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Il fait froid
L’hiver blanchit le dur chemin
Tes jours aux méchants sont en proie.
La bise mord ta douce main ;
La haine souffle sur ta joie.
La neige emplit le noir sillon.
La lumière est diminuée…
Ferme ta porte à l’aquilon !
Ferme ta vitre à la nuée !
Et puis laisse ton coeur ouvert !
Le coeur, c’est la sainte fenêtre.
Le soleil de brume est couvert ;
Mais Dieu va rayonner peut-être !
Doute du bonheur, fruit mortel ;
Doute de l’homme plein d’envie ;
Doute du prêtre et de l’autel ;
Mais crois à l’amour, ô ma vie !
Crois à l’amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles !
A l’amour, tison du foyer !
A l’amour, rayon des étoiles !
Aime, et ne désespère pas.
Dans ton âme, où parfois je passe,
Où mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose à sa place.
La fidélité sans ennui,
La paix des vertus élevées,
Et l’indulgence pour autrui,
Eponge des fautes lavées.
Dans ta pensée où tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s’éclaire de ce qui brûle.
A ces démons d’inimitié
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse leur en pitié
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.
La haine, c’est l’hiver du coeur.
Plains-les ! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur ;
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage !
Garde ton amour éternel.
L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ?
Dieu ne retire rien du ciel ;
Ne retire rien de ton âme !
Victor Hugo
(1802-1885)
Il fait froid
(Poème)
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In Zebra, a boy steps tentatively from the shadows onto a strobe-lit dancefloor.
Ian Humphreys’ much-anticipated debut shimmers with music, wit and humour while exploring mixed identities, otherness, and coming-of-age as a gay man in 1980s Manchester.
These acutely-observed, joyful poems pay homage to those who took the first steps – minority writers, LGBT civil rights activists, 70s queer night-clubbers and the poet’s own mixed-race parents.
A heady cocktail of the playful, political and mythical, Humphreys’ Zebra is also a creature of opposites – light and dark, countryside and cityscape, highs and lows. The collection moves from semi-rural England to the metropolitan hubs of Hong Kong, London and New York, circling its subjects, often finding the uncanny in the familiar, always drawing the reader centre-stage.
Ian’s debut full-length collection of poetry, Zebra, is forthcoming from Nine Arches Press in Spring, 2019. A portfolio of his poems was published in 2017 by Bloodaxe in Ten: Poets of the New Generation. His work has featured in magazines and anthologies, such as The Poetry Review, The Rialto, Ambit, Magma and The Forward Book of Poetry.
Ian Humphreys has won a number of awards, including first prize in both the 2016 Hamish Canham Prize and the 2013 PENfro Open Poetry Competition. In 2018, he was Highly Commended in the Forward Prizes for Poetry. Ian has also been published internationally in overseas journals and anthologies. His fiction has been shortlisted three times for the Bridport Prize.
Ian Humphreys has had work featured in journals and anthologies such as The Poetry Review, The Rialto, Magma and The Forward Book of Poetry 2019. Awards include first prize in the Poetry Society’s Hamish Canham Prize. He has been highly commended in the Forward Prizes for Poetry, and two of his poems have been longlisted in the National Poetry Competition. Ian is a fellow of The Complete Works, which promotes diversity, quality and innovation in British poetry. A portfolio of his poems is published in Ten: Poets of the New Generation (Bloodaxe).
Zebra
Ian Humphreys
Poetry
Format Paperback
80 pages
Dimensions 150 x 210 x 22mm
Publication date 11 Apr 2019
Publisher Nine Arches Press
Publication City/Country Rugby, United Kingdom
Language English
ISBN10 1911027700
ISBN13 9781911027706
Cover artwork: Louise Crosby
BIC Code: DCF
€15,99
# new poetry
Ian Humphreys
Zebra
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In the sequence of poems comprising Annie Guthrie’s first book, the quest for the meaning of human consciousness and its tangled subjectivity is drawn as a slow-building narrative of the mystic experience.
The journey enacted is that of the self as character, who encounters insurmountable mysteries in a breaking selfhood.
A dossier of contemplative exploration, THE GOOD DARK chronicles an immersive search in three acts: Unwitting, Chorus, and Body: stations through which the character must pass, and where she is accumulatively confessed, compounded and erased.
the gossip
I don’t always want what we have, she is saying.
Outside, dark clouds, fish hopping, tilling waves
back from shore. He is silent.
