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Jean Jaurès
(1859 – 1914)
La Couleur Fille De La Lumière
Pourquoi la couleur ne serait-elle pas un produit de notre sphère? Pourquoi ne supposerait-elle pas des conditions qui ne soient pas réalisées dans l’indifférence de l’espace infini? Elle ne se manifeste aux sens qu’à la rencontre de la lumière et de ce qui est essentiellement contraire à la lumière, les corps résistants. Pourquoi donc supposer qu’elle est déjà contenue dans la lumière? On a la ressource de dire qu’elle s’y cache et qu’elle attend, pour se montrer, que la libre expansion de la clarté rencontre un obstacle. Mais il est permis de penser aussi que ce qui se cache si bien n’existe pas encore ; la couleur est fille de la lumière et de notre monde corporel et lourd. Pourquoi en appesantir la lumière elle-même dans son expansion une et simple à travers l’infini? Quel sens auraient le vert et le rouge dans les espaces indifférents? Ici ils résultent de la vie et ils l’expriment dans son rapport avec la lumière; hors de la sphère vivante, ils n’ont pas de sens . . .
Par les couleurs, la lumière fait amitié avec notre monde: la couleur est le gage d’union; la matière pesante peut enrichir l’impondérable en manifestant d’une manière éclatante ce qui se dérobait en lui; l’obscurité, en faisant sortir les couleurs de la lumière, lui vaut, dans notre sphère, un joyeux triomphe; et la lumière en même temps, en s’unissant à la matière pesante dans la couleur, l’allège et l’idéalise: rien ne demeure stérile; tout fait œuvre de beauté. Les molécules dispersées dans l’air nous donnent les splendeurs du couchant; l’obscurité infinie des espaces vides, se répandant dans la clarté du jour, l’adoucit en une charmante teinte bleue; le mystère même de la nuit et la brutalité de la lumière, saisis au travers l’un de l’autre et l’un dans l’autre, conspirent à une merveilleuse douceur: le jour manifeste la nuit; car, plus la lumière est abondante et pure, plus le ciel est profond, et plus le regard devine l’immensité des espaces qui sont au delà; et le soir, quand le voile de clarté tombe pour laisser voir la nuit à découvert, on la trouverait bien vulgaire et bien triste, si elle ne s’emplissait lentement d’un autre mystère.
Devenue expressive dans la couleur, la lumière s’est rapprochée du son: elle peut concourir avec lui à manifester l’âme des choses; tandis qu’un son qui s’élèverait dans la pure clarté serait comme une voix dans le désert, sans rien qui la soutienne ou lui réponde, les sonorités du monde s’harmonisent à ses splendeurs. La magnificence ou la tristesse des teintes correspond à la plénitude joyeuse ou à la douceur voilée des sons: la lumière, dans sa lutte et son union avec l’obscurité, est devenue dramatique, et elle s’accorde avec un monde où tout est action; l’ombre, en pénétrant dans la clarté, y a glissé d’intimes trésors de mélancolie que le bleu pâlissant du soir communique à l’âme, et la sérénité impassible de la clarté pure est devenue, au contact de l’ombre qu’elle dissipe en s’y transformant, quelque chose de plus humain, la joie.
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Max Jacob
(1876 – 1944)
La Guerre
Quand le soleil est en colère,
les vagues de la mer vont plus vite,
les nuages du ciel se dépêchent.
Les yeux du
Sage s’exorbitent
le nombril de
Bouddha était
comme une coupe vide : la coupe maintenant
déborde
Max Jacob poetry
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Max Jacob
(1876 – 1944)
Flagellation, Etc
« Vous avez promené le jet entre
Mes
Côtes « de la lampe à souder, le fouet des démons ! »
Aïe ! oh ! oh! le sang lent ; l’Esprit est sur la motte.
Sang à la cloque : il coule !
la cloque et les ampoules !
Qui ?
Le dieu architecte, l’ingénieur, l’ingénieur !
Hors des apparences, derrière le grillage.
