Marcel Schwob: Singeries (Poème)
Singeries
Quand je te vois penché, mon mignon, tout en nage,
Sur le croûton de pain qui te sert de joujou,
Je me repens, mon Dieu, d’avoir pris pour un page
Ce qui n’était pourtant qu’un affreux sapajou.
C’est un maki mordant ses dix doigts avec rage,
Ce faune gentillet, taillé comme un bijou,
Un ouistiti grimpant aux barreaux de sa cage,
Un macaque à poil ras, un singe en acajou.
Ton masque enluminé, sillonné de grimaces,
Semble servir d’album à croquis aux limaces
Pour crayonner l’argent de leurs chemins crochus.
Et les casques noircis qui couronnent tes ongles,
Piqués dans tes cheveux brouillés comme des jungles,
Font penser que tu dois avoir les pieds fourchus.
Marcel Schwob
(1867-1905)
Singeries
Juin 1888
• fleursdumal.nl magazine
More in: #Editors Choice Archiv, Archive S-T, Archive S-T, Marcel Schwob