Sometimes more is happening, he says, finally.
The sun’s coming up, she says. Look how the light is kept.
I’d like to keep it up, he says.
Don’t make apart when otherwise the same, he says.
She is silent, tilling shore back from shore.
Don’t give darkness a face, he says, darkening.
Annie Guthrie is a writer and jeweler living in Tucson. She has a metalsmithing studio at Splinter Brothers Warehouse and can be found through her website, www.annieguthrie.net. She teaches at the University of Arizona Poetry Center and also mentors select students wishing to apprentice in poetry or to further their art projects through her courses in “Oracular Writing.”
The Good Dark
by Annie Guthrie
Paperback: 68 pages
Publisher: Tupelo Press, Inc.
2015
Language: English
ISBN-10: 1936797593
ISBN-13: 978-1936797592
Categories: Poetry
$16.95
# more poetry
The Good Dark
by Annie Guthrie
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‘Mijn overtuigingen zijn beperkt, maar wel intens. Ik geloof in de mogelijkheden van het speciale koninkrijk. Ik geloof in de liefde,’ schreef Michel Houellebecq eens.
De depressieve verteller van Serotonine zou het daar zonder voorbehoud mee eens zijn.
Zijn verhaal vindt plaats in een Frankrijk dat zijn tradities aan het verkwanselen is, zijn steden ontdoet van hun charme en zijn platteland verwoest tot de volksopstand erop volgt.
Hij vertelt over zijn leven als landbouwingenieur, zijn vriendschap met een boer van adel (een onvergetelijk personage – zijn dubbelganger in spiegelbeeld), over het falen van hun jeugdige idealen, de misschien wel dwaze hoop een verloren vrouw terug te vinden.
Deze roman over de puinhopen van een wereld zonder goedheid, zonder solidariteit, met onbeheersbaar geworden veranderingen, is ook een roman over wroeging en spijt. ‘Niemand in het Westen zal nog gelukkig zijn.’
Michel Houellebecq (1958) is Frankrijks onbetwiste sterschrijver van dit moment. Hij publiceerde essays en poëzie voordat hij zich in 1994 met de roman De wereld als markt en strijd, die bekroond werd met diverse prijzen, opwierp als belofte van de Franse letteren. Die status bevestigde hij met Elementaire deeltjes (Prix Novembre en Impact Dublin Literary Award), dat hem terecht de faam van groot schrijver bezorgde, en Platform. In 2011 en 2015 verschenen zijn grote romans De kaart en het gebied en Onderworpen. Zijn veelvuldig bekroonde en wereldwijd vertaalde werk is in het Nederlands vertaald door Martin de Haan. Sinds 1998 leeft Michel Houellebecq in zelfverkozen ballingschap in Ierland.
Serotonine
Literaire fictie
Auteur: Michel Houellebecq
Vertaler: Martin de Haan
Uitgeverij: De Arbeiderspers
NUR: 302
ISBN: 9789029529020
Hardcover
Taal: Nederlands
Bladzijden: 352 pp.
Prijs: € 22,50
Publicatiedatum: 21-03-2019
# New fiction
Michel Houellebecq
Serotonine
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Guerre civile
La foule était tragique et terrible ; on criait :
À mort ! Autour d’un homme altier, point inquiet,
Grave, et qui paraissait lui-même inexorable,
Le peuple se pressait : À mort le misérable !
Et lui, semblait trouver toute simple la mort.
La partie est perdue, on n’est pas le plus fort,
On meurt, soit. Au milieu de la foule accourue,
Les vainqueurs le traînaient de chez lui dans la rue.
— À mort l’homme ! — On l’avait saisi dans son logis ;
Ses vêtements étaient de carnage rougis ;
Cet homme était de ceux qui font l’aveugle guerre
Des rois contre le peuple, et ne distinguent guère
Scévola de Brutus, ni Barbès de Blanqui ;
Il avait tout le jour tué n’importe qui ;
Incapable de craindre, incapable d’absoudre,
Il marchait, laissant voir ses mains noires de poudre ;
Une femme le prit au collet : « À genoux !
C’est un sergent de ville. Il a tiré sur nous !
— C’est vrai, dit l’homme. — À bas ! à mort ! qu’on le fusille !
Dit le peuple. — Ici ! Non ! Plus loin ! À la Bastille !