Son Œil pense le sous-sol est tout ce qui fait vivre l’essence or sous le fouet le
Triste-Sire percé comme une poêle à frire pense l’espace et ce qui passe.
Vous avez promené la lampe des démons
Aïe, oh ! oh ! la faulx sur le corps de satin, la faulx qui n’est pas loin des jambes.
La fleur s’inclina sous le fouet de la lampe.
Qui ? l’inventeur des lois, aïe ! oh ! oh !
Lois du monde derrière la mer, et l’air créé ; derrière les ondes. «
Donner
Mon sang d’engrais d’esprit à vous, les bêtes, « sous la poutre et tomber aux brancards d’une charrette. «
Sang au pavé, le bois aux ressauts du pavé ! »
Fin de mort ! on est arrivé !
Mains clouées ! laissez faire : c’est pour l’humanité.
Crevez la peau, le muscle et séparez les os.
Crevez le pied, les pieds : c’est pour la vérité.
Le bois l’auguste bois percé par la ferraille. «
Je suis le dieu des dieux, l’odorante aubépine. «
Regardez-moi les yeux, je parle de partout. »
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Max Jacob
(1876 – 1944)
Place Pigalle
De meilleurs démons ont fait craquer les pierres. Les balcons sont égayés par l’écarlate : les fez. J’ai étendu mon manteau rouge au-dessus de vos têtes et vous vous êtes tus. Il y avait à une table en plein air, où des dames blanches disaient : « Il prend notre statuette l’une après l’autre et essaie de la briser, le dédaigneux ». Le sommelier du café, qui a de la sciure de bois dans ses rides, fait des commandes désordonnées au représentant de Bercy et le patron n’est pas très satisfait. Qu’importe ! On laisse sur le marbre des bouteilles de kummel dans les mains de vieux célibataires rancis : et ils versent à la ronde. Les chevelures de mes amis ont des mèches blondes et les plus pâles s’empourprent derrière le monocle ou les lunettes. Tout est de la couleur des aurores royales ou de celle du crépuscule souverain.
Rien n’a plus d’autre prix que celui d’une joie magique.
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Jean Jaurès
(1859 – 1914)
Le secret de l’univers
Dans ces profondeurs transparentes de l’espace, qui se prêtent
à toutes les formes changeantes de nos rêves et qui sollicitent
toutes les aspirations de notre âme, reluit et frissonne le secret
même de l’univers. L’invisible devient visible dans cette mani-
festation à la fois idéale et réelle qu’est l’espace. Trompés par
la brutalité et la grossièreté de certains contacts matériels,
nous pourrions croire à la brutalité et à la grossièreté de la
matière elle-même. L’espace est un rappel immense et perma-
nent à l’idéalité de la matière. Ceux qui contemplent, aiment et
comprennent l’espace profond savent, sans s’en douter, ce
qu’est la matière. C’est en ce sens nouveau qu’on peut dire :
« Les cieux racontent la gloire de Dieu », et les simples, les
humbles, quand ils répandent dans la sérénité du soir une âme
vivante et bonne, quand ils mêlent doucement leur pensée à
l’espace recueilli, lisent sans le savoir, dans l’infini qui est sur
leur tête, le secret de la poussière qu’ils foulent aux pieds.
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Jean Jaurès
(1859 – 1914)
La voix des choses
Même pour la conscience superficielle, le son contient évidem-
ment quelque chose des existences qu’il traduit. Le son pesant
et large de la cloche met en nous un moment l’âme lente et
lourde du métal ébranlé. Et, au contraire, j’imagine qu’à en-
tendre, sans en avoir jamais vu, un verre de cristal, nous nous
figurerions je ne sais quoi de délicat et de pur. Le bruit mélan-
colique, monotone et puissant d’une chute d’eau traduit bien à
l’oreille cette sorte d’existence confuse du fleuve où aucune
goutte ne peut vivre d’une vie particulière distincte, où tout est
entraîné dans le même mouvement et dans la même plainte.
