Mireille Havet: Sur un tableau cubiste
Mireille Havet
(1898-1932)
Sur un tableau cubiste
Et mon rêve s’est penché sur le tableau cubiste
Harmonieux comme lui il a pris la forme profonde
de ses courbes.
Plus rien
Mon rêve oublie le monde, il s’enfonce et l’espace entier
fait place à ma pensée.
Les choses ne sont plus… Ah ! qu’importe les CHOSES
comme un arc-en-ciel, elles se décomposent
Prisme d’idée
Prisme de sensation
Réalisation enfin nouvelle d’une beauté simplifiée
comprise et universelle.
Vie simple
Sonorité sans limite
lumière ronde de ces lignes et s’emboîtant dans elle
comme des poupées russes.
Oh ! je vois des choses…
non! des lumières… le Paradis quand il était
situé dans le ciel devait avoir de ces profondeurs :
morceau de clarté jaillissante me faisant penser
à une tasse de porcelaine blanche au milieu d’un
crépuscule printanier.
Ombre divinement infinie
Ombre où l’on tombe comme une âme après la mort
doit tomber dans l’éternité.
Et mon rêve et moi-même sont entrés dans ces formes,
tels des pierres dans une maison neuve
Ne m’appelez plus maintenant, ne me demandez
plus rien de la vie : je pars — je suis partie
navire lointain sur la mer sans fin
On ne rappelle pas un navire. On ne rappelle pas
une pensée
et combien de sifflets, ce soir, annoncent des départs
auxquels vous ne songez.
Mireille Havet: Sur un tableau cubiste (‘ La culture physique ‘ de Picabia, exposée aux Indépendants en 1914)
Mireille Havet poetry
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