À l’arsenal ! Allons ! Viens ! Marche ! — Où vous voudrez »,
Dit le prisonnier. Tous, hagards, les rangs serrés,
Chargèrent leurs fusils. « Mort au sergent de ville !
Tuons-le comme un loup ! — Et l’homme dit, tranquille :
— C’est bien, je suis le loup, mais vous êtes les chiens.
— Il nous insulte ! À mort ! » Les pâles citoyens
Croisaient leurs poings crispés sur le captif farouche ;
L’ombre était sur son front et le fiel dans sa bouche ;
Cent voix criaient : « À mort ! À bas ! Plus d’empereur ! »
On voyait dans ses yeux un reste de fureur
Remuer vaguement comme une hydre échouée ;
Il marchait poursuivi par l’énorme huée,
Et, calme, il enjambait, plein d’un superbe ennui,
Des cadavres gisants, peut-être faits par lui.
Le peuple est effrayant lorsqu’il devient tempête ;
L’homme sous plus d’affronts levait plus haut la tête ;
Il était plus que pris, il était envahi.
Dieu ! comme il haïssait ! comme il était haï !
Comme il les eût, vainqueur, fusillés tous ! « Qu’il meure !
Il nous criblait encor de balles tout à l’heure !
À bas cet espion, ce traître, ce maudit !
À mort ! c’est un brigand ! » Soudain on entendit
Une petite voix qui disait : « C’est mon père ! »
Et quelque chose fit l’effet d’une lumière.
Un enfant apparut. Un enfant de six ans.
Ses deux bras se dressaient suppliants, menaçants.
Tous criaient : « Fusillez le mouchard ! Qu’on l’assomme ! »
Et l’enfant se jeta dans les jambes de l’homme,
Et dit, ayant au front le rayon baptismal :
« Père, je ne veux pas qu’on te fasse de mal ! »
Et cet enfant sortait de la même demeure.
Les clameurs grossissaient : « À bas l’homme ! Qu’il meure !
À bas ! finissons-en avec cet assassin !
Mort ! » Au loin le canon répondait au tocsin.
Toute la rue était pleine d’hommes sinistres.
À bas les rois ! À bas les prêtres, les ministres,
Les mouchards ! Tuons tout ! c’est un tas de bandits ! »
Et l’enfant leur cria : « Mais puisque je vous dis
Que c’est mon père ! — Il est joli, dit une femme,
Bel enfant ! » On voyait dans ses yeux bleus une âme ;
Il était tout en pleurs, pâle, point mal vêtu.
Une autre femme dit : « Petit, quel âge as-tu ?
Et l’enfant répondit : — Ne tuez pas mon père ! »
Quelques regards pensifs étaient fixés à terre,
Les poings ne tenaient plus l’homme si durement.
Un de plus furieux, entre tous inclément,
Dit à l’enfant : « Va-t’en ! — Où ? — Chez toi. — Pourquoi faire ?
— Chez ta mère. — Sa mère est morte, dit le père.
— Il n’a donc plus que vous ? — Qu’est-ce que cela fait ? »
Dit le vaincu. Stoïque et calme, il réchauffait
Les deux petites mains dans sa rude poitrine,
Et disait à l’enfant : « Tu sais bien, Catherine ?
— Notre voisine ? — Oui. Va chez elle. — Avec toi ?
— J’irai plus tard. — Sans toi je ne veux pas. — Pourquoi ?
— Parce qu’on te ferait du mal. » Alors le père
Parla tout bas au chef de cette sombre guerre :
« Lâchez-moi le collet. Prenez-moi par la main,
Doucement. Je vais dire à l’enfant : À demain !
Vous me fusillerez au détour de la rue,
Ailleurs, où vous voudrez. — Et, d’une voix bourrue :
— Soit, dit le chef, lâchant le captif à moitié.
Le père dit : — Tu vois. C’est de bonne amitié.
Je me promène avec ces messieurs. Sois bien sage,
Rentre. » Et l’enfant tendit au père son visage,
Et s’en alla content, rassuré, sans effroi.
« Nous sommes à notre aise à présent, tuez-moi,
Dit le père aux vainqueurs ; où voulez-vous que j’aille ? »
Alors, dans cette foule où grondait la bataille,
On entendit passer un immense frisson,
Et le peuple cria : « Rentre dans ta maison ! »
Victor Hugo
(1802-1885)
Guerre civile
(Poème)
La Légende des siècles, 1877
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Les innocents
Mais les enfants sont là. Le murmure qui sort
De ces âmes en fleur est-il compris du sort ?
