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Charles Baudelaire
(1821-1867)
3 Poèmes
Une charogne
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux:
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint.
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir;
La puanteur était si forte que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Où s’élançait en pétillant;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
–Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté, dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés!
Sepulture d’un poète maudit
Si par une nuit lourde et sombre
Un bon chrétien, par charité,
Derrière quelque vieux décombre
Enterre votre corps vanté,
A l’heure où les chastes étoiles
Ferment leurs yeux appesantis,
L’araignée y fera ses toiles,
Et la vipère ses petits;
Vous entendrez toute l’année
Sur votre tête condamnée
Les cris lamentables des loups
Et des sorcières faméliques,
Les ébats des vieillards lubriques
Et les complots des noirs filous.
Le mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
O vers! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts?
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Charles Baudelaire
(1821-1867)
Le Vampire
Toi qui, comme un coup de couteau.
Dans mon coeur plaintif est entrée;
Toi qui, forte comme un troupeau
De démons, vins, folle et parée,
De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine.
–Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,
Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l’ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
–Maudite, maudite sois-tu!
J’ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j’ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.
Hélas! le poison et le glaive
M’ont pris en dédain et m’ont dit:
« Tu n’es pas digne qu’on t’enlève
A ton esclavage maudit,
Imbécile!–de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire! »
Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive,
Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,
Je me pris à songer près de ce corps vendu
A la triste beauté dont mon désir se prive.
Je me représentai sa majesté native,
Son regard de vigueur et de grâces armé,
Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,
Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.
Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps,
Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses
Déroulé le trésor des profondes caresses,
Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort
Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles,
Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.
kempis poetry magazine
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Matthew Arnold
(1822-1888)
A Wish
I ask not that my bed of death
From bands of greedy heirs be free;
For these besiege the latest breath
Of fortune’s favoured sons, not me.
I ask not each kind soul to keep
Tearless, when of my death he hears;
Let those who will, if any, weep!
There are worse plagues on earth than tears.
I ask but that my death may find
The freedom to my life denied;
Ask but the folly of mankind,
Then, at last, to quit my side.
Spare me the whispering, crowded room,
The friends who come, and gape, and go;
The ceremonious air of gloom –
All which makes death a hideous show!
Nor bring, to see me cease to live,
Some doctor full of phrase and fame,
To shake his sapient head and give
The ill he cannot cure a name.
Nor fetch, to take the accustomed toll
Of the poor sinner bound for death,
His brother doctor of the soul,
To canvass with official breath
The future and its viewless things –
That undiscovered mystery
Which one who feels death’s winnowing wings
Must need read clearer, sure, than he!
Bring none of these; but let me be,
While all around in silence lies,
Moved to the window near, and see
Once more before my dying eyes
Bathed in the sacred dew of morn
The wide aerial landscape spread –
The world which was ere I was born,
The world which lasts when I am dead.
Which never was the friend of one,
Nor promised love it could not give,
But lit for all its generous sun,
And lived itself, and made us live.
There let me gaze, till I become
In soul with what I gaze on wed!
To feel the universe my home;
To have before my mind -instead
Of the sick-room, the mortal strife,
The turmoil for a little breath –
The pure eternal course of life,
Not human combatings with death.
Thus feeling, gazing, let me grow
Composed, refreshed, ennobled, clear;
Then willing let my spirit go
To work or wait elsewhere or here!
