Peuplent ma tête morte.
— Brisez-leur pattes et vertèbres.
Car personne ne sait plus rien.
Et qu’importent le mal, le bien,
Les rats, les rats sont là, par tas,
Dites, verserez-vous, ce soir,
Le froment noir,
À pleines mains, dans les ténèbres ?
Les Campagnes hallucinées, 1893
Emile Verhaeren poetry
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