Pierre-Jean de Béranger: La bacchante
Pierre-Jean de Béranger
La bacchante
Cher amant, je cède à tes désirs ;
De champagne enivre Julie.
Inventons, s’il se peut, des plaisirs
Des amours épuisons la folie.
Verse-moi ce joyeux poison ;
Mais surtout bois à ta maîtresse :
Je rougirais de mon ivresse
Si tu conservais ta raison.
Vois déjà briller dans mes regards
Tout le feu dont mon sang bouillonne.
Sur ton lit, de mes cheveux épars,
Fleur à fleur vois tomber ma couronne.
Le cristal vient de se briser :
Dieu ! baise ma gorge brûlante,
Et taris l’écume enivrante
Dont tu le plais à l’arroser.
Verse encore ; mais pourquoi ces atours
Entre tes baisers et mes charmes ?
Romps ces nœuds, oui, romps-les pour toujours,
Ma pudeur ne connaît plus d’alarmes.
Presse en tes bras mes charmes nus.
Ah ! je sens redoubler mon être !
A l’ardeur qu’en moi tu fais naître,
Ton ardeur ne suffira plus.
Dans mes bras tombe enfin à ton tour ;
Mais, hélas ! tes baisers languissent.
Ne bois plus, et garde à mon amour
Ce nectar où tes feux s’amortissent.
De mes désirs mal apaisés,
Ingrat, si tu pouvais te plaindre,
J’aurai du moins pour les éteindre
Le vin où je les ai puisés.
Pierre-Jean de Béranger (1780-1857)
La bacchante
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