Poem of the week
June 21, 2009
Matthew Arnold – poem: A Wish
kempis poetry magazine
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Guillaume Apollinaire
1880-1918
La maison des morts
A Maurice Raynal
S’étendant sur les côtés du cimetière
La maison des morts l’encadrait comme un cloître
A l’intérieur de ses vitrines
Pareilles à celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimaçaient pour l’éternité
Arrivé à Munich depuis quinze ou vingt jours
J’étais entré pour la première fois et par hasard
Dans ce cimetière presque désert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposée et vêtue le mieux possible
En attendant la sépulture
Soudain
Rapide comme ma mémoire
Les yeux ses rallumèrent
De cellule vitrée en cellule vitrée
Le ciel se peupla d’une apocalypse
Vivace
Et la terra plate à l’infini
Comme avant Galilée
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m’accostèrent
Avec des mines de l’autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientôt moins funbèbres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se réjouissaient
De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière
Ils riaient de voir leur ombre et l’observaient
Comme si véritablement
C’eût été leur vie passée
Alors je les dénombrai
Ils étaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient à vue d’oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialité
Tant de tendresse même
Que les prenant en amitié
Tout à coup
Je les invitai à une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos péchés sont absous
Nous quittâmes le cimetière
Nous traversâmes la ville
Et rencontrions souvent
Des parents des amis qui se joignaient
A la petite troupe des morts récents
Tous étaient si gais
Si charmants si bien portants
Que bien malin qui aurait pu
Distinguer les morts des vivants
Puis dans la campagne
On s’éparpilla
Deux chevau-légers nous joignirent
On leur fit fête
Ils coupèrent du bois de viorne
Et de sureau
Dont ils firent des sifflets
Qu’ils distribuèrent aux enfants
Plus tard dans un bal champètre
Les couples mains sur les épaules
Dansèrent au son aigre des cithares
Ils n’avaient pas oublié la danse
Ces morts et ces mortes
On buvait aussi
Et de temps à autre une cloche
Annonçait qu’un autre tonneau
Allait être mis en perce
Une morte assise sur un banc
Près d’un buisson d’épine-vinette
Laissait un étudiant
Agenouillé à ses pieds
Lui parler de fiançailles
Je vous attendrai
Dix ans vingt ans s’il le faut
Votre volonté sera la mienne
Je vous attendrai
Toute votre vie
Répondait la morte
Des enfants
De ce monde ou bien de l’autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poétiques
De l’humanité
L’étudiant passa une bague
A l’annulaire de la jeune morte
Voici le gage de mon amour
De nos fiançailles
Ni le temps ni l’absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous auront une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vêtements et dans vos cheveux
Un beau sermon à l’église
De longs discours après le banquet
Et de la musique
De la musique
Nos enfants
Dit la fiancée
Seront plus beaux plus beaux encore
Hélas! la bague était brisée
Que s’ils étaient d’argent ou d’or
D’émeraude ou de diamant
Seront plus clairs plus clairs encore
Que les astres du firmament
Que la lumière de l’aurore
Que vos regards mon fiancé
Auront meilleure odeur encore
Hélas! la bague était brisée
Que le lilas qui vient d’éclore
Que le thym la rose ou qu’un brin
De lavande ou de romarin
Les musiciens s’en étant allés
Nous continuâmes la promenade
Au bord d’un lac
On s’amusa à faire des ricochets
Avec des cailloux plats
Sur l’eau qui dansait à peine
Des barques étaient amarrées
Dans un havre
On les détacha
Après que toute la troupe se fut embarquée
Et quelques morts ramaient
Avec autant de vigueur que les vivants
A l’avant du bateau que je gouvernais
Un mort parlait avec une jeune femme
Vêtue d’une robe jaune
D’un corsage noir
Avec des rubans bleus et d’un chapeau gris
Orné d’une seule petite plume défrisée
Je vous aime
Disait-il
Comme le pigeon aime la colombe
Comme l’insecte nocturne
Aime la lumière
Trop tard
Répondait la vivante
Repoussez repoussez cet amour défendu
Je suis mariée
Voyez l’anneau qui brille
Mes mains tremblent
Je pleure et je voudrais mourir
Les barques étaient arrivées
