Marcel Schwob: La Lumière (Poème)
La Lumière
La lumière bleue est passée,
Allons vers les lumières blanches.
O chérie es-tu donc lassée?
Nous avons des ailes aux hanches,
Puisqu’on nous a chassés du bleu,
Ouvrons, chérie, ouvrons nos ailes,
Voguons comme des caravelles
Vers le soleil tout blanc de feu.
La lumière blanche est passée,
Allons vers la lumière rouge.
M’amour, je te tiens embrassée,
J’ai mon couteau sanglant qui bouge.
Vivons ici dans le vermeil.
Ton petit doigt aura pour bague
Un coeur foré d’un coup de dague:
J’ai de l’or -as-tu point sommeil.
La lumière rouge est passée,
Allons vers la lumière verte.
Viens chauffer ta gorge glacée:
Entrons, la porte est grande ouverte.
Buvons tout cet or vert fondu;
Buvons, nous verrons monter, lentes,
Des flammes blanches et sanglantes.
Mignonne, m’as-tu répondu?
La lumière verte est passée,
Allons vers la lumière pâle,
Allons: notre forme effacée
Glissera sous ces flots d’opale.
Marcel Schwob
(1867-1905)
La Lumière
Portrait: Félix Vallotton
• fleursdumal.nl magazine
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