Alfred Jarry Poésie
A l f r e d J a r r y
(1873-1907)
La régularité de la châsse
(…)
Pris
Dans l’eau calme de granit gris,
nous voguons sur la lagune dolente.
Notre gondole et ses feux d’or
dort
lente.
(…)
Clair,
un vol d’esprits flotte dans l’air :
corps aériens transparents, blancs linges,
inquiétants regards dardés
des
sphinges.
Et
le criblant d’un jeu de palet,
fins disques, brillez au toit gris des limbes
mornes et des souvenirs feus,
bleus
nimbes…
La
gondole spectre que hala
la mort sous les ponts de pierre en ogive,
illuminant son bord brodé
dé-
rive.
Bardes et cordes
Le roi mort, les vingt et un coups de la bombarde
Tonnent, signal de deuil, place de la Concorde.
Silence, joyeux luth, et viole et guimbarde :
Tendons sur le cercueil la plus macabre corde
Pour accompagner l’hymne éructé par le barde :
Le ciel veut l’oraison funèbre pour exorde.
L’encens vainc le fumet des ortolans que barde
La maritorne, enfant butorde non moins qu’orde.
Aux barrières du Louvre elle dormait, la garde :
Les palais sont de grands ports où la nuit aborde ;
Corse, kamoulcke, kurde, iroquoise et lombarde
Le catafalque est ceint de la jobarde horde.
Sa veille n’eût point fait camuse la camarde :
Il faut qu’un rictus torde et qu’une bouche morde.
La lame ou la dent tranche autant que le plomb arde :
Poudre aux moineaux, canons place de la Concorde.
Arme blême, le dail ne craint point l’espingarde :
Tonne, signal de deuil ; vibre, macabre corde.
Les Suisses du pavé heurtent la hallebarde :
Seigneur, prends le défunt en ta miséricorde.
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