A un endroit où les chevau-légers
Savaient qu’un écho répondait de la rive
On ne se lassait point de l’interroger
Il y eut des questions si extravagantes
Et des réponses tellement pleines d’à-propos
Que c’était à mourir de rire
Et le mort disait à la vivante
Nous serions si heureux ensemble
Sur nous l’eau se refermera
Mais vous pleurez et vos mains tremblent
Aucun de nous ne reviendra
On reprit terre et ce fut le retour
Les amoureux s’entr’aimaient
Et par couples aux belles bouches
Marchaient à distances inégales
Les morts avaient choisi les vivantes
Et les vivants
Des mortes
Un genévrier parfois
Faisait l’effet d’un fantôme
Les enfants déchiraient l’air
En soufflant les joues creuses
Dans leurs sifflets de viorne
Ou de sureau
Tandis que les militaires
Chantaient des tyroliennes
En se répondant comme on le fait
Dans la montagne
Dans la ville
Notre troupe diminua peu à peu
On se disait
Au revoir
A demain
A bientôt
Bientôt entraient dans les brasseries
Quelques-uns nous quittèrent
Devant une boucherie canine
Pour y acheter leur repas du soir
Bientôt je restai seul avec ces morts
Qui s’en allaient tout droit
Au cimetière
Où
Sous les Arcades
Je les reconnus
Couchés
Immobiles
Et bien vêtus
Attendant la sépulture derrière les vitrines
Ils ne se doutaient pas
De ce qui s’était passé
Mais les vivants en gardaient le souvenir
C’était un bonheur inespéré
Et si certain
Qu’ils ne craignaient point de le perdre
Ils vivaient si noblement
Que ceux qui la veille encore
Les regardaient comme leurs égaux
Ou même quelque chose de moins
Admiraient maintenant
Leur puissance leur richesse et leur génie
Car y a-t-il rien qui vous élève
Comme d’avoir aimé un mort ou une morte
On devient si pur qu’on en arrive
Dans les glaciers de la mémoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifié pour la vie
Et l’on n’a plus besoin de personne
Guillaume Apollinaire poème:
La Maison des Morts
fleursdumal.nl magazine
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Elizabeth Barrett Browning
(1806-1861)
The Cry of the Children
Do ye hear the children weeping, O my brothers,
Ere the sorrow comes with years?
They are leaning their young heads against their mothers—
And that cannot stop their tears.
The young lambs are bleating in the meadows;
The young birds are chirping in the nest;
The young fawns are playing with the shadows;
The young flowers are blowing toward the west—
But the young, young children, O my brothers,
They are weeping bitterly!—
They are weeping in the playtime of the others
In the country of the free.
Do you question the young children in the sorrow,
Why their tears are falling so?—
The old man may weep for his to-morrow
Which is lost in Long Ago—
The old tree is leafless in the forest—
The old year is ending in the frost—
The old wound, if stricken, is the sorest—
The old hope is hardest to be lost:
But the young, young children, O my brothers,
Do you ask them why they stand
Weeping sore before the bosoms of their mothers,
In our happy Fatherland?
They look up with their pale and sunken faces,
And their looks are sad to see,
For the man’s grief abhorrent, draws and presses
Down the cheeks of infancy—
“Your old earth,” they say, “is very dreary;”
“Our young feet,” they say, “are very weak!
Few paces have we taken, yet are weary,
Our grave-rest is very far to seek.
Ask the old why they weep, and not the children,
For the outside earth is cold,—
And we young ones stand without, in our bewildering,
And the graves are for the old.
“True,” say the young children, “it may happen
That we die before our time.
Little Alice died last year—the grave is shapen
Like a snowball, in the rime.
We looked into the pit prepared to take her—
Was no room for any work in the close clay:
From the sleep wherein she lieth none will wake her
Crying, ‘Get up, little Alice! it is day.’
If you listen by that grave, in sun and shower,
With your ear down, little Alice never cries!—
Could we see her face, be sure we should not know her,
For the smile has time for growing in her eyes—
And merry go her moments, lulled and stilled in
The shroud, by the kirk-chime!
It is good when it happens,” say the children,
“That we die before our time.”
Alas, alas, the children! they are seeking
Death in life, as best to have!
