LAURE (COLETTE PEIGNOT): JE L’AI VUE
Laure
(Colette Peignot 1903 – 1938))
Je l’ai vue
Je l’ai vue – cette fois je l’ai vue
où ? à la limite de l’aube
et de la nuit
l’aube du jardin
la nuit de la chambre
avec un sourire qui craque
une patience d’ange
elle m’attend
Et je le sais bien
Puis d’une voix lointaine
elle m’a dit
Ah mais non
Tu ne deviendras pas folle
Entends-tu, tu ne te conduiras pas comme cela,
Tu feras ceci et cela. Elle parlait parlait sans que je ne
comprenne plus rien
Je la suivais malgré moi
Dans un froufrou de soie une robe à traîne avec beaucoup de
volants qui rebondissaient sur chaque marche.
elle a disparu
brillante bruissante
par un escalier étroit
et délabré
En haut
c’était le rayon d’hommes, des milliers de vêtements
Une pièce toujours fermée, surchauffée
Seule présente vivante :
elle
elle parcourait les espaces vides entre les mannequins
portant tous son masque
Laure poetry
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