L’enfant va devant lui gaîment ; mais la prière,
Quand il rit, parle-t-elle à quelqu’un en arrière ?
Le frais chuchotement du doux être enfantin
Attendrit-il l’oreille obscure du destin ?
Oh ! que d’ombre ! Tous deux chantent, fragiles têtes
Où flotte la lueur d’on ne sait quelles fêtes,
Et que dore un reflet d’un paradis lointain !
Les enfants ont des coeurs faits comme le matin
Ils ont une innocence étonnée et joyeuse ;
Et pas plus que l’oiseau gazouillant sous l’yeuse,
Pas plus que l’astre éclos sur les noirs horizons,
Ils ne sont inquiets de ce que nous faisons,
Ayant pour toute affaire et pour toute aventure
L’épanouissement de la grande nature ;
Ils ne demandent rien à Dieu que son soleil ;
Ils sont contents pourvu qu’un beau rayon vermeil
Chauffe les petits doigts de leur main diaphane
Et que le ciel soit bleu, cela suffit à Jeanne.
Victor Hugo
(1802-1885)
Les innocents
(Poème)
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Les fusillés
… Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.
Ô blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr !
Ô peuple !
On les amène au pied de l’affreux mur.
C’est bien. Ils ont été battus du vent contraire.
L’homme dit au soldat qui l’ajuste : Adieu, frère.
La femme dit : – Mon homme est tué. C’est assez.
Je ne sais s’il eut tort ou raison, mais je sais
Que nous avons traîné le malheur côte à côte ;
Il fut mon compagnon de chaîne ; si l’on m’ôte
Cet homme, je n’ai plus besoin de vivre. Ainsi
Puisqu’il est mort, il faut que je meure. Merci. –
Et dans les carrefours les cadavres s’entassent.
Dans un noir peloton vingt jeunes filles passent ;
Elles chantent ; leur grâce et leur calme innocent
Inquiètent la foule effarée ; un passant
Tremble. – Où donc allez-vous ? dit-il à la plus belle.
Parlez. – Je crois qu’on va nous fusiller, dit-elle.
Un bruit lugubre emplit la caserne Lobau ;
C’est le tonnerre ouvrant et fermant le tombeau.
Là des tas d’hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ;
Il semble que leur mort à peine les effleure,
Qu’ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet,
Triste, et que cette mise en liberté leur plaît.
Nul ne bronche. On adosse à la même muraille
Le petit-fils avec l’aïeul, et l’aïeul raille,
Et l’enfant blond et frais s’écrie en riant : Feu ! […]
Victor Hugo
(1802-1885)
Les fusillés
(Poème)
L’année terrible
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Claire
Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
O mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu’elle revienne,
Cette pierre là-bas dans l’herbe est un tombeau !
La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t’envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l’ombre elles s’appellent,
Qu’elles s’en vont ainsi l’une après l’autre, hélas ?
Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse,
Que ta mère jadis berçait de sa chanson,
Qui d’abord la charmas avec ta petitesse
Et plus tard lui remplis de clarté l’horizon,
Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise !
Voilà que tu n’es plus, ayant à peine été !
L’astre attire le lys, et te voilà reprise,
O vierge, par l’azur, cette virginité !
Te voilà remontée au firmament sublime,
Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois,
Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l’abîme
Des rayons, des amours, des parfums et des voix !
Nous ne t’entendrons plus rire en notre nuit noire.
Nous voyons seulement, comme pour nous bénir,
Errer dans notre ciel et dans notre mémoire
Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir !
Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ?
Marchant sur notre monde à pas silencieux,
De tous les idéals tu composais ton âme,
Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux !
En te voyant si calme et toute lumineuse,
Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien.
Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse ,
Et, comme Ruth l’épi, tu ramassais le bien.
La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce,
L’aurore sa candeur, et les champs leur bonté ;
Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !
Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose
Que la forme qui sort des cieux éblouissants ;
Et de tous les rosiers elle semblait la rose,
Et de tous les amours elle semblait l’encens.
Ceux qui n’ont pas connu cette charmante fille
Ne peuvent pas savoir ce qu’était ce regard
Transparent comme l’eau qui s’égaie et qui brille
Quand l’étoile surgit sur l’océan hagard.