They are binding up their hearts away from breaking,
With a cerement from the grave.
Go out, children, from the mine and from the city—
Sing out, children, as the little thrushes do—
Pluck your handfuls of the meadow-cowslips pretty—
Laugh aloud, to feel your fingers let them through!
But they answer, “Are your cowslips of the meadows
Like our weeds anear the mine?
Leave us quiet in the dark of the coal-shadows,
From your pleasures fair and fine!
“For oh,” say the children, “we are weary,
And we cannot run or leap—
If we cared for any meadows, it were merely
To drop down in them and sleep.
Our knees tremble sorely in the stooping—
We fall upon our faces, trying to go;
And, underneath our heavy eyelids drooping,
The reddest flower would look as pale as snow.
For, all day, we drag our burden tiring,
Through the coal-dark, underground—
Or, all day, we drive the wheels of iron
In the factories, round and round.
“For, all day, the wheels are droning, turning,—
Their wind comes in our faces,—
Till our hearts turn,—our head, with pulses burning,
And the walls turn in their places—
Turns the sky in the high window blank and reeling—
Turns the long light that droppeth down the wall—
Turn the black flies that crawl along the ceiling—
All are turning, all the day, and we with all.—
And, all day, the iron wheels are droning;
And sometimes we could pray,
‘O ye wheels,’ (breaking out in a mad moaning)
‘Stop! be silent for to-day!’ ”
Ay! be silent! Let them hear each other breathing
For a moment, mouth to mouth—
Let them touch each other’s hands, in a fresh wreathing
Of their tender human youth!
Let them feel that this cold metallic motion
Is not all the life God fashions or reveals—
Let them prove their inward souls against the notion
That they live in you, os under you, O wheels!—
Still, all day, the iron wheels go onward,
Grinding life down from its mark;
And the children’s souls, which God is calling sunward,
Spin on blindly in the dark.
Now, tell the poor young children, O my brothers,
To look up to Him and pray—
So the blessed One, who blesseth all the others,
Will bless them another day.
They answer, “Who is God that He should hear us,
White the rushing of the iron wheels is stirred?
When we sob aloud, the human creatures near us
Pass by, hearing not, or answer not a word!
And we hear not (for the wheels in their resounding)
Strangers speaking at the door:
Is it likely God, with angels singing round Him,
Hears our weeping any more?
“Two words, indeed, of praying we remember,
And at midnight’s hour of harm,—
‘Our Father,’ looking upward in the chamber,
We say softly for a charm.
We know no other words except ‘Our Father,’
And we think that, in some pause of angels’ song,
God may pluck them with the silence sweet to gather,
And hold both within His right hand which is strong.
‘Our Father!’ If He heard us, He would surely
(For they call Him good and mild)
Answer, smiling down the steep world very purely,
‘Come and rest with me, my child.’
“But no!” say the children, weeping faster,
“He is speechless as a stone;
And they tell us, of His image is the master
Who commands us to work on.
Go to!” say the children,—“Up in Heaven,
Dark, wheel-like, turning clouds are all we find.
Do not mock us; grief has made us unbelieving—
We look up for God, but tears have made us blind.”
Do you hear the children weeping and disproving,
O my brothers, what ye preach?
For God’s possible is taught by His world’s loving—
And the children doubt of each.
And well may the children weep before you;
They are weary ere they run;
They have never seen the sunshine, nor the glory
Which is brighter than the sun:
They know the grief of man, but not the wisdom;
They sink in man’s despair, without its calm—
Are slaves, without the liberty in Christdom,—
Are martyrs, by the pang without the palm,—
Are worn, as if with age, yet unretrievingly
No dear remembrance keep,—
Are orphans of the earthly love and heavenly:
Let them weep! let them weep!
They look up, with their pale and sunken faces,
And their look is dread to see,
For they mind you of their angels in their places,
With eyes meant for Deity;—
“How long,” they say, “how long, O cruel nation,
Will you stand, to move the world, on a child’s heart,
Stifle down with a mailed heel its palpitation,
And tread onward to your throne amid the mart?
