Renée Vivien: Bacchante triste (Sad Bacchante)
Renée Vivien
(1877-1909)
Bacchante triste
Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c’est l’heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l’accablement des rythmes alanguis.
Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers comme l’aile des vents,
Et la rose des chairs, la souplesse des lignes
Ont peuplé la forêt de sourires mouvants.
La plus jeune a des chants qui rappellent le râle :
Sa gorge d’amoureuse est lourde de sanglots.
Elle n’est point pareille aux autres, – elle est pâle ;
Son front a l’amertume et l’orage des flots.
Le vin où le soleil des vendanges persiste
Ne lui ramène plus le génëreux oubli ;
Elle est ivre à demi, mais son ivresse est triste,
Et les feuillages noirs ceignent son front pâli.
Tout en elle est lassé des fausses allégresses.
Et le pressentiment des froids et durs matins
Vient corrompre la flamme et le miel des caresses.
Elle songe, parmi les roses des festins.
Celle-là se souvient des baisers qu’on oublie…
Elle n’apprendra pas le désir sans douleurs,
Celle qui voit toujours avec mélancolie
Au fond des soirs d’orgie agoniser les fleurs.
Sad Bacchante
Day no longer pierces, with proud arrow and lance,
The woods, amazing in their beauty nocturnal.
This is the turbid hour when Bacchantes dance,
Amidst oppressive rhythms, languid and vernal.
Their hair tangles, dripping with the blood of the vines;
Their lively feet, like the wings of the wind, are light,
And their rosy flesh, the suppleness of their lines,
Imbues the forest with ever-shifting delight.
The youngest sings a song which calls to mind a wail:
Her amorous breast, with deep sobbing, is heavy.
She is not at all like the others – she is pale.
Her face has the stormy bitterness of the sea.
The wine, where the sun of the season will persist,
No longer brings generous oblivion now;
She is half-drunk, but her sorrow will not desist
And a wreath of dark leaves surrounds her pale brow.
To all in her, false gaiety brings weariness,
And the presentiment of cold and hard daybreak
Comes to spoil the glowing sweetness of the caress.
Among the festive roses she dreams, though awake.
What she remembers are the kisses they forget…
She cannot learn to desire without feeling grief,
She who gazes still, with melancholy beset,
At flowers dying after night orgies, so brief.
Renée Vivien poetry
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