Elle était simple, franche, humble, naïve et bonne ;
Chantant à demi-voix son chant d’illusion,
Ayant je ne sais quoi dans toute sa personne
De vague et de lointain comme la vision.
On sentait qu’elle avait peu de temps sur la terre,
Qu’elle n’apparaissait que pour s’évanouir,
Et qu’elle acceptait peu sa vie involontaire ;
Et la tombe semblait par moments l’éblouir.
Elle a passé dans l’ombre où l’homme se résigne ;
Le vent sombre soufflait ; elle a passé sans bruit,
Belle, candide, ainsi qu’une plume de cygne
Qui reste blanche, même en traversant la nuit !
Elle s’en est allée à l’aube qui se lève,
Lueur dans le matin, vertu dans le ciel bleu,
Bouche qui n’a connu que le baiser du rêve,
Ame qui n’a dormi que dans le lit de Dieu !
Nous voici maintenant en proie aux deuils sans bornes,
Mère, à genoux tous deux sur des cercueils sacrés,
Regardant à jamais dans les ténèbres mornes
La disparition des êtres adorés !
Croire qu’ils resteraient ! quel songe ! Dieu les presse.
Même quand leurs bras blancs sont autour de nos cous,
Un vent du ciel profond fait frissonner sans cesse
Ces fantômes charmants que nous croyons à nous.
Ils sont là, près de nous, jouant sur notre route ;
Ils ne dédaignent pas notre soleil obscur,
Et derrière eux, et sans que leur candeur s’en doute,
Leurs ailes font parfois de l’ombre sur le mur.
Ils viennent sous nos toits ; avec nous ils demeurent ;
Nous leur disons : Ma fille, ou : Mon fils ; ils sont doux,
Riants, joyeux, nous font une caresse, et meurent. –
O mère, ce sont là les anges, voyez-vous !
C’est une volonté du sort, pour nous sévère,
Qu’ils rentrent vite au ciel resté pour eux ouvert ;
Et qu’avant d’avoir mis leur lèvre à notre verre,
Avant d’avoir rien fait et d’avoir rien souffert,
Ils partent radieux ; et qu’ignorant l’envie,
L’erreur, l’orgueil, le mal, la haine, la douleur,
Tous ces êtres bénis s’envolent de la vie
A l’âge où la prunelle innocente est en fleur !
Nous qui sommes démons ou qui sommes apôtres,
Nous devons travailler, attendre, préparer ;
Pensifs, nous expions pour nous-même ou pour d’autres ;
Notre chair doit saigner, nos yeux doivent pleurer.
Eux, ils sont l’air qui fuit, l’oiseau qui ne se pose
Qu’un instant, le soupir qui vole, avril vermeil
Qui brille et passe ; ils sont le parfum de la rose
Qui va rejoindre aux cieux le rayon du soleil !
Ils ont ce grand dégoût mystérieux de l’âme
Pour notre chair coupable et pour notre destin ;
Ils ont, êtres rêveurs qu’un autre azur réclame,
Je ne sais quelle soif de mourir le matin !
Ils sont l’étoile d’or se couchant dans l’aurore,
Mourant pour nous, naissant pour l’autre firmament ;
Car la mort, quand un astre en son sein vient éclore,
Continue, au delà, l’épanouissement !
Oui, mère, ce sont là les élus du mystère,
Les envoyés divins, les ailés, les vainqueurs,
A qui Dieu n’a permis que d’effleurer la terre
Pour faire un peu de joie à quelques pauvres coeurs.
Comme l’ange à Jacob, comme Jésus à Pierre,
Ils viennent jusqu’à nous qui loin d’eux étouffons,
Beaux, purs, et chacun d’eux portant sous sa paupière
La sereine clarté des paradis profonds.
Puis, quand ils ont, pieux, baisé toutes nos plaies,
Pansé notre douleur, azuré nos raisons,
Et fait luire un moment l’aube à travers nos claies,
Et chanté la chanson du ciel dam nos maisons,
Ils retournent là-haut parler à Dieu des hommes,
Et, pour lui faire voir quel est notre chemin,
Tout ce que nous souffrons et tout ce que nous sommes,
S’en vont avec un peu de terre dans la main.
Ils s’en vont ; c’est tantôt l’éclair qui les emporte,
Tantôt un mal plus fort que nos soins superflus.
Alors, nous, pâles, froids, l’oeil fixé sur la porte,
Nous ne savons plus rien, sinon qu’ils ne sont plus.
