Gérard de Nerval: Caligula
Gérard de Nerval
(1808-1855)
Caligula – I er chant
L’hiver s’enfuit ; le printemps embaumé
Revient suivi des Amours et de Flore ;
Aime demain qui n’a jamais aimé,
Qui fut amant, demain le soit encore !
Hiver était le seul maître des temps,
Lorsque Vénus sortit du sein de l’onde ;
Son premier souffle enfanta le printemps,
Et le printemps fit éclore le monde.
L’été brûlant a ses grasses moissons,
Le riche automne a ses treilles encloses,
L’hiver frileux son manteau de glaçons,
Mais le printemps a l’amour et les roses.
L’hiver s’enfuit, le printemps embaumé
Revient suivi des Amours et de Flore ;
Aime demain qui n’a jamais aimé,
Qui fut amant, demain le soit encore !
Caligula – II ème chant
De roses vermeilles
Nos champs sont fleuris,
Et le bras des treilles
Tend à nos corbeilles
Ses raisins mûris.
Puisque chaque année
Jetant aux hivers
Sa robe fanée,
Renaît couronnée
De feuillages verts,
Puisque toute chose
S’offre à notre main
Pour qu’elle en dispose,
Effeuillons la rose,
Foulons le raisin ;
Car le temps nous presse
D’un constant effort ;
Hier la jeunesse,
Ce soir la vieillesse,
Et demain la mort.
Étrange mystère !
Chaque homme à son tour
Passe solitaire
Un jour sur la terre ;
Mais pendant ce jour,
De roses vermeilles
Nos champs sont fleuris,
Et le bras des treilles
Tend à nos corbeilles
Ses raisins mûris.
Caligula – III ème chant
César a fermé la paupière ;
Au jour doit succéder la nuit ;
Que s’éteigne toute lumière,
Que s’évanouisse tout bruit.
A travers ces arcades sombres,
Enfants aux folles passions,
Disparaissez comme des ombres,
Fuyez comme des visions.
Allez, que le caprice emporte
Chaque àme selon son désir,
Et que, close après vous, la porte
Ne se rouvre plus qu’au plaisir.
Gérard de Nerval: Caligula
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