Our blood splashes upward, O our tyrants,
And your purple shows your path;
But the child’s sob curseth deeper in the silence
Than the strong man in his wrath!”
KEMP=MAG POETRY MAGAZINE
More in: Archive A-B, Barrett Browning, Elizabeth
R o b e r t B r o w n i n g
(1812-1889)
A Face
If one could have that little head of hers
Painted upon a background of pure gold,
Such as the Tuscan’s early art prefers!
No shade encroaching on the matchless mould
Of those two lips, which should be opening soft
In the pure profile; not as when she laughs,
For that spoils all: but rather as if aloft
Yon hyacinth, she loves so, leaned its staff’s
Burden of honey-colored buds to kiss
And capture ‘twixt the lips apart for this.
Then her little neck, three fingers might surround,
How it should waver on the pale gold ground
Up to the fruit-shaped, perfect chin it lifts!
I know, Correggio loves to mass, in rifts
Of heaven, his angel faces, orb on orb
Breaking its outline, burning shades absorb:
But these are only massed there, I should think,
Waiting to see some wonder momently
Grow out, stand full, fade slow against the sky
(That’s the pale ground you’d see this sweet face by),
All heaven, meanwhile, condensed into one eye
Which fears to lose the wonder, should it wink.
kempis poetry magazine
More in: Archive A-B, Browning, Robert
Guillaume Apollinaire
(1880-1918)
Z o n e
À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes
Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant
Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C’est le beau lys que tous nous cultivons
C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent
C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières
C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité
C’est l’étoile à six branches
C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur
Pupille Christ de l’oeil
Vingtième pupille des siècles il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent qu’il imite Simon Mage en Judée
Ils crient s’il sait voler qu’on l’appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie
Ces prêtres qui montent éternellement élevant l’hostie
L’avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles
À tire-d’aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D’Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
L’oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne d’Adam la première tête
L’aigle fond de l’horizon en poussant un grand cri
Et d’Amérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couples
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s’engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d’autobus mugissants près de toi roulent
L’angoisse de l’amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l’ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C’est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près
Aujourd’hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
C’était et je voudrais ne pas m’en souvenir c’était au déclin de la beauté
Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré-Coeur m’a inondé à Montmartre
Je suis malade d’ouïr les paroles bienheureuses
L’amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse
C’est toujours près de toi cette image qui passe
Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur
Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d’écrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le coeur de la rose
Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu t’y vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques
Te voici à Marseille au milieu des pastèques
Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant
Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon
Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je m’en souviens j’y ai passé trois jours et autant à Gouda
Tu es à Paris chez le juge d’instruction
Comme un criminel on te met en état d’arrestation
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge
Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans
J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps
Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté
Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur etoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre coeur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux
Tu es la nuit dans un grand restaurant
Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey
Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercées
J’ai une pitié immense pour les coutures de son ventre
J’humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche
Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive
C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive
Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
Adieu Adieu
Soleil cou coupé
(Alcools 1913)
Guillaume Apollinaire poème: Zone
FLEURSDUMAL.NL MAGAZINE
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Guillaume Apollinaire
(1880-1918)
Rhénane d’automne
A Toussaint-Luca
Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetière
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n’a chanté aujourd’hui
Kikiriki
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons ânes
Braillent hi han et se mettent à brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C’est le jour des morts et de toutes leurs âmes
Les enfants et les vieilles femmes
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique
Les voiles des vieilles
Les nuages du ciel
Sont comme des barbes de biques
L’ait tremble de flammes et de prières