Nous disons : – A quoi bon l’âtre sans étincelles ?
A quoi bon la maison où ne sont plus leurs pas ?
A quoi bon la ramée où ne sont plus les ailes ?
Qui donc attendons-nous s’ils ne reviendront pas ? –
Ils sont partis, pareils au bruit qui sort des lyres.
Et nous restons là, seuls, près du gouffre où tout fuit,
Tristes ; et la lueur de leurs charmants sourires
Parfois nous apparaît vaguement dans la nuit.
Car ils sont revenus, et c’est là le mystère ;
Nous entendons quelqu’un flotter, un souffle errer,
Des robes effleurer notre seuil solitaire,
Et cela fait alors que nous pouvons pleurer.
Nous sentons frissonner leurs cheveux dans notre ombre ;
Nous sentons, lorsqu’ayant la lassitude en nous,
Nous nous levons après quelque prière sombre,
Leurs blanches mains toucher doucement nos genoux.
Ils nous disent tout bas de leur voix la plus tendre :
« Mon père, encore un peu ! ma mère, encore un jour !
« M’entends-tu ? je suis là, je reste pour t’attendre
« Sur l’échelon d’en bas de l’échelle d’amour.
« Je t’attends pour pouvoir nous en aller ensemble.
« Cette vie est amère, et tu vas en sortir.
« Pauvre coeur, ne crains rien, Dieu vit ! la mort rassemble.
« Tu redeviendras ange ayant été martyr. »
Oh ! quand donc viendrez-vous ? Vous retrouver, c’est naître.
Quand verrons-nous, ainsi qu’un idéal flambeau,
La douce étoile mort, rayonnante, apparaître
A ce noir horizon qu’on nomme le tombeau ?
Quand nous en irons-nous où vous êtes, colombes !
Où sont les enfants morts et les printemps enfuis,
Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes,
Et toutes les clartés dont nous sommes les nuits ?
Vers ce grand ciel clément où sont tous les dictames,
Les aimés, les absents, les êtres purs et doux,
Les baisers des esprits et les regards des âmes,
Quand nous en irons-nous ? quand nous en irons-nous ?
Quand nous en irons-nous où sont l’aube et la foudre ?
Quand verrons-nous, déjà libres, hommes encor,
Notre chair ténébreuse en rayons se dissoudre,
Et nos pieds faits de nuit éclore en ailes d’or ?
Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie
Où les hymnes vivants sont des anges voilés,
Où l’on voit, à travers l’azur de l’harmonie,
La strophe bleue errer sur les luths étoilés ?
Quand viendrez-vous chercher notre humble coeur qui sombre ?
Quand nous reprendrez-vous à ce monde charnel,
Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l’ombre,
Sous l’éblouissement du regard éternel ?
Victor Hugo
(1802-1885)
Claire
(Poème)
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«Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour» écrivait récemment Michel Houellebecq.
Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d’ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman – son double inversé), l’échec des idéaux de leur jeunesse, l’espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue.
Ce roman sur les ravages d’un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret.
Michel Houellebecq
Sérotonine
Littérature française
Flammarion
À paraître le 04/01/2019
352 pages
139 x 210 mm
Broché
EAN : 9782081471757
ISBN : 9782081471757
€ 22,00
# Nouveau roman
Michel Houellebecq
Sérotonine
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Deathwatch, Jean Genet‘s earliest, shortest and most formally straightforward play, was first performed in Paris in 1949.
It retains an intense power and makes an excellent introduction to his later dramas – The Maids, The Balcony, The Blacks, The Screens. The French text of Deathwatch, published by Gallimard, was extensively altered by Genet during rehearsal; and Bernard Frechtman’s translation is of the final ‘performance’ version, which supersedes the original published text.Three convicts share a cramped prison cell.
There is no question as to which of them is the dominant dog in the pack: Green Eyes (Yeux-Verts) has brutally murdered a woman and is to be executed.
Lefranc and the younger novice-like Maurice are inside for less grave crimes. But both of them covet Green Eyes’ attention, baiting each other in the process, a duel that drives inexorably toward violence
Three young convicts share a cell. Locked into a world of dangerous rivalries, criminals Lefranc and Maurice compete for the attention of the charismatic condemned man, Green-Eyes.
Informed by his own experience in French prisons, Jean Genet’s first play, Deathwatch is an explosive exploration of the inversion of moral order.
