Renée Vivien: Chanson, Chanson pour mon ombre
Renée Vivien
(1877-1909)
Chanson
Lorsque la lune vient pleurer
Sur les tombes des fleurs fidèles
Mon souvenir vient t’effleurer
Dans un enveloppement d’ailes.
Il se fait tard, tu vas dormir
Les paupières déjà mi-closes…
Dans l’air des nuits on sent frémir
L’agonie ardente des roses –
Sur ton front lourd d’accablement
Tes cheveux font de légers voiles…
Dans le ciel brûle infiniment
La flamme blanche des étoiles –
Et la Déesse du Sommeil
De ses mains lentes fait éclore
Des fleurs qui craignent le soleil
Et qui meurent avant l’aurore –
Chanson pour mon ombre
Droite et longue comme un cyprès,
Mon ombre suit, à pas de louve,
Mes pas que l’aube désapprouve.
Mon ombre marche à pas de louve,
Droite et longue comme un cyprès.
Elle me suit, comme un reproche,
Dans la lumière du matin.
Je vois en elle mon destin
Qui se resserre et se rapproche.
A travers champs, par les matins,
Mon ombre suit, comme un reproche.
Mon ombre suit, comme un remords,
La trace de mes pas sur l’herbe
Lorsque je vais, portant ma gerbe,
Vers l’allée où gîtent les morts.
Mon ombre suit mes pas sur l’herbe,
Implacable comme un remords.
Renée Vivien poetry
kempis.nl poetry magazine
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