Le cimetière est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu’on enterre
ah! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous mendiants morts saouls de bière
Vous les aveugles comme le destin
Et vous petits enfants morts en prière
Ah! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous bourgmestres vous bateliers
Et vous conseillers de régence
Vous aussi tziganes sans papiers
La vie vous pourrit dans la panse
La croix vous pousse entre les pieds
Le vent du Rhin ulule avec tous les hibous
Il éteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts
Des enfants morts parlent parfois avec leur mère
Et des mortes parfois voudraient bien revenir
Oh! je ne veux pas que tu sortes
L’automne est plein de mains coupées
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des chères mortes
Ce sont tes mains coupées
Nous avons tant pleuré aujourd’hui
Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetière plein de flammes
Puis dans le vent nous nous en retournâmes
A nos pieds roulaient des châtaignes
Dont les bogues étaient
Comme le coeur blessé de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des châtaignes d’automne
Guillaume Apollinaire poème: Rhénane d’automne
KEMPIS MAG poetry magazine
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J a n e A u s t e n
(1775 – 1817)
Miss Lloyd has now went to Miss Green
Miss Lloyd has now sent to Miss Green,
As, on opening the box, may be seen,
Some years of a Black Ploughman’s Gauze,
To be made up directly, because
Miss Lloyd must in mourning appear
For the death of a Relative dear–
Miss Lloyd must expect to receive
This license to mourn and to grieve,
Complete, ere the end of the week–
It is better to write than to speak
Poem of the week – February 22, 2009
KEMP=MAG poetry magazine
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Théodore de Banville
(1823-1891)
Premier soleil
Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !
Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai,
Et nous ne verrons plus les redingotes longues
Où tout parfait dandy se tenait enfermé.
Sourire du printemps, je t’offre en holocauste
Les manchons, les albums et le pesant castor.
Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste
Volent, en agitant une poussière d’or !
Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,
Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy
Près des Panoramas déployer son ombrelle :
C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y !
Voici dans le gazon les corolles ouvertes,
Le parfum de la sève embaumera les soirs,
Et devant les cafés, des rangs de tables vertes
Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.
Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie !
Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ;
Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,
Sur la toile imprimée et sur le jaconas !
Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,
Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,
Les légers mantelets avec les robes blanches,
Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus !
Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune,
S’envolera gaîment la nouvelle chanson ;
Nous y verrons courir la rousse avec la brune,
Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !
Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie,
Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.
Débouchez de ce vin que j’aime à la folie,
Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.
Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête
Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant.
Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,
Parle ! nous t’écoutons avec ravissement.
C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse
Cueillir la violette avec ses petits doigts,
Et toute créature a le coeur plein d’ivresse,
Excepté les pervers et les marchands de bois !
KEMP=MAG poetry magazine
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Auguste Angellier
(1848-1911)
Les caresses des yeux
Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
Elles apportent l’âme aux limites de l’être,
Et livrent des secrets autrement ineffables,
Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.
Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d’elles ;
Leur langage est plus fort que toutes les paroles ;
Rien n’exprime que lui les choses immortelles
Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.
Lorsque l’âge a vieilli la bouche et le sourire
Dont le pli lentement s’est comblé de tristesses,
Elles gardent encor leur limpide tendresse ;
Faites pour consoler, enivrer et séduire,
Elles ont les douceurs, les ardeurs et les charmes !
Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?
KEMP=MAG poetry magazine
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Bettina von Arnim
(1785-1859)
Eros
Im Bett der Rose lag er eingeschlossen,
Im Wechselschimmer ihrer zarten Seiten,
Die taugebrochnen Strahlen schmeichelnd gleiten
Hinein zu ihm, von Geisterhauch umflossen.
Mich dünkt, in Schlummer waren hingegossen
Die reinen Glieder, durch des Dufts Verbreiten
Und durch der Biene Summen, die zuzeiten
Vorüberstreift an zitternden Geschossen.
Doch da beginnt mit einemmal zu schwellen
Der Blume Kelch! Ins Freie nun gehoben,
Erkenn ich ihn im Tagesglanz, dem hellen.
Es ist mein Auge vor ihm zugesunken,
Der mich so seltsam mit dem Blick umwoben,
In seinem Lichte lieg ich traume-trunken.
Poem of the week – December 7, 2008
kemp=mag poetry magazine
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