Genet was one of the most prominent and provocative writers of the twentieth century.
Jean Genet’s Deathwatch premiered in this translation by David Rudkin with the Royal Shakespeare Company in 1987 and was revived at the Print Room, London, in April 2016.
Jean Genet was born in Paris in 1910. An illegitimate child who never knew his parents, he was abandoned to the Public Assistance Authorities. He was ten when he was sent to a reformatory for stealing; thereafter he spent time in the prisons of nearly every country he visited in thirty years of prowling through the European underworld. With ten convictions for theft in France to his credit he was, the eleventh time, condemned to life imprisonment. Eventually he was granted a pardon by President Auriol as a result of appeals from France’s leading artists and writers led by Jean Cocteau. His first novel, Our Lady of the Flowers, was written while he was in prison, followed by Miracle of the Rose, the autobiographical The Thief’s Journal, Querelle of Brest and Funeral Rites. He wrote six plays: The Balcony, The Blacks, The Screens, The Maids, Deathwatch and Splendid’s (the manuscript of which was rediscovered only in 1993). Jean Genet died in 1986.
Deathwatch
by Jean Genet
English
Translated by David Rudkin
Play
Faber & Faber
Paperback
64 pages
2016
ISBN 9780571332618
£9.99
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Deathwatch by Jean Genet
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Die Vielfalt von Rainer Maria Rilkes (1875 bis 1926) Lebensstationen spiegelt sich im Werk des “letzten Dichters” wider.
In dieser kompakten Darstellung folgt Rüdiger Görner Rilkes Spuren, verwehrt sich aber den gängigen Einordnungen und Periodisierungen. Es geht ihm vielmehr um den Prozess des Schaffens und um die Geschlossenheit des Werkes.
Görner zeigt Rilke in seiner Zeit und analysiert die wichtigsten Einflüsse. Auf behutsame Weise werden Leben und Werk miteinander verwoben, und Görner veranschaulicht die Wirkung der Musik, der bildenden Kunst und der Politik.
Rüdiger Görner, geboren 1957 in Rottweil, ist Professor für Neuere Deutsche und vergleichende Literatur an der Queen Mary University of London. Gründer des Ingeborg Bachmann Centre for Austrian Literature und Gründungsdirektor des Centre for Anglo-German Cultural Relations. Träger des Deutschen Sprachpreises, des Reimar Lüstpreises der Alexander von Humboldt-Stiftung und des Verdienstordens der Bundesrepublik Deutschland. Bei Zsolnay erschienen Rainer Maria Rilke. Im Herzwerk der Sprache (2004), Georg Trakl. Dichter im Jahrzehnt der Extreme (2014) und Oskar Kokoschka. Jahrhundertkünstler (2018).
Rüdiger Görner
Rainer Maria Rilke.
Im Herzwerk der Sprache
Buch – Fester Einband
344 Seiten
Deutscher Sprache
Zsolnay / Deuticke
Carl Hanser Verlag, München
ISBN 978-3-552-05302-1
2004
€24,90
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Rainer Maria Rilke
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A series of disruptive, unnerving sounds haunts the fictional writings of Franz Kafka.
These include the painful squeak in Gregor Samsa’s voice, the indeterminate whistling of Josefine the singer, the relentless noise in “The Burrow,” and telephonic disturbances in The Castle.
In Kafka and Noise, Kata Gellen applies concepts and vocabulary from film theory to Kafka’s works in order to account for these unsettling sounds. Rather than try to decode these noises, Gellen explores the complex role they play in Kafka’s larger project.
Kafka and Noise offers a method for pursuing intermedial research in the humanities—namely, via the productive “misapplication” of theoretical tools, which exposes the contours, conditions, and expressive possibilities of the media in question. This book will be of interest to scholars of modernism, literature, cinema, and sound, as well as to anyone wishing to explore how artistic and technological media shape our experience of the world and the possibilities for representing it.
Kata Gellen is an assistant professor in the Department of Germanic Languages and Literature at Duke University.
Kata Gellen (Author)
Kafka and Noise.
The Discovery of Cinematic Sound in Literary Modernism
272 pages
Northwestern University Press
Literary Criticism
Cloth Text – $99.95
ISBN 978-0-8101-3894-0
Paper Text – $34.95
ISBN 978-0-8101-3893-3
Publication Date: January 2019
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The Discovery of Cinematic Sound in Literary Modernism
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