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Henrik Ibsen
(1828-1906)
With a water-lily
See, dear, what thy lover brings;
‘Tis the flower with the white wings.
Buoyed upon the quiet stream
In the spring it lay adream.
Homelike to bestow this guest,
Lodge it, dear one, in thy breast;
There its leaves the secret keep
Of a wave both still and deep.
Child, beware the tarn-fed stream;
Danger, danger, there to dream!
Though the sprite pretends to sleep,
And above the lilies peep.
Child, thy bosom is the stream;
Danger, danger, there to dream!
Though above the lilies peep,
And the sprite pretends to sleep.
(Translation by Fydell Edmund Garrett and reprinted from the Westminster Gazette of May 6, 1903)
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Ben Jonson
(1572-1637)
My Picture Left in Scotland
I now thinke, Love is rather deafe, than blind,
For else it could not be,
That she,
Whom I adore so much, should so slight me,
And cast my love behind:
I’m sure my language to her, was as sweet,
And every close did meet
In sentence, of as subtile feet
As hath the youngest Hee,
That sits in shadow of Apollo’s tree.
Oh, but my conscious feares,
That flie my thoughts betweene,
Tell me that she hath seene
My hundreds of gray haires,
Told seven and fortie yeares,
Read so much wast, as she cannot imbrace
My mountaine belly and my rockie face,
And all these through her eyes, have stopt her eares.
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Alfred Jarry
(1873-1907)
Roses de feu
Roses de feu, blanches d’effroi,
Les trois
Filles sur le mur froid
Regardent luire les grimoires ;
Et les spectres de leurs mémoires
Sont évoqués sur les parquets,
Avec l’ombre de doigts marqués
Aux murs de leurs chemises blanches,
Et de griffes comme des branches.
Le poêle noir frémit et mord
Des dents de sa tête de mort
Le silence qui rampe autour.
Le poêle noir, comme une tour
Prêtant secours à trois guerrières.
Ouvre ses yeux de meurtrières !
Roses de feu, blanches d’effroi,
En longues chemises de cygnes,
Les trois
Filles, sur le mur froid
Regardant grimacer les signes,
Ouvrent, les bras d’effroi liés,
Leurs yeux comme des boucliers.
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Helen (Maria) Hunt Jackson
(1830-1885)
To an Absent Lover
That so much change should come when thou dost go,
Is mystery that I cannot ravel quite.
The very house seems dark as when the light
Of lamps goes out. Each wonted thing doth grow
So altered, that I wander to and fro
Bewildered by the most familiar sight,
And feel like one who rouses in the night
From dream of ecstasy, and cannot know
At first if he be sleeping or awake.
My foolish heart so foolish for thy sake
Hath grown, dear one!
Teach me to be more wise.
I blush for all my foolishness doth lack;
I fear to seem a coward in thine eyes.
Teach me, dear one,–but first thou must come back!
Helen Hunt Jackson poetry
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Jean Ingelow
(1820-1897)
On a Picture
As a forlorn soul waiting by the Styx
Dimly expectant of lands yet more dim,
Might peer afraid where shadows change and mix
Till the dark ferryman shall come for him.
And past all hope a long ray in his sight,
Fall’n trickling down the steep crag Hades-black
Reveals an upward path to life and light,
Nor any let but he should mount that track.
As with the sudden shock of joy amazed,
He might a motionless sweet moment stand,
So doth that mortal lover, silent, dazed,
For hope had died and loss was near at hand.
‘Wilt thou?’ his quest. Unready but for ‘Nay,’
He stands at fault for joy, she whispering ‘Ay.’
Jean Ingelow poetry
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(Theodora) Sarah Orne Jewett
(1849-1909)
Missing
You walked beside me, quick and free;
With lingering touch you grasped my hand;
Your eyes looked laughingly in mine;
And now ? I can not understand.
I long for you, I mourn for you,
Through all the dark and lonely hours.
Heavy the weight the pallmen lift,
And cover silently with flowers.
Sarah Orne Jewett poetry
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